Intervention de Frédéric Petit

Réunion du mercredi 30 mai 2018 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Petit, rapporteur :

Je suis tout à fait d'accord avec vous, et je l'ai dit : les accords de Dayton ne sont pas des accords de paix mais des accords de guerre.

Je crois néanmoins qu'il ne faut pas mélanger l'éclatement de l'ex-Yougoslavie avec ce qu'il s'est passé en Bosnie-Herzégovine. L'éclatement de la Yougoslavie trouve son origine dans un refus constitutionnel opposé à Milosevic, successeur de Tito, de reconnaître la fédération.

Ce qui se passe en Bosnie est différent ; là on a assisté à un véritable nettoyage ethnique. Une de mes électrices binationale a quitté son pays parce qu'on l'a chassée de son village. Aujourd'hui, persiste une violence qui cherche à justifier cette partition et qui est contraire à ce que nous Français appelons « nation ».

Mais il n'y a qu'en France que la citoyenneté et la nationalité sont confondues. C'est une particularité qui remonte à la Révolution. C'est loin d'être toujours le cas dans les autres pays, comme par exemple en Allemagne. La confusion entre nationalité et citoyenneté que nous faisons en France pour des raisons qui font notre propre richesse rend pour nous incompréhensible le mécanisme des accords de Dayton.

Et aujourd'hui, je ne sais pas comment on peut construire un Etat bosnien sur ces accords. En réalité, il y a 4 acteurs : les entités bosniaque et croate forment une fédération, qui traite avec la Republica Serbska. Cette alliance à deux des bosniaques et des croates ne se voit pas au niveau de la construction de l'Etat, mais elle se voit dans la construction des pouvoirs locaux.

On ne peut pas vraiment dire que les accords de Dayton étaient entre ethnies, mais plutôt entre groupes combattants. Ces accords reconnaissent des entités mais ont évité le terme d'ethnies. C'est le petit coin dans la porte qui peut permettre de transformer ce système. Certaines personnes disent : je suis bosnien, mais ni bosniaque, ni serbe, ni croate, et je n'ai pas le droit de me porter candidat à la présidence de la République, c'est injuste. Le cas s'est présenté avec un juif et un rom : il a été porté devant la Cour internationale avec succès. Certains Bosniens voudraient que leur choix électoral ne soit pas contraint par leur appartenance à telle ou telle entité. Ce problème n'est toujours pas réglé pour les prochaines élections qui doivent se tenir en octobre, dont personne ne sait si elles pourront se tenir dans un cadre légal.

Une lueur d'espoir existe et concerne l'Europe. Les entités de la Bosnie-Herzégovine qui traditionnellement étaient boute-feu, voyant que la Croatie et la Serbie s'apaisent à mesure qu'elles se rapprochent et s'intègrent à l'Union européenne, commencent à comprendre qu'elles doivent faire de même si elles veulent rester dans le canal d'intégration à l'Union.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.