Intervention de Daniel Labaronne

Séance en hémicycle du lundi 18 juin 2018 à 21h30
Mettre le peuple et ses aspirations au coeur des débats budgétaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Labaronne :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, votre proposition de résolution visant à mettre le peuple et ses aspirations au coeur des débats budgétaires encourage le Gouvernement à renforcer le droit d'initiative parlementaire en matière budgétaire, à accorder des moyens financiers au Parlement pour qu'il puisse disposer de ses propres moyens d'expertise, enfin à diversifier la composition de la Cour des comptes.

Ces propositions expriment une vérité. Vous avez raison de dire dans la proposition de résolution que « la politique budgétaire constitue ni plus ni moins que le socle des choix politiques effectués pour la vie du pays ».

Votre exposé des motifs établit également trois constats que nous partageons au sein de la majorité présidentielle, et plus particulièrement de la commission des finances : il est nécessaire que les Français et leurs aspirations soient au coeur des débats budgétaires ; le Parlement ne dispose pas des moyens humains et techniques lui permettant d'assurer ses missions de contrôle et d'évaluation en toute autonomie vis-à-vis du Gouvernement ; le Parlement ne dispose pas des outils lui permettant de réaliser un chiffrage des propositions qu'il entend défendre.

Nous rejoignons donc en substance une part de votre analyse mais différons, comme souvent, sur les solutions à mettre en oeuvre pour arriver au résultat souhaité.

S'agissant du renforcement du droit d'initiative parlementaire en matière budgétaire et de l'article 40, tout d'abord, le « totem », comme vous l'appelez, ou plutôt le critère des 3 % de déficit public ne s'impose pas seulement au Parlement, mais à toutes les autorités publiques.

Ensuite, cette limite assignée au déficit public représente pour nous une règle d'or à respecter. L'Europe est au coeur de nos projets et, grâce à l'action du Président de la République, la France est devenue un pays moteur dans l'entreprise de réforme de l'Union européenne. Mais, pour y parvenir, la France doit être crédible et, pour l'être, elle doit respecter ses engagements et sa signature. Pour être exemplaires, il nous faut respecter les règles que nous nous sommes fixées à nous-mêmes dans le cadre des traités que nous avons signés avec nos partenaires européens.

Dans son rapport de juin 2017 sur « La situation et les perspectives des finances publiques », la Cour des comptes alertait sur l'héritage de la loi de finances initiale pour 2017, insistant sur des prévisions de recettes surestimées et sur des dépenses manifestement sous-évaluées. La Cour estimait que, sans mesures fortes, le déficit de la France risquait d'être au-dessus des 3 % fixés par le pacte de stabilité européen.

Nous devrions donc saluer collectivement le courage budgétaire dont notre majorité fait preuve depuis son élection, et qui permettra à la France de sortir enfin de la procédure européenne pour déficit public excessif dont elle faisait l'objet depuis 2009.

Le contexte de rétablissement des finances publiques que nous vivons en France, comme dans beaucoup des pays du monde, nous impose une vraie rigueur pour que les efforts et les résultats déjà constatés se transforment en dynamique pérenne. Cette rigueur doit s'appliquer à tous les pouvoirs publics, dont le Parlement lui-même.

Voilà pourquoi, même si nous reconnaissons bien sûr le droit d'amendement octroyé aux parlementaires par l'article 44 de la Constitution de 1958 comme un droit fondamental, nous reconnaissons également la nécessité d'un garde-fou encadrant la dépense budgétaire et nous ne remettons donc pas en cause l'article 40.

Vous le savez, la loi organique du 1er août 2001 relative aux fois de finances, la LOLF, a déjà atténué la sévérité de la restriction en autorisant les parlementaires à opérer des mouvements entre les programmes d'une même mission – vous en avez fait mention, monsieur Chassaigne – sans augmenter le montant total des crédits de celle-ci.

Quant aux moyens financiers à accorder au Parlement pour qu'il puisse disposer de ses propres moyens d'expertise, permettez-moi de vous donner d'abord ma position personnelle. Dans mon rapport spécial de l'automne dernier sur la mission budgétaire « Conseil et contrôle de l'État », qui comprend l'audit du budget de la Cour des comptes, je soulignais qu'il appartient aux assemblées parlementaires de mieux se saisir des ressources en expertise que procurent les travaux de la Cour des comptes, dans le cadre de la mission d'assistance consacrée par l'article 47-2 de la Constitution ou par la réalisation des enquêtes autorisées par la LOLF.

L'appui fourni par la Cour des comptes n'exclut toutefois pas une réflexion tendant à renforcer les capacités d'expertise propres à l'Assemblée nationale et au Sénat. À cet égard, je préconisais par exemple la création d'un office parlementaire commun aux deux chambres, qui jouerait un rôle similaire à celui du National Audit Office et du Public Accounts Committee dont dispose la Chambre des Communes au Royaume-Uni.

S'agissant de la position de notre groupe, comme nous l'avons expliqué dans une tribune parue dans Les Échos, le 15 novembre dernier, nous travaillons pour augmenter le temps parlementaire dédié à l'évaluation, dans le but de contrôler les choix du Gouvernement en matière de politique publique. Nous estimons le temps passé au contrôle trop faible par rapport à celui passé à légiférer. À ce titre, le projet de loi constitutionnelle, qui sera étudié en juillet à l'Assemblée nationale, propose de réduire le temps d'examen du projet de loi de finances à l'automne à cinquante jours…

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