Intervention de Arnaud Viala

Séance en hémicycle du lundi 18 juin 2018 à 21h30
Mettre le peuple et ses aspirations au coeur des débats budgétaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Viala :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le thème de la place de nos concitoyens dans le débat budgétaire au Parlement et l'idée qu'il faut les remettre au coeur de cet exercice sont tout à la fois attrayants et porteurs d'espoir. Ils sont aussi l'occasion d'une série de remarques que je vais tenter de balayer ce soir à cette tribune afin, je l'espère, de permettre aux Français qui nous suivraient de mieux appréhender les tenants et aboutissants de nos travaux dans cet hémicycle et des décisions qui les touchent – souvent dans leur quotidien, surtout à leur porte-monnaie. Je tiens tout d'abord à souligner que nous souscrivons massivement et unanimement à l'orientation qui consiste à mieux prendre en considération nos concitoyens dans le débat budgétaire et dans tout ce qui se rapporte aux finances de notre pays, et je remercie le président Chassaigne d'avoir déposé cette proposition de résolution.

Comment ne pas le faire lorsqu'on est parlementaire d'un des pays occidentaux où la dette par habitant a explosé au cours des dernières décennies jusqu'à atteindre des niveaux qui font légitimement peur lorsqu'on prend conscience de ce qu'ils pourraient signifier ? Comment ne pas le faire lorsqu'on est parlementaire d'une des nations où le taux de prélèvements est parmi les plus élevés au monde, avec des impôts, taxes et charges en tout genre, dont les Français sont repus et qui ponctionnent lourdement leurs revenus jusqu'à en étrangler leur pouvoir d'achat et représenter aujourd'hui un frein très préjudiciable à la liberté d'entreprendre ? Comment, enfin, ne pas le faire, lorsqu'on est parlementaire d'une nation où cet argent qu'on prélève est censé alimenter le moteur des solidarités nationales, dont on ressent pourtant à bien des égards qu'il est grippé et qu'il ne sert pas toujours les causes auxquelles on le destine, ou du moins pas assez efficacement ? Pour toutes ces raisons, nous sommes donc, et je le suis personnellement, favorables à ce que l'on donne à nos concitoyens la juste place qui est la leur et le regard auquel ils ont droit sur le budget, ou plutôt les budgets de notre pays, leurs grands équilibres et les questions qu'ils suscitent.

Ces constats étant posés, je souhaiterais soulever deux séries de questions qui me sont venues à l'esprit en lisant la proposition de résolution et en abordant ce travail, l'une sur la forme et l'autre sur le fond.

Commençons, donc, par la forme, afin de susciter, je l'espère, certains éclaircissements. Il me semble que si l'on veut placer nos concitoyens au coeur des débats budgétaires, il convient tout d'abord de restaurer à la démocratie un peu de sa vigueur, et, dans le cas particulier des mécaniques budgétaires de l'État, de redonner aux représentants élus du peuple, aux parlementaires donc, les moyens de mener à bien leurs missions de décision et de contrôle. Je me risque à dire que cette première étape est loin d'être atteinte, si l'on ne considère que quelques réalités aussi manifestes que démoralisantes.

Le travail sur le budget ici, à l'Assemblée nationale, se fait dans des formats et des calendriers absolument invraisemblables, avec des réunions de commissions superposées à des tas d'autres réunions, des séances concomitantes avec l'examen des autres budgets en commission, des rapports produits en nombre insuffisant pour que chaque parlementaire en dispose en temps utile, des montagnes de chiffres et d'études d'impact communiqués quelques heures seulement avant les réunions où il faut voter, lorsque ce n'est pas en séance.

Le budget de la France, jusqu'à présent, se divise entre projet de loi de finances et projet de loi de financement de la Sécurité sociale et, pour avoir siégé ici pendant quatre exercices budgétaires, je peux témoigner du fait qu'à moins d'avoir le don d'ubiquité, aucun parlementaire, aussi zélé soit-il, ne peut matériellement être présent sur les deux volets budgétaires, car rien n'est fait pour que ce soit possible. Les députés doivent choisir de se préoccuper soit d'un des aspects du projet de loi de finances, soit du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Étrange manière d'associer le peuple !

Le processus de décision, enfin, fait que la plupart du temps, les grands arbitrages régissant le budget sont annoncés lors d'une conférence de presse ministérielle, avant même que les députés de la commission des finances n'aient pu commencer à travailler sur des éléments, qui ne leur sont fournis qu'après.

Enfin, le morcellement des commissions fait que pour acquérir une vision d'ensemble du budget de la nation, un parlementaire doit, pardonnez-moi l'expression, se lever de bonne heure.

Je participe par ailleurs à l'un des groupes de travail sur la modernisation des travaux de l'Assemblée, précisément celui qui planche sur la question de l'évaluation. À ce titre, je reste sur ma faim quant aux conclusions de nos travaux sur ces aspects fondamentaux.

Je partage complètement les constats posés par ce groupe, à savoir que les outils de l'évaluation ne sont pas suffisants et que les parlementaires doivent disposer de données objectives, de rapports et d'avis aussi étayés que possible, afin de mieux faire la loi, de mieux voter les budgets et de mieux apprécier, surtout, l'impact des décisions qu'ils prennent.

En revanche, je ne souscris aucunement à l'idée que l'on puisse confier ces travaux à une agence extérieure. C'est le travail du Parlement, singulièrement de l'Assemblée nationale, d'élaborer ces éléments, sous l'autorité du peuple souverain, et en notre qualité de représentants élus de nos concitoyens.

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