Intervention de Florence Parly

Réunion du lundi 4 juin 2018 à 16h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Florence Parly, ministre des armées :

Mesdames et messieurs les députés, permettez-moi d'abord de me féliciter de cet exercice. Le Parlement a rarement l'occasion de se pencher sur les questions d'exécution. Elles sont pourtant fondamentales, surtout à un moment où nous nous préparons à aborder une nouvelle loi de programmation militaire. Il est particulièrement important que nous puissions le faire de façon solide, sans ardoises, comme on dit vulgairement, et au mieux de nos capacités.

Je voudrais revenir rapidement sur les conditions de l'exécution 2017. Vous avez rappelé qu'elle s'était bien terminée, mais au terme d'un suspense prenant, et qui aura duré plusieurs mois. 2017 était l'année de tous les dangers, puisqu'il y a un an, 2,7 milliards d'euros avaient été gelés sur le budget du ministère des armées et que peu après mon arrivée, 850 millions d'euros de crédits de paiement ont été annulés. Mais finalement, les engagements pris ont été tenus : l'exécution est supérieure de 800 millions d'euros à l'exécution 2016, tandis que les crédits sont plus importants que ceux prévus en loi de finances initiale.

Cela s'explique d'abord par des ouvertures de crédit : les surcoûts OPEX et missions intérieures ont été entièrement couverts par la voie du décret d'avance du mois de juillet et de la loi de finances rectificative, pour environ 1 milliard d'euros, sans annulations supplémentaires sur le budget des armées. D'autre part, le dégel que j'avais promis, portant sur 1,9 milliard d'euros de crédits budgétaires, dont 700 millions d'euros de crédits de report, a été effectué. Il n'est intervenu qu'en toute fin d'année pour ce qui concerne les crédits de report, ce qui a entretenu un suspense non négligeable, mais a aussi permis d'éprouver le grand professionnalisme du ministère des armées : ces 700 millions d'euros ont pu être consommés en l'espace de quarante-huit heures.

Le report de charges est de 3,1 milliards d'euros, une quasi-stabilité par rapport à 2016, dans laquelle je vois un très bon signal. Afin de supporter l'annulation de 850 millions d'euros intervenue en juillet 2017, nous avons procédé à quelques réaménagements de programmes. Ces ajustements, finalement assez modestes, ont concerné les 45 premiers Mirage 2000-D, dont nous entreprendrons le lancement en 2018. Nous avons également reporté au mois de mai la commande du cinquième sous-marin nucléaire d'attaque Barracuda.

Je considère donc que l'exécution est très positive, malgré l'annulation de 850 millions d'euros. Cet excellent résultat ne s'est pas traduit par un report de charges ou d'engagements qui hypothéqueraient lourdement l'avenir.

Le report de charges a vocation à augmenter de façon maîtrisée au cours des prochaines années car il est lié à la chronique des engagements et des paiements. Nous verrons dans le cadre de la loi de programmation militaire comment ce report de charges est piloté, en fonction des engagements et des rendez-vous que le ministère du budget nous a fixés.

Vous avez souligné que la masse salariale avait été très correctement maîtrisée en 2017. Cette maîtrise a pu susciter des commentaires laudatifs, mais aussi critiques, dans la mesure où un sous-effectif est apparu. Celui-ci n'est pas nouveau et nous avons contribué à le limiter par rapport à ce qu'il était fin 2016. Compte tenu de l'ampleur des recrutements auxquels nous procédons – 26 000 personnes chaque année –, il peut arriver que tous les postes ne soient pas pourvus. Toutefois, nous surveillons de près ce sous-effectif, car il ne s'agirait pas qu'un certain nombre de fonctions particulièrement critiques pour notre ministère ne puissent être assurées. Si la masse salariale a été bien pilotée en 2017, c'est aussi parce que nous avons eu des effets de fusil à un coup, dont la Cour a rendu compte de façon exhaustive.

Il est vrai que les surcoûts OPEX ont fortement augmenté au cours de l'année 2017 : si on y ajoute les missions intérieures, ils ont atteint 1,5 milliard d'euros, dont 1,3 milliard pour la seule partie opérations extérieures, contre 1,171 milliard au titre de 2016. Ces surcoûts sont liés d'une part au poste « entretien programmé des matériels », qui est en progression d'environ 50 millions d'euros, au poste « munitions », qui a augmenté d'environ 35 millions d'euros avec l'intensification des frappes au Levant lors de la libération de Mossoul et de Raqqa, et au poste « transports », qui a crû d'une vingtaine de millions d'euros.

Le coût des opérations au Sahel et au Levant est en légère croissance. En revanche, le coût d'opérations moins importantes a diminué, en corrélation avec la réduction des effectifs, comme en République centrafricaine.

Que nous ayons de grandes difficultés dans le domaine du MCO aéronautique n'est un secret pour personne. La statistique est bien connue : moins d'un avion sur deux est en état de voler. J'ai été amenée à modifier profondément l'organisation de la direction en charge de cette mission. Nous avons beaucoup progressé sur la mise en place de cette nouvelle direction. Nous cherchons, comme vous le savez, à négocier des contrats globaux, permettant de responsabiliser les industriels. Nous avons identifié six flottes prioritaires, pour lesquelles les contrats doivent faire l'objet d'une renégociation très rapide, d'ici à fin 2018, début 2019 : quatre flottes d'hélicoptères et deux flottes d'avions. En lieu et place d'une vingtaine de contrats qui se cumulaient, nous passerons à quelques contrats seulement.

Nous sommes en deçà des objectifs de préparation opérationnelle pour les flottes d'hélicoptères et d'avions de chasse, puisque nous ne parvenons pas à effectuer la totalité des heures de vol. La situation est contrastée : dans l'aviation de chasse, les équipages les plus qualifiés volent beaucoup, tandis que les équipages en formation arrivent tout juste à faire leurs heures de vol. En revanche, nous sommes très proches de la norme impartie pour ce qui concerne les patrouilles maritimes. L'objectif est de réaliser ces prochaines années les objectifs de préparation opérationnelle fixés dans la LPM. Le choix qui a été fait en loi de programmation militaire de ne pas augmenter le format de nos armées devrait nous y aider, à condition bien sûr que nous y prêtions attention.

Nous avons parfaitement conscience que le MCO aérien n'est pas à la hauteur de ce que l'on peut en attendre. Nous nous donnons les moyens de le faire progresser. Pour la bonne information du Parlement, j'ai décidé d'entreprendre pour le MCO terrestre la même démarche que pour le MCO aéronautique, car je crois que nous devons faire preuve d'exigence. C'est aussi la contrepartie des choix faits en loi de programmation militaire, qui consistent à ne pas substituer à l'effort qui doit être réalisé sur les équipements existants un investissement en matériels nouveaux. Nous avons choisi de renouveler les matériels, nombre pour nombre, à quelques exceptions près. Nous n'avons pas décidé d'augmenter de 20 ou 30 % la cible de chacun des équipements, ce qui pourrait laisser penser que le flux de nouveaux appareils pourrait compenser le mauvais fonctionnement des appareils existants. Au contraire, nous avons maintenu notre cible, ce qui suppose que le MCO soit au rendez-vous.

Monsieur le rapporteur général, il est vrai que la Cour des comptes nous invite à procéder au recensement des dépenses fiscales. Compte tenu de la nature des dépenses fiscales listées, et sans vouloir méconnaître mes obligations, il me semble que c'est au ministère de l'action et des comptes publics d'effectuer ce travail. C'est à lui qu'il revient d'identifier, à l'intérieur de la dépense fiscale, l'exonération d'un certain nombre de contribuables de certains éléments d'assiette de l'impôt sur le revenu. Mais je regarderai cela plus attentivement et nous verrons avec le ministre de l'action et des comptes publics comment nous répartir les tâches.

En 2016, la Cour des comptes avait recommandé de mettre en place une comptabilité analytique. Elle note, avec raison, qu'il faut en assurer la poursuite en 2017. Nous avons commencé le déploiement de la comptabilité analytique en 2017, il devrait être achevé d'ici à quelques mois. Je tiens tout de même à souligner que nous sommes pour le moment le seul ministère à avoir mis en place une comptabilité analytique.

Madame la rapporteure pour avis, vous avez demandé quelles ont été les conséquences des annulations de crédits, plus particulièrement sur l'armée de terre. Comme je l'ai expliqué, nous avons essayé de repousser, de façon limitée toutefois, quelques programmes et nous avons joué sur le niveau de trésorerie d'un certain nombre d'organismes auxquels le ministère des armées verse des contributions. Enfin, nous avons renégocié, tout à fait à la marge, quelques contrats. S'agissant de l'armée de terre, nous avons décalé la livraison d'une partie des tourelleaux télé-opérés destinés aux Griffon, la mise en oeuvre d'un complément de simulateurs d'entraînement au tir de combat pour les missiles de moyenne portée et la livraison de véhicules légers tactiques polyvalents non protégés.

Même si notre objet n'est pas la loi de programmation militaire, c'est bien dans la LPM que se trouve la compensation des décalages effectués, sachant que ces décalages pourront être compensés pour partie dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2018.

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