Intervention de Pierre Dharréville

Séance en hémicycle du jeudi 14 juin 2018 à 9h30
Liberté de choisir son avenir professionnel — Article 7

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Dharréville :

Beaucoup de choses ont été dites sur la manière dont la réforme proposée porte atteinte à l'enracinement de l'apprentissage dans les réalités du terrain. Sans examen, sans étude d'impact ni évaluations, elle écarte les régions et le travail qu'elles ont pu faire. Pour remplacer ce système, elle mettra les CFA en concurrence à travers des règles dont on a montré qu'elles allaient faire disparaître certaines filières et certains CFA. Les branches ne sont pas implantées de la même façon sur tous les territoires. Bref, le texte soulève des objections dont il faut se préoccuper.

Par ailleurs, l'article marque une régression sans précédent dans la conception même de l'apprentissage. J'ai bien entendu, hier, le Président de la République critiquer la société des statuts. Le problème, c'est que parler de cette façon revient à s'attaquer au droit. Or je suis très attaché à la défense d'une société de droit, que vous êtes en train de détricoter par les propositions que vous mettez sur la table.

Ce texte appréhende l'apprentissage comme contribuant à l'insertion professionnelle. Vous entendez le déconnecter de la formation initiale et laissez à penser que ce serait la seule voie d'accès à l'emploi pour certains jeunes. Vous manifestez là une conception pour le moins étroite de l'apprentissage. Vous l'enfermez dans une vision utilitariste et court-termiste, au service des besoins immédiats des entreprises, en veillant à ce qu'il soit en adéquation avec ces derniers. Nous en avons beaucoup discuté en commission, pour nous contenter, finalement, de mettre une offre en face d'une demande. Vous faites donc bien un choix idéologique, en sous-traitant la fonction éducative aux entreprises.

Cette conception de l'apprentissage est, à nos yeux, extrêmement dangereuse. Vous vous référez au modèle allemand pour la justifier mais, en Allemagne, le temps passé par l'apprenti dans le centre de formation représente 20 % de son temps global, contre 45 % en France. L'apprentissage doit rester sous statut scolaire, dans le cadre d'une ambition éducative forte, et viser un niveau de formation élevé, pour toutes et pour tous, et doit donner accès à une culture générale, une culture professionnelle de qualité, de nature à offrir une garantie d'évolution à long terme pour tous les jeunes en formation.

Au-delà de ce qui a été dit sur la nécessité de travailler sur l'apprentissage en entreprise, sur les maîtres d'apprentissage, il est, à notre sens, nécessaire de conserver la volonté éducative, la vocation de formation initiale de l'apprentissage. Or, avec votre texte, nous nous en éloignons. Pour nous, l'apprentissage doit offrir, au même titre que les autres voies, des possibilités de poursuivre ses études.

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