Intervention de Fabien Roussel

Réunion du lundi 4 juin 2018 à 16h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabien Roussel, rapporteur spécial de la commission des finances pour la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation :

Madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, d'après la Cour des comptes, l'exécution budgétaire 2017 de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation « ne soulève pas de difficultés budgétaires ». Cette appréciation pourrait se résumer à un seul chiffre, celui du taux d'exécution des crédits ouverts, qui s'élève à 99 %.

S'il y a peu de difficultés d'exécution, on constate cependant une tendance régulière, depuis plusieurs années, à la baisse des crédits. Ainsi, en 2017, le montant des crédits consommés a été de 2,509 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 2,503 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une baisse de 3 % par rapport à 2016. Je rappelle que, depuis 2012, le budget du ministère des anciens combattants a perdu 520 millions d'euros. Cette baisse, régulièrement dénoncée par les associations et de nombreux parlementaires, ne permet pas de répondre aux revendications légitimes des anciens combattants, alors que leur disparition naturelle permettrait de le faire.

C'est d'ailleurs pour cela que nous avons largement défendu la proposition d'attribuer la carte du combattant aux soldats mobilisés en Algérie jusqu'en 1964. Nous aurions aimé qu'elle soit adoptée en novembre dernier lors de l'examen du PLF pour 2018 ou encore lors de l'examen de la proposition de loi de notre collègue Gilles Lurton en février dernier. Mais tout vient à point pour qui sait lutter, et nous nous réjouissons que cette proposition soit enfin retenue par le Gouvernement. J'espère, madame la ministre, qu'elle pourra entrer en vigueur dès cet été, et je vous remercie de nous préciser si c'est ce que vous avez prévu.

À ce budget, il faut ajouter le coût des six dépenses fiscales rattachées au programme 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, estimé à 762 millions d'euros pour 2017, soit 31 % de la mission budgétaire. Au total, les crédits budgétaires de la mission consommés en 2016 s'élèvent donc à 3,299 milliards d'euros.

Je voudrais maintenant évoquer quelques points, à commencer par le programme 169, qui concentre 95 % des crédits de la mission.

Le budget 2017 a permis de maintenir l'ensemble des dispositifs de reconnaissance et de réparation au profit des anciens combattants. Certains d'entre eux ont même été renforcés, je pense par exemple à la revalorisation de la retraite du combattant ou à l'octroi d'un million d'euros de crédits supplémentaires pour l'action sociale de l'ONAC, ce qui constitue le fruit de longues mobilisations des associations, qui ont par ailleurs permis la concrétisation d'autres avancées, sur lesquelles je ne reviendrai pas.

Si l'exécution budgétaire ne pose pas de problèmes grâce à l'évolution démographique décroissante des anciens combattants, des questions restent en suspens sur la prise en charge des nouvelles mesures.

D'abord parce que le déclin démographique est en partie compensé par l'augmentation de la population concernée par la mission en Afrique du Nord et par les anciens combattants envoyés en opérations extérieures – les OPEX.

Ensuite en raison de l'incertitude qui pèse sur les dépenses de pensions militaires d'invalidité accordées aux militaires en activité. Cette imprévisibilité a trois causes principales : une augmentation des situations de stress post-traumatique, la mise à jour des demandes de PMI par les militaires juste avant la fin de leur contrat, enfin l'apparition tardive de problèmes psychosociaux pour les militaires mobilisés en Afghanistan. Avez-vous prévu de tenir compte de ces évolutions ? Faut-il, par exemple, prévoir une aide spécifique pour les jeunes veuves de combattants en OPEX ?

L'ouverture de droits pour les soldats sous contrat partis en OPEX durant 120 jours devrait augmenter sensiblement dans les prochaines années. Conjugué à l'apparition, parfois tardive, de troubles psychotraumatiques, ce constat implique sans nul doute de nouveaux crédits. Quelle est la réflexion du ministère à ce sujet ?

Avec le retrait programmé des services du ministère des finances au Maghreb, l'ONAC va récupérer de nouvelles attributions. Des moyens supplémentaires sont-ils prévus pour lui permettre de faire face à ce surcroît d'activité ?

Enfin, j'ai été interpellé par l'Association des victimes militaires des essais nucléaires sur les nombreux dossiers en attente et sur les changements de méthode adoptés en février 2017 afin de réévaluer la recevabilité de ces dossiers. Après quelques difficultés, le Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) a mis en place une méthode provisoire qui semble produire ses effets, et recueille d'ailleurs le soutien des associations, mais doit encore être confirmée par le Gouvernement. Pouvez-vous nous préciser si le Gouvernement a l'intention d'entériner cette méthodologie ?

Enfin, l'évaluation du programme 167, dédié au lien entre la Nation et son armée, met en lumière une diminution des crédits consommés, soit 35 millions d'euros dépensés contre les 38,3 millions d'euros prévus par la LFI. La journée défense et citoyenneté est en retrait de 2 millions d'euros – 13,7 millions d'euros contre 15,7 millions d'euros prévus –, notamment en raison d'un nombre de jeunes convoqués moins élevé que celui qui avait été anticipé. J'en profite pour vous demander si vous pouvez nous donner quelques informations au sujet du futur service national : son financement sera-t-il toujours du ressort du ministère des armées ou bien de celui de l'éducation nationale ?

Sur le devoir de mémoire enfin, une somme incroyablement basse de 200 000 euros est accordée aux communes pour l'entretien des monuments aux morts. Les nombreuses sollicitations des maires et des associations demandant une aide montrent que ce budget est tout à fait insuffisant. Il serait opportun de le réévaluer – à moins de demander à Stéphane Bern d'organiser une loterie similaire à celle mise en place pour la sauvegarde du patrimoine ?

J'en arrive maintenant au thème de l'évaluation que j'ai retenu : la situation des veuves de grands invalides. La pension de base des conjoints survivants des grands invalides de guerre, relevant du droit à réparation, n'a pas évolué depuis 1928. Le niveau de vie de ces veuves, qui sont restées auprès de leur époux, sacrifiant leur vie professionnelle, s'est ainsi dégradé au fil du temps.

Les gouvernements précédents ont reconnu cette injustice, et plusieurs dispositifs ont été adoptés depuis 2011. Dans le même temps, il a été prévu d'élargir l'accès à ces nouveaux droits, en évaluant à 1 400 le nombre de veuves concernées – des personnes souvent très âgées. La réalité, pour le moment, est tout autre : selon les sources du service des retraites de l'État et de la sous-direction des pensions, le cumul de ces mesures n'impacte en effet qu'une centaine de personnes, soit à peine 5 % de la population identifiée par le Contrôle général des armées dans sa note de mars 2014.

Alors que des crédits conséquents sont inscrits chaque année dans les lois de finances – après l'inscription de 1,9 million d'euros pour 2016, 3,8 millions d'euros pour 2017 et 3,4 millions d'euros pour 2018, il est prévu 3 millions d'euros pour 2019 –, il n'est consommé qu'une part infime de ces crédits.

Comme on le voit, il est devenu nécessaire de corriger le dispositif, puisqu'il ne fonctionne pas : c'est d'ailleurs ce que nous demandent toutes les associations. Dans le cadre des groupes de travail mis en place par Mme la secrétaire d'État aux anciens combattants, l'Union fédérale des anciens combattants a fait plusieurs propositions en ce sens, soutenue par plusieurs associations, notamment l'ARAC, la FNAME et la FNDIRP. Ces propositions ont évolué pour tenir compte des discussions avec le ministère et de ses estimations, tout en restant dans le cadre des crédits votés.

Soucieux d'aboutir à un compromis, les représentants des veuves ont donc soumis une nouvelle proposition, en divisant par deux l'augmentation initiale – entre 250 et 1 000 points – pour une mise en oeuvre dans le courant de l'année, afin de ne pas perdre les crédits adoptés pour 2018. Quelle que soit l'option que vous choisirez, l'argent est là, il est budgété, et nous devons l'utiliser pour mettre fin à des situations de précarité incompatibles avec le devoir de reconnaissance qui incombe à la Nation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.