Intervention de François Cornut-Gentille

Réunion du lundi 4 juin 2018 à 16h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Cornut-Gentille, rapporteur spécial de la commission des finances sur le rapport Défense : préparation de l'avenir :

Je voudrais d'abord remercier le président de la commission des finances ainsi que les membres de la majorité qui ont mis en place ce printemps de l'évaluation, particulièrement M. le rapporteur général et Mme Amélie de Montchalin, très engagés sur ce sujet.

Depuis des années, une attente très forte se faisait sentir au sujet de cet exercice d'évaluation, notamment au sein de la commission des finances. Nous sommes donc très heureux de voir que les choses se mettent en route. En effet, par-delà les clivages politiques, nombre de personnes ont bien noté que la qualité de nos débats budgétaires était liée à la qualité de l'évaluation et du contrôle que nous étions susceptibles de faire ; et ces points étaient jusqu'à présent assez déficients. Aussi progresser autour du contrôle et de la loi de règlement revient-il à progresser dans nos débats budgétaires qui sont, il faut bien le dire, forcément quelque peu caricaturaux entre la majorité et l'opposition. Cela fait partie du jeu. Sortons donc de ce jeu et trouvons d'autres moments de discussion. Le Parlement s'en trouvera bien.

Néanmoins, deux conditions de réussite me paraissent nécessaires pour atteindre ces objectifs éminemment souhaitables.

Le premier, est que le Parlement se saisisse de ces questions de contrôle. Jusqu'à présent cela n'a pas été le cas : la commission des finances s'est efforcée de le faire mais le Parlement dans son ensemble avait du mal à s'engager dans cette voie. Peut-être la commission des finances se gardait-elle le sujet d'ailleurs, et les torts étaient-ils partagés. Il importe en tout cas que nous sortions de la routine et prenions au sérieux ce travail d'évaluation.

Par ailleurs, il faut évidemment que l'exécutif accepte – ce qui n'est pas pleinement acquis dans sa culture en France – un véritable effort de transparence et d'information du Parlement.

Et là, je ne voudrais pas vous cacher, mesdames les ministres, une certaine déception en ce qui concerne la mission Défense. J'ignore ce qu'il en est pour les autres missions, mais pour celle-là, je parlerais plutôt d'« hiver de l'évaluation ». Je voudrais vous convaincre que sur certains sujets, il y a bien régression, en matière d'information du Parlement.

Voici quelques éléments objectifs concernant les réponses aux questions parlementaires. Anticipant sur le travail d'aujourd'hui, j'avais posé mes questions très tôt au ministère. Dès le début du mois d'avril, je lui avais adressé 60 questions: à 24 heures du débat, le taux de non-réponse s'élevait à 53 %, à 13 heures ce taux descendait à 43 % et il me semble que, lorsque je me rendais dans cette salle, il avait encore un peu baissé. Or nous ne pouvons pas travailler ainsi. Pour une information et des débats sereins, nous avons besoin de disposer de ces informations suffisamment tôt pour pouvoir les examiner. Cela d'autant plus que les questions que je pose relèvent du bon sens et mériteraient de toute façon d'être soulevées par l'exécutif.

Au-delà de cette difficulté d'exploiter des réponses trop tardives, je voudrais souligner trois points qui me paraissent particulièrement déplaisants. Le premier c'est l'absence de toute réponse un peu sérieuse sur ce qui me paraît être le coeur du sujet, le second c'est la légèreté, si ce n'est la désinvolture, de certaines réponses portant sur des questions qui me paraissent tout de même intéressantes, et le troisième c'est un recul incompréhensible sur la disponibilité des matériels.

Le premier point porte sur donc le manque criant caractérisant la question centrale de l'évaluation, qui consiste avant tout, me semble-t-il, en une comparaison entre le budget initial et l'exécution budgétaire. J'ai donc demandé cette comparaison sur les programmes 144 et 146 dont je suis rapporteur qui sont le coeur du sujet. Ce n'est pas un piège : je comprends tout à fait qu'il puisse y avoir des décalages entre une loi de finances initiale (LFI) et son application budgétaire, mais encore faut-il qu'ils soient expliqués. Or je ne dispose d'aucune réponse, d'aucun élément sur le coeur du sujet. C'est là la première cause de déception.

La deuxième est due à la légèreté de certaines. Les questions portant sur le bilan d'activité des différentes armées sont plutôt classiques. Or pour une raison qui m'échappe, les réponses sont tout d'abord revenues classifiées – je ne vois pas en quoi tout cela serait secret ou appellerait de la confidentialité. En outre, elles renvoient entièrement aux éléments connus et publiés du RAP 2017. Dans ces conditions, mieux vaut ne pas répondre du tout. Ou alors me contacter pour m'expliquer qu'il y a un problème. Cela est vraiment très curieux.

Autre domaine pour lequel les réponses me paraissent insuffisantes – désinvoltes serait peut-être trop fort : les dégels des 700 millions d'euros dont vous avez parlé, madame la ministre. J'avais déjà posé une question écrite, et je suis revenu à l'assaut. J'ai effectivement obtenu une réponse pour une partie de cette somme mais il reste quasiment 160 millions sur lesquels je n'ai aucune explication. Peut-être n'est-il pas possible de détailler à ce point. Dans ce cas, que l'on m'explique pourquoi ; je suis tout à fait capable de comprendre. Pour l'heure, ces 160 millions d'euros demeurent mystérieux.

Sur les 850 millions d'euros d'annulation de crédits, vous avez donné quelques éléments qui m'auraient été bien utiles pour préparer cette intervention. Les réponses que j'ai obtenues renvoient à la Cour des comptes. Mais c'est au ministère d'expliquer lui-même ce qu'il a fait. Par ailleurs, la Cour des comptes explique le mécanisme global dans un langage assez compliqué pour le modeste député que je suis. À lire la Cour des comptes, on comprend qu'il y aura des décalages, des effets certains sur les autorisations d'engagements (AE) et les crédits de paiement (CP), mais ceux-ci ne sont pas décrits. J'apprécierais que le ministère les détaille, nous explique pourquoi c'est difficile – si tel est le cas – et nous fournisse des éléments. À cet égard, je souhaiterais rappeler que, à chaud, un débat politique fort avait eu lieu. Quelques mois après, peut-être pouvons-nous mettre les choses à plat et regarder s'il s'agissait d'une vraie difficulté, si la majorité avait raison ou si l'opposition grossissait les faits. IL serait utile, me semble-t-il, pour tout le monde d'y voir clair en la matière.

Enfin, le dernier point porte sur le recul, tout à fait incompréhensible à mon sens, de la disponibilité des matériels, compte tenu notamment de la priorité qu'à juste titre, vous vous êtes donnée, madame la ministre, sur le maintien en condition opérationnelle (MCO). En entrant dans cette salle, je ne disposais que de quelques éléments sur les bâtiments de surface de la marine et sur quelques services que je veux remercier publiquement d'ailleurs, car je n'avais rien d'autre : le service des essences, qui est très important, mais pas prioritaire dans mon esprit, et le service de santé. En revanche, je n'avais rien sur les hélicoptères, sujet sensible comme chacun sait, alors que l'année dernière je disposais d'éléments dès le mois de mai. Rien non plus sur l'armée de terre et la chasse, à propos desquelles des informations m'avaient été communiquées l'an passé dès le mois d'avril pour la première et le mois de février pour la seconde.

Pour ne pas être le grincheux de service, je terminerai sur une note positive. Certes, je vous ai fait part de ma déception, mais je voudrais aussi vous exprimer ma confiance pour l'avenir, tant je suis persuadé que c'est l'intérêt bien compris du Parlement et de l'exécutif de progresser dans ce domaine, et qu'il existe une vraie complémentarité entre le contrôle opéré par le premier et le travail du second. Cette complémentarité apparaît d'ailleurs clairement dans la priorité que vous accordez au MCO. En mettant la pression sur les indicateurs, nous vous aidons à mettre vous-même la pression sur les services pour avancer sur ce qui est une priorité pour vous.

Madame la ministre, j'apprécie votre engagement sur le MCO, j'apprécie votre courage, votre volonté de ne pas mettre la poussière sous le tapis s'agissant du transport stratégique. J'aimerais que pour nos débats budgétaires, nous ayons vraiment progressé sur les thèmes que je viens d'aborder, car cela constituera une avancée pour la Parlement mais aussi pour le ministère de la défense.

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