Intervention de Patrick Hetzel

Séance en hémicycle du mercredi 20 juin 2018 à 15h00
Pilotage de la recherche publique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Hetzel :

Madame la rapporteure spéciale, vous nous proposez une résolution pour le renforcement des outils et des moyens de pilotage de la recherche publique. Ce texte est fondé sur un diagnostic et adresse des recommandations au Gouvernement. Avant tout, j'indique que le groupe Les Républicains partage votre diagnostic et vos préconisations. Toutefois, nous pensons qu'il serait possible d'aller encore plus loin, j'y reviendrai.

Concernant le diagnostic, la LOLF – la loi organique relative aux lois de finances – et les réformes successives du système de recherche ont entraîné de profonds changements dans les systèmes de pilotage et les systèmes d'information, aussi bien dans l'enseignement supérieur que dans les organismes de recherche.

Comme toujours, la question de l'appropriation des différents outils est posée : quels sont les outils implémentés pour le pilotage ? qui les conçoit et les implémente ? pour quels usages et quels acteurs ? Dans les universités, par exemple, deux systèmes de pilotage cohabitent. Dans les unités de recherche, le système de pilotage vise à soutenir l'activité des chercheurs. Par ailleurs, au niveau central des universités, le système de pilotage semble tourner en boucle sur lui-même, car il sollicite un grand nombre d'informations des laboratoires pour son reporting, sans leur apporter en retour un réel soutien, comme l'ont très bien expliqué Karine Gauche et Ariel Eggrickx, de l'université de Grenoble, dans une publication scientifique très intéressante de 2012.

Le récent rapport de la Cour des comptes concernant l'évaluation du programme d'investissements d'avenir va dans le même sens. Il dénonce, par exemple, le fait que les objectifs initiaux assignés aux outils du PIA consacrés à la valorisation de la recherche ont été souvent mal définis, ce qui n'a pas facilité le pilotage des structures. De même, page 32, la Cour des comptes indique : « Les objectifs mal calibrés des nouvelles structures de valorisation, couplés à l'existence de financements publics importants non soumis à une régulation budgétaire annuelle en raison de la gestion extrabudgétaire du PIA, critiquée par la Cour dans son rapport public de 2015 sur le programme d'investissements d'avenir, ont pu conduire les pouvoirs publics à faire perdurer certaines de ces structures alors même que les difficultés qu'elles rencontraient pouvaient faire douter de leur viabilité ». Ainsi, vous avez raison de dénoncer l'absence de lisibilité réelle des dépenses par grands domaines de recherche ainsi que les difficultés de coordination des différents acteurs impliqués.

Pour y remédier, plusieurs propositions sont formulées dans cette résolution : le développement d'outils pluriannuels de pilotage budgétaire de la recherche, ce à quoi nous sommes favorables ; l'aboutissement rapide des projets de systèmes d'information interopérables entre acteurs de la recherche, ce à quoi nous sommes également favorables ; la clarification des moyens dont dispose le secteur de la recherche spatiale, ce à quoi nous sommes aussi favorables ; une meilleure mise en cohérence d'ensemble de la politique de recherche par le Gouvernement, ce à quoi nous sommes encore favorables. Tout ceci est donc pertinent et mérite évidemment d'être soutenu.

Toutefois, nous pensons qu'il faut aller encore plus loin, et, disons-le, nous déplorons que la proposition de résolution ne s'attaque pas à un autre sujet qui, d'après la Cour des comptes, est au moins aussi important et contribue également au problème de la cohérence et de la lisibilité de la politique de recherche : la gouvernance du système de recherche. En effet, améliorer les moyens du pilotage, c'est aussi se préoccuper du problème de la complexité de la gouvernance du système français de recherche, qui mériterait d'être simplifié. Cette simplification passe à la fois par une meilleure coordination entre les acteurs ministériels et interministériels qui financent la recherche, et par une simplification de certaines procédures décisionnelles. Bien entendu, cette simplification devrait aussi déboucher sur une meilleure gouvernance des moyens budgétaires, mais aussi extrabudgétaires, qui, aujourd'hui, ne sont absolument pas consolidés, ce qu'a dénoncé la Cour des comptes. La question des moyens consacrés par l'État à la recherche revient lors de chaque discussion budgétaire.

Vous l'aurez compris, nous adhérons aux préconisations de la présente proposition de résolution et nous voterons en sa faveur, mais nous déplorons que l'on ne s'attaque pas de manière plus frontale à la question de la gouvernance. Madame la ministre, je vous lance cet appel : je pense qu'il est urgent de se préoccuper de la gouvernance d'ensemble de notre système de recherche.

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