Intervention de Olivier Dussopt

Séance en hémicycle du lundi 18 juin 2018 à 21h30
Mettre le peuple et ses aspirations au coeur des débats budgétaires — Discussion générale

Olivier Dussopt, secrétaire d'état auprès du ministre de l'action et des comptes publics :

Madame la présidente, monsieur le rapporteur général, monsieur le président Chassaigne, mesdames et messieurs les députés, après les différentes interventions, permettez-moi de formuler simplement trois remarques sur la présente proposition de résolution.

La première porte sur le droit d'initiative parlementaire en matière budgétaire. Le renforcement de ce droit nécessiterait, comme vous l'avez dit, de modifier l'article 40 de la Constitution. En effet, le droit d'amendement parlementaire est encadré par cet article, aux termes duquel « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique ».

Cet encadrement nous paraît cohérent avec le fait qu'il revient au Gouvernement, en l'état de la Constitution, de déterminer les grands équilibres financiers. En effet, seul celui-ci dispose d'une procédure structurée et des ressources administratives nécessaires à la conciliation des demandes de financement des différentes politiques publiques au regard, notamment, des objectifs de finances publiques. Par ailleurs, la définition des grands équilibres budgétaires s'inscrit dans la compétence plus générale de détermination et de conduite de la politique de la nation, qui revient au Gouvernement en application de l'article 20 de la Constitution.

Il faut souligner qu'il ne s'agit aucunement d'un dispositif propre à la France, les principaux régimes parlementaires étrangers disposant d'un mécanisme d'encadrement des initiatives des membres du Parlement en matière financière – je pense notamment au Royaume-Uni, à l'Allemagne, à l'Italie, au Canada ou bien encore à l'Australie.

En outre, la remise en question de l'article 40 de la Constitution pourrait avoir des effets négatifs non seulement sur les finances publiques, mais également sur la durée et la qualité des débats parlementaires. J'en veux pour preuve que la suppression de l'article 40 priverait de fait le Gouvernement d'un instrument de maîtrise des grands équilibres. Les initiatives parlementaires pourraient alors, en effet, modifier substantiellement l'équilibre budgétaire sans que l'on dispose d'une vision consolidée des finances publiques au cours des débats.

Qui plus est, un assouplissement trop marqué de l'article 40, consistant par exemple à autoriser les initiatives tendant à accroître une charge publique dès lors qu'elles sont compensées, pourrait être néfaste pour les comptes publics en raison du caractère potentiellement artificiel du gage.

Enfin, la mise en discussion de l'ensemble des initiatives tendant à créer ou aggraver les charges publiques aurait pour effet d'accroître significativement la durée des débats parlementaires, ce qui irait à l'encontre de l'objectif de réduction des délais d'examen des textes financiers afin de consacrer davantage de temps à l'évaluation des politiques.

Par ailleurs, il faut relever qu'un équilibre a été trouvé dans l'application de l'article 40, et il me semble nécessaire de le préserver. Bien que cet article soit rigoureux dans son principe, sa mise en oeuvre admet quelques souplesses importantes, tant de la part du Gouvernement que des commissions des finances, avec, par exemple, la prise en compte des engagements du Gouvernement, l'autorisation des initiatives créant des charges de gestion et la possibilité de redéployer des crédits au sein d'une mission dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances.

La deuxième remarque concerne la détermination des moyens du Parlement pour assurer ses missions de contrôle et d'évaluation. Il est de mon devoir de vous rappeler qu'une telle prérogative relève exclusivement des assemblées parlementaires, qui jouissent d'une parfaite autonomie en matière administrative et financière, conformément au principe de séparation des pouvoirs.

Dans sa décision du 25 juillet 2001, le Conseil constitutionnel a estimé que le fait de prévoir l'existence d'une mission spécifique ayant vocation à regrouper les crédits consacrés aux pouvoirs publics, dont les assemblées, permettait d'assurer « la sauvegarde du principe d'autonomie financière des pouvoirs publics concernés, lequel relève du respect de la séparation des pouvoirs ».

À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l'article 7 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, « les crédits nécessaires au fonctionnement des assemblées parlementaires font l'objet de propositions préparées par les questeurs de chaque assemblée et arrêtées par une commission commune composée des questeurs des deux assemblées. [… ] Les propositions ainsi arrêtées sont inscrites au projet de loi budgétaire auquel est annexé un rapport explicatif établi par la commission [précitée]. »

Ainsi, le renforcement des moyens administratifs et financiers dont disposent les assemblées parlementaires pour exercer leurs missions de contrôle et d'évaluation ne relève pas de la compétence du Gouvernement.

La troisième remarque, enfin, a trait à la diversification des membres de la Cour des comptes. Il convient de relever que le recrutement du personnel de cette institution est d'ores et déjà relativement ouvert. Outre ses membres affectés à la sortie de l'École nationale d'administration, la Cour des comptes accueille des fonctionnaires et magistrats nommés au tour extérieur, ainsi que des agents publics détachés. Toutefois, la diversité des recrutements doit aussi être conciliée avec le fait que « les membres de la Cour des comptes ont la qualité de magistrats », comme le rappelle l'article L. 120-1 du code des juridictions financières. Aussi les modalités de recrutement sont-elles fixées par la loi afin de garantir l'indépendance de la Cour en tant que juridiction.

Il faut noter que le législateur est intervenu à plusieurs reprises afin de faire évoluer les règles applicables en matière de nomination des magistrats financiers, notamment en 2006, avec la loi du 1er juillet 2006 portant dispositions statutaires applicables aux membres de la Cour des comptes, ou encore en 2012. Dans ces conditions, il est loisible aux parlementaires, indépendamment de toute résolution, de proposer des évolutions ayant trait au recrutement des magistrats de la Cour des comptes, dans le respect de la nécessaire indépendance de cette juridiction.

Le débat que vous soulevez, monsieur le président Chassaigne, sur la qualité de l'information dont disposent les parlementaires et sur la nécessité d'ouvrir les débats budgétaires, de rendre l'évaluation plus précise et de remettre en cause certaines procédures, est évidemment intéressant. La révision constitutionnelle à venir sera l'occasion de l'approfondir.

Vous avez conclu votre intervention en citant Confucius : « Celui qui déplace la montagne, c'est celui qui commence par déplacer de petites pierres. » Or Confucius a dit aussi : « Je ne cherche pas à connaître les réponses, je cherche à comprendre les questions ». Je crois avoir compris certaines de vos questions, cela ne nous met pas en situation d'accepter les réponses que vous proposez ce soir, mais l'essentiel est que nous puissions ultérieurement répondre ensemble à ces questions. Par conséquent, le Gouvernement ne soutient pas la proposition de résolution que vous avez présentée.

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