Intervention de Sébastien Lecornu

Réunion du jeudi 7 juin 2018 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Sébastien Lecornu, secrétaire d'État chargé de la transition écologique et solidaire :

Les C2E ont été portés sur les fonts baptismaux en 2006-2007 : c'est un dispositif déjà assez ancien. Le Parlement ne se prononce pas sur le C2E, c'est vrai, à quelques nuances près.

Tout d'abord, ce n'est ni de l'argent public ni de l'argent budgétaire, mais comme vous venez de le dire, il y a quand même un marché. Cela m'amène d'ailleurs à répondre à une question intellectuellement intéressante concernant la nature juridique du C2E : est-ce une action, une taxe ? La notion la plus proche est probablement une obligation. Un C2E se rachète et se vend. Ce disant, j'exprime là une opinion personnelle : je n'ai pas le talent de M. Aubert en matière de finances publiques, mais je persiste à penser que l'on est plus proche du marché obligataire que d'autre chose.

Le Parlement ne se prononce pas sur les C2E, à quelques limites près, disais-je. Pour commencer, l'État en est le gendarme, nous reviendrons sur la question de la fraude : la vraie dépense budgétaire, ce sont les équivalents temps plein au sein de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) qui s'assurent de la surveillance et du bon fonctionnement de ce marché que j'ai abusivement appelé « obligataire ». Néanmoins, le Conseil national de la transition écologique est saisi des questions relatives aux C2E, et un certain nombre de vos collègues parlementaires y siègent ès qualités. Je ne me prononce pas sur le caractère suffisant de ce contrôle, mais il y a bel et bien un débat sur les C2E et des parlementaires y sont associés. Le Conseil supérieur de l'énergie est également saisi de la politique des C2E. S'il faut améliorer la circulation de l'information, je suis évidemment à votre disposition pour le faire.

Surtout, les objectifs de fond des C2E sont inclus dans la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui fait l'objet d'un débat public qui se termine à la fin du mois. Pour la première fois, nous souhaitons associer très étroitement le Parlement à son contenu. Au mois de juillet, il faudra d'ailleurs que nous en précisions la méthodologie. La PPE a beau prendre la forme d'un décret, nous souhaitons que la représentation nationale y soit largement associée, comme nous l'avons fait lors du débat public. Nous souhaitons que les députés et les sénateurs aient un moment de débat spécifiquement dédié à la PPE. Cela pourra offrir une nouvelle occasion de se pencher sur les C2E.

Madame de Temmerman l'a dit, les C2E sont efficaces. Rappelons quelques chiffres : ils ont bénéficié à un million de ménages, à beaucoup d'entreprises, dont de nombreuses PME, à de toutes petites entreprises, ou à des agriculteurs, qui n'ont souvent droit à rien car la forme juridique de leur entreprise ne leur permet pas de bénéficier d'aides particulières pour améliorer la performance énergétique de leurs bâtiments ou de leurs installations. Les C2E sont parfois le seul instrument auquel ont droit les opérateurs économiques les plus petits et les plus fragiles. Il faut avoir cet élément à l'esprit.

La doctrine fiscale autour des C2E dépend de la nature de l'opérateur au moment de la transaction. Une cession de C2E à titre onéreux sera soumise à la TVA. Des cessions réalisées par des collectivités territoriales, par l'ANAH ou par un bailleur social bénéficieront plutôt d'exonérations de TVA. En fait, c'est la nature de l'émetteur et du récepteur du C2E qui détermine l'assiette fiscale ou le régime fiscal ou social applicable à la transaction. Ce que j'ai dit sur la TVA vaut également pour l'impôt sur les sociétés ou la comptabilité plus générale.

S'agissant de la spéculation, votre propos est intéressant, car il y a évidemment un flux. Nous pourrons en reparler avec les équipes de la direction générale de l'énergie et du climat, le Parlement pourrait se saisir de ce sujet pour identifier les éventuels effets d'aubaine.

La lutte contre la fraude, en propre ou avec une délégation de service public, se fait sur pièces et sur titres, de manière plutôt efficace. La difficulté, que vous avez soulevée lors de votre intervention, monsieur le rapporteur spécial, est la capacité à détecter les fausses factures sur le terrain. Je me dois quand même d'être rassurant : nous parlons d'un phénomène qui, sur le flux et sur la masse, reste largement minoritaire. Je ne voudrais pas que nous jetions l'opprobre sur tous les acteurs qui font vivre ce dispositif avec succès dans notre pays. Mais il est vrai que des éléments ont été relayés dans la presse et nous devons être capables de faire des contrôles sur place, en plus des contrôles sur titres et sur pièces. Il ne doit pas y avoir de doute à cet égard sur l'efficacité des C2E.

Tous les dispositifs s'ajoutent, avez-vous dit, monsieur le rapporteur spécial : CITE, C2E, éco-PTZ, TVA réduite… Vous auriez pu ajouter le chèque énergie. Mais si l'empilement est parfois une mauvaise chose, il s'agit dans le cas présent d'une caisse à outils, gage d'efficacité. Une personne en situation de précarité aura le droit de cumuler le C2E, le chèque énergie, et aura droit au CITE bien que souvent, ceux qui ne paient pas d'impôts ne le demandent pas, ce qui est une erreur. Une entreprise n'aura pas droit au CITE, mais au C2E. La combinaison des outils permet d'élargir la palette et assure le succès. Et cela devrait rassurer M. Coquerel : le C2E est un outil efficace qui permet d'améliorer la situation de beaucoup de ménages français. Il y a donc un flux, et ce régime d'obligés exerce une pression : ce sont ceux qui vendent de l'énergie qui sont tenus de trouver des économies d'énergie chez les particuliers, pour éviter une pénalisation financière qui reste résiduelle, preuve que l'autorégulation fonctionne assez bien.

Monsieur Aubert et madame de Temmerman, vous dites que le système est méconnu. Il est méconnu sous l'appellation « C2E », mais les brochures commerciales des installateurs ou des grandes surfaces de bricolage parlent de réduction, de rabais, de prime à l'énergie. Tout le monde a donné son propre titre, mais derrière chaque rabais sur une chaudière très performante, on trouve un C2E qui a fonctionné. C'est bien du C2E que vient l'argent du rabais.

Cette année, nous avons cherché à améliorer la visibilité du dispositif, avec un formulaire unique, pour permettre au citoyen qui réalise une opération de rénovation de comparer chaque installateur venant chez lui, et d'appliquer le C2E pour chercher l'avantage énergétique le plus grand, et donc le rabais le plus important. Il faudra évaluer ce système, qui apporte un véritable avantage. Je suis en tout cas assez attaché à ce dispositif parce qu'il se gère assez bien, et qu'il permet d'obtenir des résultats en TWh assez importants.

Monsieur Bolo, j'ai entendu vos demandes de simplification et d'évaluation ; le président de la commission vous a en partie répondu.

Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur le compteur Linky. Moi-même, quand j'étais maire, j'ai regardé ce dossier avec un peu de circonspection, car il suscitait beaucoup de passion chez certains de mes concitoyens. Mais quand j'ai commencé à travailler ce dossier, je me suis mis à penser que ce pays était décidément souvent traversé de passions un peu culturelles, ou qui vont chercher loin un certain nombre d'émotions…

Prenons les choses dans l'ordre : nous ne réussirons pas la transition énergétique sans une stratégie de performance énergétique. Or comment parler de performance énergétique sans mesurer à l'unité domestique près la consommation énergétique ? La transition énergétique s'appuie aussi sur la transition numérique, il n'y a pas de smart grids – dont nous applaudissons les innovations – sans numérique. Et le compteur Linky est un des premiers outils pour le faire.

La Cour des comptes, que je respecte, occulte aussi une partie de la réflexion. On ne peut pas lancer de grandes réflexions sur l'autoconsommation sans avoir des compteurs capables de la mesurer ; on ne peut pas libérer les énergies renouvelables sans disposer des outils à même de prendre en compte les spécificités liées à l'énergie renouvelable. Sans parler des facilités offertes à nos concitoyens pour le relevé des consommations et d'autres aspects.

S'agissant des effets sur la santé, l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), et toutes les autorités administratives indépendantes se sont prononcées sur le sujet. Oui, c'est un outil qui produit des ondes radio, mais il est estimé que c'est de manière équivalente à une télévision, et moindre qu'une plaque de cuisson, pour rappeler des éléments scientifiques qui ne sont pas contestés.

La CNIL est revenue sur les données et a fixé les règles du jeu, et ENEDIS a répondu à la question. 10,6 millions de compteurs Linky sont installés aujourd'hui, et les refus ne représentent que 1,75 % des cas. On a laissé croire aux maires qu'ils pouvaient refuser l'installation en laissant délibérer leur conseil municipal, ce qui était inexact puisque toutes les délibérations ont été déférées au contrôle de légalité et cassées. Nous perdons beaucoup de temps sur ce dossier, je suis à disposition pour rassurer tout le monde, mais j'appelle à la prudence dans le choix des arguments.

Madame de Temmerman, merci de votre question sur le fonds chaleur. C'est un outil essentiel, de 200 millions d'euros par an. Il représente un nombre de projets colossal, surtout au vu de la trajectoire carbone, car le fonds chaleur permet d'évaluer la compétitivité de projets en les rapportant au coût du carbone. Plus personne n'en parle, mais la trajectoire carbone nous permet d'améliorer la transition énergétique.

Je profite de cette commission pour faire une annonce qui n'a pas encore été rendue publique. Le Président de la République s'était engagé à doubler le fonds chaleur pendant le quinquennat. Lorsque nous avions discuté du budget, j'étais resté prudent et j'avais déclaré que nous trouverions des marges de manoeuvre pendant l'exercice budgétaire, au sein de l'ADEME, pour augmenter le fonds chaleur dès cette année. Le fonds chaleur, qui était de 200 millions en autorisations d'engagement pour 2017, passera à 245 millions en 2018, soit 45 millions d'euros de plus que les années précédentes. Ce n'est pas encore un doublement, nous n'atteignons pas 400 millions, mais la tendance est là. La promesse du Président de la République commence à être mise en oeuvre dès cette année 2018, dans un contexte certes compliqué, mais l'ADEME a fait des efforts pour trouver des marges de manoeuvre. Nous augmenterons également le fonds déchets à hauteur de 10 millions d'euros. J'en avais pris l'engagement devant vous tous au mois d'octobre dernier ; il est en voie d'être tenu cet après-midi.

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