Intervention de Marie-Christine Verdier-Jouclas

Réunion du jeudi 7 juin 2018 à 16h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure spéciale pour le travail et l'emploi :

La France a créé 253 000 emplois dans le secteur privé en 2017, soit une hausse de 1,3 %, ce qui est inédit depuis dix ans et mérite d'être souligné. Nous nous réjouissons donc de cette dynamique positive sans pour autant sous-estimer ce qu'il nous reste à accomplir. La part des demandeurs d'emploi de longue durée est en effet, hélas, en hausse de 1,9 % sur un an. La mobilisation, si j'ose dire, de la mission Travail et emploi, notamment en matière de formation, apparaît ainsi plus que jamais nécessaire.

Nous vous proposons une approche en deux temps avec, en premier lieu, des commentaires sur l'exécution des crédits de l'année 2017, puis, en second lieu, une mise en perspective des choix du Gouvernement par rapport aux enseignements de l'exercice 2017.

Nous soulignons tout d'abord que la loi de finances initiale pour 2017 avait sous-budgété plusieurs dispositifs comme le plan « 500 000 formations supplémentaires » et les contrats aidés, sous-budgétisations que la Cour des comptes avait évaluées à près d'un milliard d'euros – ce qui témoigne bien d'une budgétisation insincère. Nous nous réjouissons de constater que l'analyse de l'exécution du budget 2017 concernant cette mission conforte les choix effectués par le Gouvernement, soutenu par la majorité ; des choix courageux destinés à maîtriser l'exécution budgétaire et en particulier à éviter le risque de dérapage des contrats aidés ; des choix courageux consistant à réformer ce dispositif, qui a largement contribué à des effets d'aubaine, afin de le centrer sur le bénéficiaire plutôt que sur la structure d'accueil. Ainsi, sur l'ensemble de l'année, la consommation finale des crédits a été légèrement inférieure aux ouvertures de crédits avec 15,62 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 15,57 milliards d'euros en crédits de paiement (CP).

Cette situation maîtrisée doit beaucoup au nouveau gouvernement qui a su, dès l'été, prendre des mesures correctives pour lisser la trajectoire des contrats aidés, dont près de 80 % des crédits avaient été consommés au cours du premier semestre. C'est aussi le cas en matière de formation : alors que le plan « 500 000 formations supplémentaires » a privilégié trop de formations courtes, peu financées et donc peu décisives en matière d'insertion dans l'emploi, le plan d'investissement compétences (PIC) va permettre de monter en gamme, si l'on peut dire, tant en matière de financement que de durée, pour de meilleures chances d'insertion durable dans l'emploi. Enfin, le Gouvernement a tiré les conséquences des effets positifs, en 2017, de l'insertion par l'activité économique (IAE) et de la garantie jeunes, renforcées dans le budget pour 2018.

Nous avons donc pris acte des réussites et des insuffisances de la politique de l'emploi pour la réorienter au profit des dispositifs les plus prometteurs. Néanmoins, nous devons aussi assumer le passé ; or nous constatons des restes à payer importants, à hauteur de 8,7 milliards d'euros, même si cette somme est manifestement surévaluée par rapport à la réalité. En effet, une large partie de ces engagements ne donnera pas lieu à des décaissements réels du fait des aléas inhérents à des dispositifs d'intervention tels que des ruptures de contrat, des désengagements ou des non-demandes d'aides ; mais, à ce jour, la règle comptable consiste à enregistrer la totalité de l'engagement. Pouvez-vous, madame la ministre, nous donner des précisions sur ces restes à payer sur la mission et sur la stratégie déployée par l'État pour en abaisser le montant ou modifier leur présentation comptable en cohérence avec la réalité ?

Par ailleurs, il convient également de faire attention à ne pas pénaliser la réalisation des engagements du Gouvernement par une application uniforme de la réserve budgétaire, notamment en ce qui concerne les aides au poste pour les personnes handicapées. Cette remarque étant toujours valable en 2018, nous appelons votre attention sur le fait que, bien que le niveau global de réserve ait été ramené de 8 à 3 %, cela ne semble pas suffire pour que nous puissions tenir notre engagement d'une montée en puissance à hauteur de 1 000 postes sur l'année. Madame la ministre, pouvez-vous ainsi nous dire quelles sont vos directives sur l'usage de la réserve de précaution, notamment pour ces aides au poste des travailleurs handicapés ?

Enfin, on dénombre près de vingt-trois dépenses fiscales rattachées à la mission, pour un coût estimé à un peu plus de 7 milliards d'euros en 2017 ; or la performance des exonérations de charges sociales compensées sur des crédits budgétaires de la mission n'est pas mesurée – presque 5 milliards d'euros –, de même que l'augmentation des dépenses fiscales en faveur des services à la personne ou celles liées au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dont bénéficie le secteur de la restauration collective. Les rapporteurs spéciaux rejoignent ainsi les recommandations de la Cour des comptes de clarifier les objectifs poursuivis par les dépenses fiscales et d'intégrer des indicateurs de performance. Madame la ministre, que pensez-vous de cette recommandation et disposez-vous d'éléments précis d'évaluation concernant ces dépenses fiscales ? Par ailleurs, quel travail pourrions-nous mener pour mieux prendre en compte les effets de la conjoncture économique sur les indicateurs ? Suivre le nombre de retours à l'emploi des personnes passées par Pôle emploi a-t-il encore du sens ?

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