Intervention de Gérard Collomb

Réunion du mardi 5 juin 2018 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur :

Je rappelle, monsieur Marleix, que 25 000 personnes travaillent dans les préfectures et les sous-préfectures sur d'autres sujets que les étrangers ; seuls 3 200 agents exercent dans les services d'accueil des étrangers. Il n'y a donc pas dans les préfectures que des agents chargés des étrangers : beaucoup travaillent pour l'ensemble de nos concitoyens.

Je ne suis pas à l'origine du plan « Préfectures nouvelle génération » et je n'ai fait que reprendre des réformes lancées par mes prédécesseurs, en essayant d'en combler les lacunes. Ce plan vise à restituer au budget général 1 300 des 4 000 emplois consacrés à la délivrance des titres en 2015, et à redéployer 1 000 emplois sur des missions prioritaires des préfectures – lutte contre la fraude, gestion des crises, contrôle de légalité et coordination des politiques publiques. Il est entré en vigueur en avril 2017 pour les cartes nationales d'identité et début novembre pour les permis de conduire et les certificats d'immatriculation. C'est ce dernier volet qui a connu le plus grand nombre de problèmes et, depuis que j'ai pris mes fonctions, je m'emploie à remédier aux difficultés.

À mon arrivée, la dématérialisation était en cours. Depuis novembre 2017, les usagers peuvent déposer leurs demandes seuls par une téléprocédure ou en ayant recours aux services des professionnels de l'automobile, sans passer par les guichets des préfectures. Des problèmes sont néanmoins survenus : les anomalies techniques affectant les téléprocédures et les mécanismes de télépaiement ont naturellement été corrigées. Autre problème : la disponibilité insuffisante du site internet de l'ANTS. Certaines situations spécifiques sont apparues alors qu'elles n'avaient pas été assez anticipées, en particulier les cas des importateurs de véhicules, des véhicules dotés de plaques d'immatriculation d'ancien modèle et des véhicules de luxe, assujettis à une fiscalité spécifique. La situation s'est améliorée mais les services du ministère doivent poursuivre leurs efforts.

Dans la très grande majorité des cas, les titres sont délivrés au moyen de la procédure dématérialisée et gratuite, sans difficulté. Depuis novembre dernier, 3 millions de cartes grises ont été remises aux usagers sans passage au guichet d'une préfecture. Plus de 80 % des demandes sont désormais traitées de manière complètement automatisée pour ce qui concerne les opérations les plus fréquentes – changement de titulaire, déclaration de cession, changement d'adresse et duplicata. Cela étant, les problèmes techniques qui sont survenus ont généré la constitution d'un stock de demandes en attente de traitement, qui représente environ 200 000 titres – et non 400 000 –, c'est-à-dire l'équivalent de neuf jours d'activité. Ce nombre inclut les dossiers incomplets, dans l'attente de la présentation par les usagers des pièces manquantes. Ce stock est en cours de réduction ; il n'augmente plus depuis le mois de mars car les anomalies techniques sont peu à peu résorbées.

Plusieurs mesures d'accompagnement ont été prises. La première a consisté à renforcer les moyens humains du centre de contact de l'ANTS de sorte qu'il soit répondu au plus vite à toutes les demandes des usagers par courrier électronique ou par téléphone : 180 personnes y travaillent chaque jour. Le taux de réponse aux courriers et aux appels a beaucoup progressé et la disponibilité du site internet de l'ANTS s'est considérablement améliorée. En outre, parce que tous nos concitoyens ne manient pas forcément les smartphones et les tablettes, nous avons ouvert 305 points numériques dotés d'équipements informatiques accessibles aux usagers avec l'assistance d'un médiateur du numérique dans les préfectures. Pour apurer le stock constitué, des centres supplémentaires de traitement des demandes ont été créés à la préfecture de police, à Amiens et à Charleville-Mézières, avec 90 personnes.

Enfin, j'ai pris des mesures pour éviter de pénaliser injustement les usagers de ces dysfonctionnements. Pour les importateurs de véhicules, la durée de validité des certificats provisoires d'immatriculation a été étendue par arrêté à quatre mois, ce qui a réglé les difficultés. Pour tous les conducteurs, qui doivent présenter une carte grise à jour, des consignes ont été données aux forces de l'ordre pour que l'usager de bonne foi ayant accompli toutes les démarches nécessaires ne soit pas verbalisé à cause d'un retard administratif.

Quelles leçons pouvons-nous tirer de cette expérience ? Je crois avant tout qu'il faut dématérialiser les procédures qui ne sont pas trop complexes. Or, les procédures concernant la carte grise sont très complexes. En préfecture, l'agent en expliquait auparavant les détails à l'usager ; aujourd'hui, il est devenu plus difficile d'exécuter les procédures à partir de son ordinateur personnel ou d'entrer en contact avec un agent. S'agissant des cartes grises, nous allons donc nous employer à rendre les procédures plus lisibles, plus efficaces et plus simples.

Je constate qu'il faut progresser dans de nombreux autres domaines où la numérisation a été décidée. Avec M. Mahjoubi, secrétaire d'État chargé du numérique, nous travaillons donc à simplifier ces procédures.

En ce qui concerne l'évaluation du plan « Préfectures nouvelle génération » (PPNG), nous avons demandé un rapport à l'inspection générale de l'administration afin, monsieur le président, de comparer le coût et les avantages pour éviter toute subjectivité et nous fonder sur une vue d'ensemble.

Les services des étrangers en préfecture ont été considérablement renforcés avant même mon arrivée, de 106 emplois supplémentaires en 2016 et de 21 emplois au début 2017. Nous avons souhaité aller au-delà en y ajoutant 150 emplois de fonctionnaires titulaires : 42 équivalents temps plein (ETP) ont été affectés au renforcement des guichets uniques des demandeurs d'asile (GUDA), 30 ETP au renforcement de la mission d'éloignement en constituant des pôles régionaux d'appui à la mise en oeuvre de ces procédures, 50 ETP à la création de pôles régionaux spécialisés dans la mise en oeuvre de la procédure Dublin – une procédure complexe qui nous a d'abord incités à créer deux plateformes puis, désormais, à donner des instructions pour traiter ce problème dans l'ensemble des préfectures – et, enfin, 28 ETP au renforcement des services de séjour et d'éloignement. Sur ces 150 postes, 20 ont été créés dès 2017 ; les 130 autres seront pourvus à la fin 2018 ; bon nombre des titulaires ont déjà été recrutés. J'ajoute, s'agissant de la gestion de la réserve régionale d'emplois, que nous avons accordé 13 ETP supplémentaires aux préfectures pour les services des étrangers.

Nous avons complété ces créations d'emploi par le recrutement de vacataires. Dès le printemps 2017, 1 138 mois de rémunération de vacataires avaient été attribués aux préfets, dont la moitié pour l'activité de séjour et d'éloignement, 43 % pour les missions relatives à l'asile et 7 % au bénéfice des plateformes d'instruction des demandes de naturalisation. En 2018, cet effort est reconduit : 1 200 mois ont été attribués aux préfets.

Les services des étrangers sont constitués de postes difficiles dont il faut renforcer l'attractivité. Pour ce faire, nous utilisons quatre leviers. Le premier consiste en une approche indemnitaire avec une bonification du montant moyen de la prime au mérite et un encouragement au maintien dans le poste après trois ans. Deuxième levier : l'adaptation des modalités du temps de travail. Nous avons demandé aux agents de travailler le week-end parce qu'il s'était produit des incidents à cette période de la semaine. En concertation avec les organisations syndicales, nous avons donc redéfini les cycles de travail et assoupli la possibilité de recourir à des heures supplémentaires rémunérées. Troisième levier : le développement de la formation des agents et des cadres et la généralisation du tutorat. Enfin, nous redéfinissons les parcours professionnels et la valorisation des compétences.

J'en viens à l'évaluation : quels sont les résultats de ces mesures ? Nous constatons les premiers effets de notre politique sur les délais. En 2016, il fallait environ vingt-et-un jours pour enregistrer une demande d'asile ; aujourd'hui, il n'en faut plus que six sur l'ensemble des territoires, et de nombreuses préfectures n'en mettent que trois ; c'est un délai que nous atteindrons partout d'ici à la fin de l'année. Ensuite, nous avons redéfini l'ensemble du dispositif relatif à l'asile en créant les centres d'accueil et d'examen des situations (CAES) afin d'atteindre l'objectif que fixera la loi – si elle est adoptée – selon lequel une réponse pourra être donnée en six mois à celles et ceux qui demandent l'asile en France.

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