Intervention de Muriel Pénicaud

Séance en hémicycle du vendredi 15 juin 2018 à 9h30
Liberté de choisir son avenir professionnel — Article 12

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

Je souhaite faire un point de clarification sur l'ensemble des aides.

Aujourd'hui, comme vous le savez, il existe quatre types d'aides – un crédit d'impôt et trois aides – et trois guichets – les trois aides sont financées par l'État, mais deux d'entre elles sont distribuées par les régions. Le résultat, c'est qu'une grande partie des TPE et des PME, qui sont pourtant les entreprises cibles, ne demandent pas les aides ou ne les demandent qu'en partie. Certains d'entre elles ignorent que tout cela existe. Parfois, l'expert-comptable connaît les dispositifs et récupère l'argent après coup. Dans ce cas, les entreprises voient l'avance qu'elles consentent. Elles ont alors l'impression que l'apprenti leur coûte beaucoup plus cher que ce n'est le cas en réalité. Le système est donc inutilement dissuasif. Nous consacrons 700 millions d'euros aux quatre aides, mais celles-ci sont mal perçues par ceux auxquelles elles sont destinées.

Au terme de nombreux échanges avec les uns et les autres, notre idée est, premièrement, de fusionner les quatre aides en une seule. Cette aide unique concernera les entreprises de moins de 250 salariés qui emploient des jeunes de niveau CAP – certificat d'aptitude professionnelle – ou bac professionnel. Son montant sera de 6 000 euros la première année et de 3 000 euros la deuxième. L'aide permettra d'augmenter la rémunération des jeunes concernés. Pour un jeune de niveau CAP employé dans une TPE, le reste à charge sera de 65 euros par mois la première année et de 241 euros la deuxième. Avec ces 700 millions d'euros nets, nous pratiquons vraiment une redistribution intelligente, qui permet aux PME d'embaucher des apprentis sans que ceux-ci soient lésés.

Deuxièmement, nous ne voulons plus que les entreprises aient besoin de demander les aides et qu'elles les touchent a posteriori, car les TPE ont autre chose à faire que de courir après. Grâce à la DSN – la déclaration sociale nominative – et au dépôt automatique du contrat d'apprentissage que vous avez voté hier, on connaîtra toutes les entreprises concernées. Les URSSAF – unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales – appliqueront automatiquement, chaque mois, une baisse des charges à ces entreprises, qui n'auront plus à faire d'avance. Nous allons même essayer de faire en sorte que cela apparaisse sur la feuille de paie, afin que les entreprises soient bien conscientes qu'elles n'ont pas d'avance à accorder et qu'elles acquittent non pas le coût complet mais le coût net du reste à charge.

Les mesures que nous prévoyons visent donc non seulement à simplifier le dispositif, mais aussi à le rendre plus accessible aux TPE et PME.

J'en viens à la prime spéciale pour les apprentis handicapés. Le système actuel ne fonctionne pas car il faut demander la prime – en l'espèce, il n'est pas possible d'automatiser le dispositif – et nous n'avons reçu que 103 demandes sur toute l'année dernière. Nous travaillons avec l'AGEFIPH – Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés – , qui doit s'impliquer non seulement dans le financement de l'aide aux apprentis handicapés, mais aussi dans le financement des actions en faveur de l'ergonomie, du soutien, du tutorat ou des équipements créant les conditions de leur accueil. C'est ce qu'elle fait tous les jours. Nous partageons le même objectif mais il faut trouver un système plus efficace.

Quant à l'opportunité d'ouvrir le dispositif aux entreprises de toute taille et pour tous les niveaux de diplôme, c'est une question de choix. Soit nous triplons la somme de 700 millions d'euros, soit nous concentrons le dispositif. Notre choix est de le concentrer sur les entreprises de moins de 250 salariés et sur les élèves préparant un CAP ou un bac professionnel, car nous savons très bien que c'est principalement là que l'apprentissage pèche aujourd'hui.

J'entends l'argument selon lequel il est bon également que des apprentis de niveau BTS – brevet de technicien supérieur – soient présents dans les TPE et les PME, car ils sont souvent plus à même d'assurer la relève, même s'il arrive que des apprentis de niveau CAP reprennent eux aussi des entreprises. Comme vous avez pu le constater hier, les jeunes de niveau BTS perçoivent la même rémunération que les jeunes du même âge de niveau CAP, alors que leur productivité est supérieure et que leur apport à l'entreprise est immédiat et beaucoup plus important.

Nous allons suivre cette question de près avec la CPME, l'U2P et l'UCPMA – la Confédération des petites et moyennes entreprises, l'Union des entreprises de proximité et l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat. Pour l'heure, nous vous proposons de concentrer le dispositif sur les diplômes de niveau V et IV. Il faudra évaluer ensemble cette mesure pour déterminer si elle constitue un frein. À ce stade, nous ne l'avons pas identifiée comme un frein majeur.

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