Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Réunion du mercredi 30 mai 2018 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Mélenchon :

Je pense que je vais voter en faveur de cette convention pour la raison que vous avez évoquée à la fin : un geste à faire, mais je n'oublie pas d'où l'on part.

La Bosnie est le résultat effroyable du démembrement de l'ex-Yougoslavie. Le point de départ a été le refus du gouvernement allemand d'entendre ce que demandait la France, à savoir qu'avant de reconnaître les indépendances de la Croatie, de la Slovénie et de la Serbie, chacun des gouvernements doit reconnaître d'abord le statut de ses minorités. Les Allemands sont passés outre et ont reconnu en 48 heures des entités dont les frontières n'étaient pas définies et où les minorités n'étaient pas reconnues dans leurs droits.

Après la déflagration générale, la Bosnie-Herzégovine était le pays le plus multiculturel de toute l'ex-Yougoslavie et nous pensions, nous défendions cette idée qu'il fallait leur donner leur chance. Les conditions effroyables de la guerre en Bosnie-Herzégovine, alimentée et financée par toutes sortes de gens, ont abouti à ce résultat des trois collectivités – chacune constituant une république organisée sur une base ethnique – aujourd'hui fédérées dans la Bosnie.

L'absence de l'Europe et des pays européens a été telle que ce sont les Américains qui ont parrainé les accords de Dayton. Ces accords entérinent le principe selon lequel une fédération d'ethnies peut constituer un Etat. Ce n'est pas notre façon de voir le monde et nous ne croyons pas que ce soit une solution que de fabriquer un Etat en fédérant des ethnies parce que les ethnies restent et les Etats disparaissent. Et c'est ce qui se passe en Bosnie.

La bureaucratie de l'ancien parti unique s'est transformée en un ramassis de nationalistes violents pour chacune des collectivités, ils ont troqué leurs treillis contre des costumes et les voilà maintenant installés aux postes de commandes dans un pays où l'ancien deutschemark continue à circuler et où l'on traite les gens qui travaillent avec une férocité qui n'a pas d'égal dans toute la région. C'est au point qu'en 2014, il y a eu un énorme mouvement social populaire et l'on a cru qu'enfin le peuple, les pauvres gens, ceux qui essaient de vivre de leur travail, allaient pouvoir proposer une alternative. Il n'en a rien été et nous sommes toujours enfermés dans la même situation épouvantable.

Vous nous proposez un accord comme un message à la jeunesse de ce pays pour que les conditions soient facilitées pour venir en France. Nous autres français avons, à mon avis, intérêt à avoir le plus de monde qui vient étudier chez nous parce que c'est le meilleur moyen de développer notre influence dans une zone d'influence traditionnelle de l'Allemagne. Si les gens font le trajet de la Bosnie à la Slovénie, alliée des Allemands, et de la Slovénie à l'Allemagne, c'est parce qu'il existe d'anciens circuits.

Tâchons de faire pour le mieux, et si les choses sont comme le dit notre rapporteur, je voterai en faveur de cette convention. Mais ne perdons jamais de vue les tendances longues et lourdes de l'Histoire, parce que sinon nous sommes, me semble-t-il, condamnés à l'angélisme. Naturellement, je ne dis pas que ce que j'en dis veuille vous condamner à un regard noir sur l'Histoire mais il faut être réaliste.

Dans cette zone-là, il n'y a pas d'innocents. Si cela se passe en Bosnie, c'est d'abord, comme vous l'avez rappelé, M. le rapporteur, parce qu'il y a beaucoup de montagnes ; et qu'en quelque sorte les quatre empires se sont arrêtés à cet endroit-là avec leurs quatre religions : les chrétiennes et la musulmane. Je crois utile de dire tout cela pour que l'on se rappelle de quoi l'on parle et quelle est la dose de violence de cette région.

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