Intervention de Jean-Bernard Lévy

Réunion du jeudi 7 juin 2018 à 15h00
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Jean-Bernard Lévy, président-directeur général d'EDF :

Il me semble que votre question appelle deux réponses différentes, selon qu'elle porte sur la construction des centrales nucléaires ou sur leur exploitation. Je commencerai par évoquer le premier aspect, en prenant pour exemple la construction du réacteur de Flamanville. Si je n'ai pas pris part en quoi que ce soit aux décisions qui ont présidé à cette construction il y a quelques dizaines d'années – ni même assisté aux premières étapes de la mise en service de l'installation –, l'expérience accumulée au cours du mandat qui m'a été confiée fin 2014 me fait dire que l'interruption de toute construction de centrales nucléaires pendant une quinzaine d'années est très dommageable en termes de savoir-faire. Le laps de temps qui s'est écoulé entre le moment où nous avons construit Chooz et Civaux dans la catégorie des réacteurs de 1 450 mégawatts et le moment où nous avons commencé à construire Flamanville, d'une puissance un peu supérieure mais surtout d'une conception très différente, a été très préjudiciable aux compétences de l'industrie nucléaire dans son ensemble, c'est-à-dire non seulement à celles d'EDF, mais aussi à celles de Framatome et des nombreuses entreprises dotées d'un département spécialisé dans le nucléaire et qui travaillent également pour d'autres industries – ayant, elles, des niveaux d'exigence en matière de fabrication et de contrôle nettement moindres que ceux de l'industrie nucléaire.

Quand EDF, Framatome et nos autres partenaires industriels ont eu à construire Flamanville, ils ont rencontré des difficultés liées à la fois la complexité d'un EPR, dont les exigences de sûreté et les choix de conception sont radicalement différents – et bien plus exigeants que ne l'étaient ceux des réacteurs construits précédemment – mais aussi au fait de devoir rattraper un certain retard en matière de compétences, pris en raison d'une trop longue période entre deux chantiers de constructions. Nous estimons qu'il faut en tirer une leçon pour l'avenir en évitant que cela ne se reproduise : maintenant que nous avons restauré notre niveau de compétence grâce au chantier de Flamanville, il faut poursuivre la construction de centrales nucléaires en français et en Europe – si je devais utiliser une image pour décrire notre situation, ce serait celle d'un cycliste qui, pour ne pas tomber, ne doit pas s'arrêter de pédaler.

Pour ce qui est de l'exploitation du parc, toute la question est de savoir ce qui revient à EDF et ce qui revient à ses prestataires. Il s'agit là d'une question difficile, à laquelle il faut éviter de répondre de manière trop tranchée. Il y a des compétences qu'EDF continue de détenir seule et d'autres, correspondant à des activités manuelles ou industrielles, qu'elle partage. En tout état de cause, EDF ne s'est pas réduite à un groupe d'ingénieurs ou de contrôleurs qui se contenteraient de faire faire : elle a conservé ses compétences. Cependant, il est vrai que l'ampleur des travaux nécessaires sur notre parc nous a conduits au fil des années à confier un grand nombre d'activités à des prestataires, qui nous apportent les compétences qu'ils ont pu acquérir en travaillant pour d'autres industries, ou sur les réacteurs nucléaires d'autres pays. En dépit des critiques, j'estime que nous sommes parvenus à un équilibre satisfaisant entre ce que nous savons faire et ce que nous avons décidé de faire faire.

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