Intervention de Catherine Osson

Réunion du mercredi 6 juin 2018 à 18h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Osson, rapporteure spéciale pour les crédits de la mission Enseignement scolaire :

La mission Enseignement scolaire est le premier poste de dépenses de l'État, hors mission Remboursements et dégrèvements, avec 21,7 % des crédits de paiements du budget général en loi de finances initiale pour 2017.

Les dépenses de personnel ont représenté 92,7 % des dépenses totales de la mission en 2017, pour 1 006 039 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Le principal enjeu de gestion de la mission est donc le pilotage de la masse salariale et la gestion des ressources humaines des deux ministères concernés : le ministère de l'éducation nationale et celui de l'agriculture et de l'alimentation. L'année 2017 a marqué la fin du programme de création d'emplois du ministère de l'éducation nationale sur la période 2012-2017, dont l'objectif était de créer 54 000 emplois. Depuis 2012, le plafond d'emploi de la mission a traduit ces orientations et progressé de 53 270 équivalents temps plein travaillé ; et le nombre d'emplois effectivement consommés s'est établi à 46 967.

J'aimerais commencer par quelques remarques générales concernant l'exécution des crédits de la mission Enseignement scolaire en 2017.

La première concerne le problème récurrent dans cette mission : la sous-budgétisation des crédits. En 2017, 467,3 millions d'euros ont été ouverts par le décret d'avance n° 2017-1623 du 30 novembre 2017 au titre des dépenses de personnel, afin d'assurer le financement de la paie de décembre du personnel de l'éducation nationale.

Ces dépenses de personnel semblent en partie avoir été mal anticipées dès la loi de finance initiale. En effet, l'exécution des crédits de 2016 était déjà supérieure au niveau prévisionnel retenu et utilisé comme socle de préparation de la loi de finances de 2017. De plus, malgré les efforts consentis en loi de finances depuis 2016, le coût du glissement vieillissement technicité (GVT) reste sous-budgété dès la prévision. Enfin, le coût de la mesure de transformation des contrats aidés en emplois d'accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), annoncée le 19 mai 2016 lors de la conférence nationale du handicap, aurait dû être mieux anticipé.

Ma seconde remarque concerne le dispositif de performance de la mission, qui reste lacunaire. Sur les cinq indicateurs représentatifs de la mission inscrits dans le rapport annuel de performance 2017, deux ne sont pas renseignés, notamment celui concernant la maîtrise par les élèves du socle commun en fin de sixième, pourtant affiché comme une priorité. Deux autres indicateurs sont renseignés de façon incomplète. Un effort important doit donc être réalisé à ce niveau afin d'améliorer la programmation budgétaire et l'évaluation de cette politique publique.

Je vais développer maintenant mon propos en quatre temps, en insistant sur les thématiques qui ont attiré mon attention au cours des auditions que j'ai menées depuis le mois de mars avec les grands acteurs de l'enseignement scolaire en France. Premièrement, j'aborderai la question du dédoublement des classes en CP dans les zones REP+, instauré dès la rentrée 2017, et son articulation avec le dispositif « Plus de maîtres que de classes ». Dans un second temps, j'aimerais m'attarder un peu sur le dispositif « devoirs faits ». Je traiterai ensuite le thème de l'école inclusive. Enfin, j'aimerais appeler votre attention sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur, celui des aides administratives aux directeurs d'école.

Le dédoublement des classes en CP dans les zones REP + est une mesure nécessaire et particulièrement importante, mise en place depuis la rentrée de septembre 2017, et je la soutiens particulièrement. Cependant, les acteurs du secteur m'ont fait part de plusieurs inquiétudes à ce sujet. Les plus fortes concernaient l'absence d'expérimentation préalable, et le risque pesant sur le dispositif « Plus de maîtres que de classes », sur lequel des effectifs sont pris pour fournir les effectifs nécessaires aux dédoublements de classes.

Depuis la rentrée des vacances de la Toussaint 2017, le dispositif « devoirs faits » a été mis en place. Il permet de proposer aux collégiens, sur la base du volontariat, un temps d'étude gratuite accompagnée pour réaliser leurs devoirs. Si cette initiative est particulièrement importante, elle repose sur le volontariat des élèves et d'une équipe enseignante qui accepte de la mettre en place. Cela crée donc des inégalités entre les territoires, et au sein même des établissements, puisque des cohortes d'élèves bénéficient davantage de cet accompagnement que d'autres.

La scolarisation des élèves en situation de handicap est une priorité affichée du Gouvernement pour rendre l'école réellement inclusive. En 2017, conformément aux engagements pris lors de la conférence nationale du handicap du 19 mai 2016, la transformation sur cinq ans des 56 000 contrats aidés occupés par des personnels chargés de l'aide humaine en 32 000 emplois d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) a débuté. En conséquence, 8 533 ETPT ont été créés.

La gestion des élèves en situation de handicap connaît cependant plusieurs limites. Premièrement, les élèves scolarisés dans les unités spécialisées dans l'inclusion scolaire (ULIS) ne sont toujours pas pris en compte dans les calculs d'effectifs pour établir la carte scolaire et les déclenchements d'ouverture de postes. Deuxièmement, les enseignants ne sont pas suffisamment formés à gérer les élèves en situation de handicap physique etou mental. Enfin, la concentration des moyens en personnel sur l'accompagnement des élèves en situation de handicap porte préjudice à l'ensemble des autres missions confiées par les services de l'éducation nationale aux bénéficiaires de contrats aidés.

J'en viens à mon dernier point, concernant la suppression des aides administratives aux directeurs d'école (AADE). Le Gouvernement a choisi de supprimer à la rentrée 2017 les contrats aidés exerçant des missions de support et d'assistance aux directeurs d'école. Dans le premier degré, les directeurs d'école exercent une activité d'enseignement en plus de leurs charges de direction excessives, pour lesquels ils sont peu déchargés. À ce titre, les aides administratives effectuaient un travail important et indispensable au bon fonctionnement de l'école. Sans ces personnels, de nombreuses missions sont aujourd'hui impossibles à réaliser, telles que les tâches de secrétariat, portier ou médiateur.

J'aimerais insister sur le fait qu'aucune évaluation du rapport entre le coût de ces contrats aidés dévolus aux aides administratives et leur efficacité n'a été réalisée avant leur suppression. J'ajouterai également que l'attention que vous portez au cas particulier des directeurs d'école qui ne bénéficient pas de décharges hebdomadaires par la circulaire n° 2017-0589 du 31 juillet 2017 ne permet pas de régler le problème dans son ensemble. En effet, si 65 % des directeurs d'école bénéficient de cette décharge selon les chiffres que vous avancez, et ne sont donc pas concernés par cette dérogation, cette décharge n'est en aucun cas suffisante pour permettre au directeur d'école de remplir l'ensemble des fonctions administratives indispensables au bon fonctionnement d'une école au quotidien. Dans un contexte de réduction des moyens généralisé, les collectivités territoriales ont aussi fait des économies sur leurs dépenses de personnel, aggravant ainsi les difficultés à effectuer des tâches ponctuelles telles que l'ouverture d'une porte lorsqu'un élève revient d'un rendez-vous médical en milieu d'après-midi.

Ces tâches sont particulièrement importantes dans les quartiers en politique de la ville, dans lesquels l'accompagnement des familles est primordial. Les outils informatiques et la simplification des procédures administratives, aussi importants soient-ils, ne permettront pas toujours aux directeurs d'école de répondre aux besoins des élèves et de leurs familles en grande difficulté. Les directeurs d'école en REP et REP + doivent bien souvent gérer des situations compliquées, qui s'étendent à un périmètre plus large que celui de l'école. Un retour des aides administratives a minima dans ces écoles est nécessaire aujourd'hui pour faciliter la tâche de ces personnels qui s'investissent dans une mission difficile mais indispensable au bon fonctionnement de l'école républicaine.

Plusieurs questions découlent de ces différents constats.

Les premières concernent l'exécution des dépenses en 2017. Comment comptez-vous remédier au problème de la sous-budgétisation des dépenses de personnel pour éviter de nouvelles ouvertures de crédits en fin d'année ? Quel est votre calendrier d'action et les moyens mis en oeuvre pour remplir de façon complète les indicateurs indispensables à l'évaluation de la performance des politiques publiques mises en place dans cette mission ? Renseigner annuellement les indicateurs LOLF, en particulier ceux relatifs à l'objectif prioritaire d'atteinte par les élèves des connaissances et compétences du socle commun, me paraît en effet une priorité.

Concernant le dédoublement des classes en CP dans les zones REP+, quelles sont les actions mises en oeuvre à cette date pour évaluer l'efficacité de ce dispositif sur l'apprentissage des élèves ? Une évaluation du dispositif « Plus de maîtres que de classes » est-elle envisagée pour permettre des comparaisons entre ces deux dispositifs ? Quel est l'avenir du dispositif « Plus de maîtres que de classes » ?

J'ai été alertée par plusieurs directeurs d'école sur le fait que des crédits attribués pour mettre en oeuvre le dispositif « devoirs faits » allaient être rendus, du fait d'un manque de volontariat au sein des établissements. Ce dispositif étant encore très récent, je souhaitais savoir si une évaluation était prévue pour fin 2018. Avez-vous déjà une estimation du montant des crédits non consommés à ce titre ?

À propos de l'école inclusive, quelles actions comptez-vous mettre en oeuvre pour améliorer la formation des enseignants dans la gestion des élèves en situation de handicap ? Est-il envisageable de prendre en compte les effectifs des élèves en ULIS dans les calculs d'effectifs pour établir la carte scolaire et les déclenchements d'ouvertures de postes ?

Enfin, au-delà de la problématique budgétaire, et dans un contexte de développement conséquent de moyens dans le premier degré, n'est-il pas temps d'engager une réflexion sur le métier de directeur d'école ? Certes, le numérique améliorera une partie des tâches administratives, mais la prise en charge des matériels informatiques n'est pas uniforme sur le territoire car les collectivités territoriales ne disposent pas toutes des mêmes ressources. La place de l'école a changé dans les familles et nous n'avons pas donné aux écoles les moyens de faire face.

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