Intervention de Jean-Paul Dufrègne

Réunion du mercredi 6 juin 2018 à 18h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Dufrègne :

Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine partagent totalement les propositions de l'Association des maires ruraux de France, dont celle, majeure, consistant à introduire la notion d'espace et de superficie dans le texte de notre Constitution.

Au cours des dernières décennies, l'aménagement du territoire a été bousculé, les outils d'aujourd'hui sont pour partie obsolètes, et le critère démographique tient trop souvent lieu de juge quasi exclusif. Cela n'est pas à l'image de la réalité actuelle de notre pays fait de zones denses et d'une majorité de zones moins denses. Aujourd'hui, 32 000 communes rurales accueillent 21 millions de nos concitoyens.

Une série de lois et de règlements, conformes à la Constitution, se fondent sur le seul critère démographique. La réforme constitutionnelle constitue donc une occasion unique de consacrer dans les textes une légitime prise en compte de la réalité du territoire français. Il s'agit de faire prévaloir un principe de justice entre le monde rural et le monde urbain, alors que la fracture s'intensifie, notamment du fait de la métropolisation en cours.

Il convient donc de faire apparaître au sein de la Constitution française de 1958 la notion d'espace et de superficie, de manière à permettre dans l'interprétation qu'en fait le Conseil constitutionnel, tout comme dans les lois qui s'y conforment, une relative nuance du critère démographique, actuellement écrasant, et une meilleure prise en considération des enjeux liés aux territoires.

Quelle est votre approche en la matière ? Cette question constitue l'une des raisons qui nous fait nous opposer à la diminution drastique du nombre de parlementaires qui pénalisera des territoires ruraux déjà sous-représentés dans notre pays où la pensée urbaine et prédominante.

Dans un autre domaine, et parce que les députés ultramarins sont bien représentés dans notre groupe politique, Mme Huguette Bello, députée de La Réunion, souhaiterait avoir des précisions sur les conséquences découlant de la réécriture des articles 72 et 73 de la Constitution.

Il lui paraît en effet nécessaire de dresser un parallèle entre les nouvelles facultés de différenciation reconnues par l'article 15 du projet de loi constitutionnelle à toutes les collectivités territoriales de la République, avec celles dont disposent déjà les collectivités d'outre-mer régies par l'article 73 de la Constitution. Quelles sont les différences ? Quelles sont les similitudes, en particulier en ce qui concerne les procédures d'habilitation ?

Notre collègue estime également qu'il est indispensable de clarifier ce qui est prévu pour La Réunion. La réforme de 2003 a consacré le droit à la différenciation pour les outre-mer mais, contrairement aux autres régions régies par l'article 73 de la Constitution, La Réunion ne bénéficie pas d'un véritable pouvoir normatif – elle a la possibilité d'adapter les règles dans les matières relevant de ses compétences, mais elle ne peut pas créer de normes dans les domaines relevant de la loi. Le Gouvernement a choisi de maintenir cette spécificité dans l'alinéa 6 de l'article 17 du projet de loi constitutionnelle. Simultanément, l'article 15 ouvre à toutes les collectivités territoriales la possibilité de déroger aux lois et règlements qui régissent l'exercice de leurs compétences et de fixer elles-mêmes certaines règles de nature législative ou réglementaire. La juxtaposition de l'alinéa 6 de l'article 17 et de l'alinéa 5 de l'article 15 demande des éclaircissements. Ces deux alinéas traitent-ils de la même chose ? Dans cette hypothèse, l'exception réunionnaise de l'article 73 de la Constitution rejoint-elle le droit commun, tel qu'il existerait dans le nouvel article 72 ? En revanche, si l'article 15 du texte prévoit bien un véritable pouvoir normatif pour toutes les collectivités territoriales, quelle est la portée juridique de la limite posée à l'article 73 de la Constitution pour La Réunion ? Ce qui lui est interdit par l'article 73 deviendrait-il possible dans le cadre de l'article 72, ou La Réunion deviendrait-elle la collectivité la moins capable de la République ?

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