Intervention de Jean-Paul Dufrègne

Séance en hémicycle du mercredi 13 juin 2018 à 15h00
Nouveau pacte ferroviaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Dufrègne :

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, les agents de la SNCF organisaient hier une « journée de la colère cheminote » pour réclamer, une fois encore, le retrait de votre réforme : 53 % des conducteurs, 45 % des contrôleurs et 21 % des aiguilleurs étaient en arrêt de travail lors de ce vingt-neuvième jour de grève.

La majorité de notre assemblée et la droite sénatoriale ont trouvé lundi un compromis. L'objectif de cet accord est évidemment d'éviter que les débats ne se prolongent. Il est aussi de porter à la mobilisation un coup que vous espérez fatal.

Les cheminots ont déjà annoncé qu'ils poursuivraient la grève. Ils ne veulent pas céder face à cette mauvaise réforme qui menace l'avenir de leur entreprise et la pérennité du service public ferroviaire.

Nous partageons leur combat en faveur d'un grand service public ferroviaire. L'accord trouvé lundi en commission mixte paritaire ne règle rien et n'apporte aucune réponse aux questions, pourtant centrales, que nous avons soulevées tout au long des débats.

S'agissant de l'ouverture à la concurrence, vous persistez à dire qu'à défaut de se traduire par une baisse des tarifs, elle permettra une hausse de la fréquentation et de la qualité de service. Les comparaisons internationales invitent pourtant à la prudence. En Suède, pays que vous mettez en avant comme exemple de réussite, la majorité des usagers souhaitent un retour au service public du rail, car ils jugent que le système leur coûte plus cher pour des prestations qui ne sont pas toujours à la hauteur. Idem chez nos voisins d'Outre-manche. Notre système ferroviaire se classe troisième en Europe en termes de performance : pourquoi casser ce qui marche, au profit d'une ouverture à la concurrence dans laquelle les usagers n'ont rien à gagner ? Pas de réponse.

Pas de réponse non plus sur l'avenir des petites lignes – le sujet a été bien vite évacué par le Gouvernement. Pourtant, au vu de la faiblesse des crédits envisagés pour soutenir les contrats de plan État-région ferroviaires – 150 millions d'euros par an – , la question de la pérennité des petites lignes reste entière, avec le risque d'une véritable fracture territoriale entre les régions riches, qui auront les moyens de garder des lignes, et les autres, qui n'auront pas les fonds nécessaires pour investir. En Auvergne, plusieurs lignes secondaires pourraient ainsi être menacées.

L'État doit prendre ses responsabilités avec d'autant plus de force que la faiblesse de la fréquentation de ces lignes n'est pas structurelle, mais résulte souvent d'une vitesse de circulation insuffisante, de la dégradation des infrastructures et des ralentissements, retards et suppressions de trains. En examinant attentivement la carte des lignes des catégories 7 à 9 de la classification de l'Union internationale des chemins de fer – UIC – , qui sont celles qui connaissent le moins de circulation et sont, par voie de conséquence, les plus menacées, on constate que l'addition des principales gares desservies sur ces portions de réseau forme un ensemble de 183 communes, dont une centaine comptent plus de 7 000 habitants. Les collectivités locales concernées représentent des bassins de vie et d'emploi divers où résident, au total, près de 5 millions de personnes. Cela renvoie à la particularité géographique de notre pays, dont le Gouvernement fait en définitive peu de cas, comme il fait en réalité peu de cas de l'avenir des territoires ruraux.

Pas de réponse, enfin, sur le terrain environnemental. La part modale du ferroviaire dans le transport de marchandises est aujourd'hui inférieure à 10 % et s'établit à 11 % pour ce qui concerne le transport ferré de voyageurs.

Au regard de ces chiffres, le développement du transport ferroviaire est un enjeu considérable. Le transport routier est ainsi responsable de 95 % des émissions de gaz à effet de serre, les véhicules particuliers représentant la moitié de cette part. Le coût des congestions routières est estimé à 350 milliards d'euros sur la période 2013-2030, dont 200 milliards d'euros pour l'Île-de-France. L'OMS – Organisation mondiale de la santé – chiffre de son côté à 45 000 le nombre de décès imputables à l'ozone et aux particules en France.

Le refus obstiné du Gouvernement de reprendre à son compte les objectifs du Grenelle de l'environnement, lequel proposait de faire passer la part modale du non -routier et non-aérien de 14 % à 25 % à l'échéance 2022, et la volonté affichée de restreindre le domaine de pertinence du ferroviaire à partir de considérations financières emportent des conséquences dangereuses sur le plan de la santé publique et de la préservation de l'environnement.

Là encore, nous avons la preuve que c'est bien le délitement du transport ferroviaire que vous recherchez. De la même manière que l'abandon du transport ferroviaire de marchandises a jeté en dix ans sur nos routes des millions de poids lourds, nous allons, avec ce texte, vers une diminution de l'offre ferroviaire au profit du routier voyageur, au mépris de la réponse aux besoins réels de transports collectifs, particulièrement dans les zones rurales.

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