Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mardi 19 juin 2018 à 21h45
Suivi et pilotage de la production de logements sociaux — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, qui d'entre nous pourrait contester la nécessité d'une plus grande transparence dans la production effective de logements sociaux ?

De ce point de vue, la proposition de résolution de François Jolivet est évidemment la bienvenue. Il a, en effet, raison d'expliquer qu'il existe un fossé entre les agréments accordés et la construction réelle de logements sociaux. Certaines opérations bénéficient d'un agrément, et même d'une promesse d'aide de la part des intercommunalités chargées du logement, sans qu'elles voient jamais le jour. Cela s'explique, notamment, par les contentieux et, pour parler plus crûment, par les multiples recours intentés par des voisins qui n'aiment le logement social que lorsqu'il est loin de chez eux – c'est bien de cela qu'il s'agit.

On ne peut également qu'approuver notre collègue quand il explique qu'il est impératif d'identifier les agréments abandonnés et les autorisations d'engagement qui vont avec, si l'on veut gérer ces crédits autrement qu' « au fil de l'eau », comme il le dit fort justement.

Je ne m'attarderai pas sur les propositions faites pour que le système d'information SPLS soit pleinement exploité, et sur la nécessité d'une plus grande implication de l'État. Tout cela va dans le bon sens, et je ne peux que l'approuver.

Toutefois, je serai plus circonspecte en ce qui concerne l'entrée en matière de l'exposé des motifs de cette proposition de résolution. N'ayant pas en main de statistiques concernant l'Île-de-France, je ne m'aventurerai pas à contester les chiffres avancés par M. Jolivet ; il a sûrement raison. Mais, m'appuyant à mon tour sur des données concernant l'ouest de l'Hérault, et plus particulièrement Béziers et son proche territoire, je voudrais apporter si ce n'est des corrections, du moins un autre éclairage sur la demande de logements sociaux.

Béziers, qui compte plus de 7 500 logements sociaux – dont plus de 90 % ont été construits par l'Office public des HLM – , connaît de longues listes d'attente, comprenant, en ce moment, plus de 4 500 personnes. Mais on ne peut se contenter de ces chiffres si l'on veut avoir une idée précise de la situation.

En effet, à l'heure actuelle, une proposition sur deux, en moyenne, est refusée par les demandeurs : vous avez bien entendu, une proposition sur deux. Pour quelles raisons ? Parfois, bien sûr, parce que le logement proposé ne correspond pas aux besoins de la famille concernée : il n'est, par exemple, pas assez spacieux, ou est peu adapté aux handicaps de certains. Mais, plus généralement, ces refus sont motivés par des raisons moins avouables, au point que les élus ont quelques scrupules à en faire état, ne voulant pas endosser le rôle du méchant. Je pense notamment – et c'est le cas dans ma ville de Béziers – à tous ces refus justifiés par le quartier proposé. On a besoin d'un logement social mais on ne le veut pas dans telle ou telle partie de la ville, qui a mauvaise réputation. Pour parler plus clairement, nous nous retrouvons devant des refus uniquement motivés par l'opposition à ce fameux « vivre ensemble » que certains prônent pourtant à longueur de discours – à peu de frais, c'est vrai, puisqu'ils s'en exonèrent allègrement.

Il est souvent impossible – et je ne pense pas que cela soit spécifique à mon territoire, pas plus qu'au midi méditerranéen – de mélanger des populations d'origines différentes. On se retrouve donc avec des cités ou des immeubles, ou encore des cages d'escalier, occupés par des familles ayant toutes la même origine. Cela s'appelle des ghettos, qu'il est – disons-le franchement – très difficile de combattre. S'il n'est pas acceptable de se résigner à ces véritables apartheids territoriaux – qui ne relèvent pas, bien entendu, d'une quelconque volonté des pouvoirs publics mais, bien davantage, d'un refus assumé de mixité ethnique ou confessionnelle – , je crois ne pas trahir les élus locaux en disant qu'ils se sentent impuissants face à ce phénomène.

Vous l'aurez compris, si j'approuve la proposition de résolution que nous étudions aujourd'hui, je ne voudrais pas que nous laissions croire que le seul manque de logements sociaux – incontestable par ailleurs – explique la durée d'attente entre une demande et sa satisfaction. C'est malheureusement beaucoup plus compliqué que cela. Il faut, bien entendu, construire davantage de logements sociaux. Il faut, bien entendu, en réhabiliter davantage. Il faut, bien entendu, comme nous le propose François Jolivet, mieux suivre, non les agréments accordés, mais les constructions effectives. Mais il faut aussi témoigner d'un mal-être qui renvoie à une crise d'identité et à un repli communautariste. Ne nous voilons pas la face.

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