Intervention de Marc Fesneau

Réunion du mercredi 6 juin 2018 à 18h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Fesneau, rapporteur :

Au moment où nous abordons l'examen de ce projet de loi constitutionnelle, il convient d'abord, me semble-t-il, de nous interroger sur l'efficacité. On pourrait s'entendre au moins sur l'idée que l'efficacité peut se mesurer. Sans que cela soit exhaustif, je vois au moins trois points pour y parvenir. Tout d'abord, bien faire la loi, c'est se limiter à cela. Je pose ici la question de dispositions qui relèvent parfois trop souvent du règlement et non du travail parlementaire classique.

Bien faire la loi, c'est aussi faire en sorte que les débats puissent être éclairés, préparés et anticipés. Cela soulève la question de la prévisibilité du calendrier parlementaire et de l'organisation de nos travaux – Richard Ferrand, notre rapporteur général, en a très bien parlé –, à la fois avec le Gouvernement mais aussi dans l'année. C'est également disposer de moyens de contrôle et d'évaluation.

Enfin, bien faire la loi, c'est assurer à l'opposition comme à la majorité la possibilité que le débat parlementaire pourra se nouer, exister, être connu du grand public, et que chacun pourra exprimer sa voix. Cela pose la question de la procédure parlementaire, celle du travail entre hémicycle et commissions, et celle du droit d'amendement.

S'agissant du droit d'amendement, l'article 3 du projet de loi vise à inscrire de nouveaux cas d'irrecevabilité, en particulier une irrecevabilité pour absence de lien « direct ». Le paradoxe, c'est qu'en 2008, le constituant avait modifié l'article 45 pour faire en sorte, au contraire, qu'il y ait moins de « cavaliers » censurés. La rédaction du projet de loi peut paraître de nature à fortement limiter le droit d'amendement des parlementaires. Ne serait-il pas souhaitable de maintenir le droit de déposer des amendements ayant un lien direct ou indirect avec les textes discutés ?

Cela m'amène à une seconde question, concernant l'originalité de notre Constitution, dont les articles 34 et 37 définissent ce qui relève du domaine de la loi et ce qui relève du domaine réglementaire. Or nous voyons souvent, tant dans les initiatives parlementaires que gouvernementales, des dispositions qui ne devraient pas figurer dans la loi. Plutôt que de rajouter des irrecevabilités qui pourraient conduire à des distinctions byzantines et auraient pour effet de limiter le droit des parlementaires, ne serait-il pas souhaitable de mieux appliquer les irrecevabilité existantes, en particulier celle de l'article 41 de la Constitution ?

La mission de contrôle et d'évaluation du Parlement est inscrite à l'article 24 de la Constitution. Pour autant, il nous semble qu'actuellement cette mission n'est pas remplie de manière parfaitement efficace. Nous avons déjà été plusieurs à le dire. Est notamment en cause le manque de moyens du Parlement en ce domaine. Les groupes de travail de l'Assemblée nationale et du Sénat sur la réforme des institutions ont pointé ces lacunes et ont fait des propositions. Or cette thématique est peu abordée dans ce projet de révision constitutionnelle. À ce titre, je tiens à poser la question du rôle de la Cour des comptes : ne serait-il pas souhaitable de rapprocher cette institution du Parlement, tout en maintenant son indépendance ? Le Conseil d'État est un appui important du Gouvernement, avec son rôle de conseil dans l'élaboration des projets de loi. Il s'est rapproché du Parlement depuis 2008. De la même manière, ne pourrait-on envisager de faire de la Cour des comptes un organisme dont une des missions serait le conseil et l'appui au Parlement dans ses missions de contrôle et d'évaluation ?

Le second volet sur lequel je souhaite intervenir porte sur le droit à la différenciation. C'est une véritable rupture, me semble-t-il, avec les pratiques décentralisatrices en vigueur depuis plus de trente ans. C'est une rupture liée au sentiment que nous avons atteint les limites de ce qui s'était fait, et souvent bien fait, dans le cadre que nous connaissons depuis les lois Defferre et celles qui se sont accumulées depuis lors. On voit bien qu'il nous faut mieux tenir compte des spécificités des territoires, des attentes des citoyens et des élus, qui souhaitent sortir d'une logique de décentralisation uniforme, peut-être un peu centralisatrice. Ce projet de loi constitutionnelle comporte donc, à son article 15, une avancée significative. Il est cependant important de rappeler que la loi ne sera jamais subsidiaire : il ne s'agira pas de laisser la possibilité à certaines collectivités d'y déroger. Le but est de permettre une adaptation de la loi et du règlement aux spécificités des territoires. Madame la garde des Sceaux, comment envisagez-vous la mise en oeuvre de ce droit ? Pouvez-vous nous donner des exemples précis de politiques publiques qui pourraient être concernées ?

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