Intervention de Agnès Firmin Le Bodo

Séance en hémicycle du mardi 19 juin 2018 à 21h45
Suivi et pilotage de la production de logements sociaux — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAgnès Firmin Le Bodo :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je m'associe aux orateurs précédents pour saluer le travail du rapporteur et la pertinence de cette proposition de résolution, qui interroge l'efficacité et l'efficience d'une politique publique à la croisée d'enjeux économiques et sociaux affectant le quotidien de 10 millions de nos concitoyens.

Né lors de la révolution industrielle sous l'impulsion de grandes entreprises, le logement social, outil au service de la paix et de la cohésion sociale, est peu à peu devenu un domaine d'intervention de l'État.

C'est la loi Siegfried de 1894 qui fonde la politique du logement social donnant ainsi naissance à la Société française des habitations à bon marché, les HBM, qui deviendront les HLM d'aujourd'hui. Jules Siegfried, qui fut maire du Havre, écrivit en 1900 : « On rougit d'avoir à constater, à la fin de ce siècle de lumière et d'universel progrès, qu'une grande partie de la population de nos villes et de nos campagnes ignore encore le confort le plus essentiel et le plus élémentaire. [… ] Donnez à la classe ouvrière des habitations saines, agréables, commodes, [… ] vous encouragez l'épargne, la tempérance, l'instruction. »

Aujourd'hui, bien sûr, nous sommes loin de ces considérations datées, mais nous devons encore avoir présente à l'esprit la même volonté d'agir que Jules Siegfried.

Au fil des décennies, le Gouvernement et le législateur ont perfectionné cette politique avec de nombreuses lois qui, à l'instar de la loi Quillot, de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains ou de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, sont venues l'encadrer, la surveiller et l'accompagner.

Aujourd'hui, force est de constater que le logement social occupe une place déterminante au sein de nos paysages urbains et ruraux. En 2016, un rapport de la Cours des comptes recense un parc social s'élevant à 4,8 millions de logements, ce qui équivaut à un logement sur six et à la moitié de l'ensemble du parc locatif.

Malgré une offre importante, la demande ne tarit pas. On estime à 1,9 million le nombre de demandes par an. En France, ce nombre équivaut à quatre années d'attributions et à huit années pour l'Île-de-France. Rappelons également que les logements du parc social n'accueillent que la moitié des ménages locataires situés sous le seuil de pauvreté.

Gardons par ailleurs à l'esprit que ces chiffres masquent une diversité des situations sur l'ensemble du territoire national. Ainsi, toujours selon la Cour des comptes, les zones tendues concentrent près des trois quarts de la demande, mais ne disposent que d'un peu plus de la moitié de l'offre locative sociale. Même avec 26 % du parc total dans l'unité urbaine de Paris, l'offre ne suffit pas à empêcher la saturation de la capitale.

L'importance des refus des ménages attributaires montre la difficulté de faire correspondre les propositions et les attentes des demandeurs.

À bien des égards, la politique de production de logement social paraît perfectible et il nous appartient, en tant que législateurs, de nous emparer une nouvelle fois de ce sujet pour apporter des éléments de réponse concrets à même d'améliorer le suivi et le contrôle de cette politique dont les objectifs mériteraient d'être rénovés.

Mieux cibler les publics visés, doper l'offre tout en mobilisant de manière raisonnée les fonds publics, veiller à la transparence et assurer le pilotage au niveau local, sont autant d'objectifs qui, pour garantir un accueil décent des ménages modestes et défavorisés, requièrent un engagement plus fort, du moins plus efficace, de l'État.

Aujourd'hui, divers blocages réduisent l'efficacité et la cohérence de l'action de l'État dans la politique du logement social. Souvent trop orientée vers la construction de bâtiments supplémentaires, assortie de cibles ambitieuses et d'un niveau élevé de production de logements neufs, la politique du logement social mériterait d'être davantage redirigée vers une gestion plus efficiente et active du parc existant.

Il faut savoir aussi renouveler le patrimoine, c'est l'avenir que l'on construit. Cette réorientation permettrait de cerner avec une plus grande finesse la bonne conduite d'une politique publique, tout en garantissant une meilleure gestion des crédits de paiements associés.

Pour opérer cette transition, des outils existent et nous saluons l'initiative de la proposition de résolution, qui vise à nous en présenter un.

Le système d'information « Suivi et programmation des logements sociaux » constitue ainsi un instrument pertinent pour les enjeux de pilotage et de conception que présentent les politiques de l'habitat, car il permet aux décideurs de disposer d'informations de synthèse sur les différentes phases du financement d'une opération de logements sociaux. L'État gagnerait à utiliser le potentiel de ce portail internet de préprogrammation initialement destiné aux bailleurs sociaux, afin d'assurer un suivi effectif et un contrôle étape par étape, de la production à la mise en service d'un logement social.

Pour une utilisation efficiente et efficace de cet outil de pilotage, il convient que l'État s'investisse davantage dans son évolution en le renseignant des informations dont il dispose et en complétant la plateforme d'une expertise sur l'acquisition-amélioration, le conventionnement ou les réhabilitations énergétiques, qui constituent toujours des angles morts pour ce système d'information.

Pour avoir présidé un bailleur social, je peux témoigner que c'est sans doute l'une des fonctions les plus riches et les plus belles sur le plan humain qu'il soit donné d'exercer à un élu de terrain.

Au regard de ces nombreux éléments, le groupe UDI, Agir et indépendants soutient l'esprit de cette proposition de résolution qui tente d'explorer des pistes et des alternatives pour améliorer la cohérence et le contrôle d'une politique éminemment importante et perfectible.

« Agir c'est vivre », disait Siegfried. La phrase est même inscrite sur sa tombe au Havre. Alors, agissons vite et bien, pour que nos concitoyens vivent mieux !

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