Intervention de Clémentine Autain

Séance en hémicycle du mardi 19 juin 2018 à 21h45
Réduction des inégalités entre les français et les territoires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClémentine Autain :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, je crains que l'intitulé de cette résolution, qui évoque la réduction des inégalités entre les Français et les territoires, n'entre pas dans le cadre des choix politiques de la macronie.

Du reste, ce que vous avez dans la tête, illustré par de petites phrases prononcées par des membres du Gouvernement ou le Président de la République, à l'égard des couches populaires, en dit long sur les choix concrets que vous avez arrêtés depuis un an. Des « illettrés » de Gad au « pognon de dingue » que coûtent les aides sociales, la trajectoire est linéaire. Sans parler du fameux « Je ne céderai rien, ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes », ou de cette phrase qui m'a glacée : « Une gare est un lieu où l'on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien ».

Au fond, l'ensemble de la politique menée depuis un an fait écho à ces phrases, qui témoignent du mépris ostensible que le Président de la République et sa majorité professent pour nos concitoyens qui rencontrent le plus de difficultés et auraient le plus besoin de l'action de la puissance publique.

Or, les inégalités ne cessent de croître. En 2017, 82 % des richesses produites dans le monde ont été captées par 1 % des plus riches de la population. La France ne fait pas exception : 32 milliardaires possèdent autant que 27 millions de personnes. Les pouvoirs publics ne peuvent pas renoncer à résoudre ce problème majeur.

Nous devrions mener une politique qui permette de réduire ces inégalités sociales et territoriales. Or, vous faites le choix inverse. Dès le début, vous avez expliqué que réduire de cinq euros les APL pour les plus pauvres était une bonne mesure, et qu'il était temps de réduire l'impôt sur la grande fortune pour les plus riches. Vous avez fait le choix, très clair, d'une redistribution à l'envers. Vous êtes une sorte de Robin des bois à l'envers, avec les résultats que l'on connaît et qui ne cesseront de s'aggraver : hausse de la CSG, à la charge des retraités modestes qui seront ponctionnés alors même que 60 à 80 milliards d'euros sont partis dans les paradis fiscaux et que vous continuez à distribuer des milliards par l'intermédiaire du CICE ou d'autres formes d'aides aux grandes entreprises. Tout cet argent s'envole, mais les plus pauvres, nous explique le Président de la République, ont un pognon de dingue et devraient se montrer solidaires des plus riches.

Voilà qui creusera encore davantage les inégalités sociales. Il est évident que la réduction des aides aux plus fragiles, l'altération du soutien aux services publics, qui sont laminés par les politiques d'austérité, sont autant de mesures qui pénalisent les territoires populaires, d'autant plus qu'apparemment – le Président de la République nous l'a expliqué – – aucun plan n'est prévu pour les quartiers populaires ! C'est édifiant ! Ce n'est pas faute, pourtant, pour Jean-Louis Borloo ou d'autres acteurs locaux, d'avoir tiré la sonnette d'alarme. Je peux en témoigner puisque je suis élue de la Seine-Saint-Denis, l'un des départements où la situation est la plus difficile. Un rapport parlementaire vous avait d'ailleurs été remis sur le sujet. Mais vous nous expliquez avec assurance qu'aucun plan n'est prévu, qu'il n'y a pas de rattrapage à opérer, et qu'il suffit d'attendre les bienfaits du ruissellement, lequel n'arrive pas ! Les inégalités se creusent ! Nous le vivons au quotidien, monsieur le secrétaire d'État.

Permettez-moi une incise. Nous sommes aujourd'hui au printemps budgétaire. J'aurais préféré un printemps de l'égalité qui mette en lumière des mesures favorables au plus grand nombre. En fait de printemps, c'est plutôt d'un hiver budgétaire qu'il s'agit : l'austérité est sacrée par vos orientations et vos choix.

Monsieur Woerth, nous nous sommes retrouvés en commission dans le cadre de ce printemps budgétaire. Je suis arrivée à 8 heures 30 pour écouter un effroyable récit technocratique, jusqu'à 11 heures 47 où j'ai eu droit à un temps de parole de deux minutes. Et vous m'avez objecté que je devais avancer des chiffres précis ! En deux minutes, après avoir longuement écouté La République en marche et dix minutes de députés Les Républicains ! Monsieur Woerth, nous n'allons pas nous noyer dans le détail technocratique de vos mesures pour les étayer les unes après les autres. Nous sommes face à un problème macro-économique, qui concerne l'ensemble de vos choix. Malheureusement, nous ne pouvons pas retrouver cette logique de réduction des inégalités entre les Français et les territoires dans votre analyse comptable, austère, votre application religieuse de la règle d'or, qui illustrent votre profond mépris des classes populaires. Vous êtes convaincus qu'en aidant les grandes entreprises à coups de milliards, le ruissellement incitera les pauvres à se mettre au travail, comme s'ils n'essayaient pas vainement de trouver un emploi, comme s'ils n'étaient pas victimes des politiques destructrices que vous menez dans les quartiers populaires.

Les pouvoirs publics devraient dégager les moyens pour investir dans les quartiers populaires. J'ai évoqué la Seine-Saint-Denis, mais la situation est comparable dans les territoires ruraux et les territoires d'outre-mer.

Le partage des richesses supposerait d'aller chercher l'argent là où il est pour l'investir en faveur des populations qui en ont le plus besoin et des territoires qui méritent un rattrapage. Mais ce n'est pas votre logique.

Prenons l'exemple de la suppression des contrats aidés, particulièrement emblématique. À la fin de cette année, 144 000 emplois dans le secteur associatif auront disparu. J'espère que tout le monde mesure que l'un des plus grands plans sociaux concerne le tissu associatif, aujourd'hui exsangue du fait de la réduction des dotations aux collectivités et des budgets publics.

Ne me regardez pas ainsi, madame Motin ! Allez plutôt vous promener dans votre territoire, discutez avec les bénévoles et vous prendrez conscience de l'ampleur du problème auquel est confronté un secteur décisif pour la vie quotidienne de millions de nos concitoyens. Les habitants des quartiers populaires figurent parmi les plus touchés par cette violence que vous exercez sur eux. Pas moins de 26 000 éducateurs sportifs disparaîtront, si ce n'est déjà fait, des quartiers populaires. Avec quelques milliers de coachs, à peine, Emmanuel Macron prétend les revitaliser.

Je crains qu'en la matière la simple soustraction ne lui échappe. Lorsque l'on met 5 000 coachs sportifs face à 26 000 éducateurs sportifs, nommer les premiers en anglais ne les rend pas plus nombreux – la magie du langage macronien a ses limites – : cela fait 19 000 éducateurs sportifs en moins. Voilà la réalité. Il faut se rendre compte du rôle social majeur que jouent les éducateurs sportifs, d'autant que le tissu associatif reste, parfois, ce qu'il y a de plus précieux dans les quartiers populaires.

Je vous vois sourire. J'ai envie de vous inviter, par exemple, au quartier Montceleux-Pont-Blanc de Sevran, où j'étais samedi dernier, autour de la table, à manger une merguez…

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