Intervention de Julien Aubert

Séance en hémicycle du mercredi 20 juin 2018 à 15h00
Certificats d'économie d'énergie — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Aubert, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, monsieur le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, la présente proposition de résolution vise à clarifier, sur certains points, le dispositif des certificats d'économie d'énergie – CEE – et à permettre une meilleure association du Parlement dans sa mise en oeuvre.

Les CEE ont été créés par la loi du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique afin d'inciter les acteurs privés à réaliser des économies d'énergie. Il a alors été choisi d'instaurer un mécanisme de marché comparable à celui des quotas d'émission de gaz à effet de serre. La France avait la possibilité de mettre en place une taxe, mais elle a préféré ce système.

Il revient à l'administration de fixer un volume d'économies d'énergie, mesurées en térawattheures, sur une période donnée, auquel sont tenus les obligés du dispositif, les fournisseurs d'énergie. Ce volume a augmenté de manière exponentielle, passant de 54 térawattheures pour la période 2006-2009 à 1 600 térawattheures pour la période actuelle. Les obligés sont laissés libres dans le choix de la méthode pour atteindre leurs objectifs, les économies étant matérialisées par l'attribution d'un CEE. À la fin de la période fixée par l'administration, les obligés doivent être en possession du nombre de CEE correspondant à leur montant d'obligations à réaliser en matière d'économies d'énergie. Dans le cas contraire, ils peuvent recourir à un marché de gré à gré, où les opérateurs disposant d'un excédant de CEE peuvent les revendre aux opérateurs en déficit. Les obligés n'ayant pas atteint leurs objectifs doivent payer une pénalité.

Le mécanisme permet également aux particuliers, collectivités territoriales et entreprises de bénéficier d'une prime versée par les fournisseurs d'énergie pour financer des travaux d'économies d'énergie.

Les CEE constituent un outil majeur de notre politique de maîtrise de la consommation énergétique. En année pleine, ils représentent le double du montant du crédit d'impôt pour la transition énergétique. Ils auraient permis d'économiser 612 térawattheures entre 2006 et 2014 et contribué à financer des travaux d'économies d'énergie à hauteur de 24 milliards d'euros, représentant 2 milliards d'euros d'économies annuelles.

Il y a un problème : les CEE reposent sur un circuit essentiellement extrabudgétaire, puisqu'ils occasionnent très peu de dépenses publiques directes. L'essentiel de ces dépenses correspond à la paie des douze agents de la direction générale de l'énergie et du climat – DGEC – qui contrôlent l'application du dispositif, mais le nombre d'agents n'a pas vraiment bougé entre l'époque où le volume d'économies d'énergie était de 54 térawattheures et la période actuelle, où les CEE représentent 9 milliards d'euros sur trois ans.

Il est permis de s'interroger sur le statut de quasi-taxe du dispositif, puisque les opérateurs privés sont obligés de débourser de l'argent en vertu d'une décision de l'administration, et non du Parlement. Les sommes en jeu ne sont pas négligeables : 3 milliards d'euros par an, soit 9 milliards au total pour la quatrième période. D'ailleurs, il arrive qu'un ministre décide, en cours de vol, d'augmenter les volumes, comme l'a fait Ségolène Royal lorsqu'elle a créé les certificats d'économie d'énergie précarité, à destination des ménages modestes, en 2016. Cela s'était traduit par une augmentation des dépenses pour les entreprises, mais aussi pour les particuliers, puisque ces derniers financent indirectement le dispositif – 50 % des CEE reposent sur le prix des carburants, à raison de 3 à 6 centimes d'euro par litre. Allez expliquer aux citoyens qu'environ un litre par plein d'essence vient financer les CEE, dans le cadre d'une politique qui échappe au contrôle du Parlement.

Beaucoup de questions se posent encore. Quelle est la nature du CEE, aujourd'hui défini comme un « bien meuble négociable », dont l'unité de compte est le kilowattheure d'énergie finale économisée ? Par ailleurs, nous pouvons nous interroger sur l'imputation comptable des CEE pour les obligés, sur le régime d'imposition applicable à la détention et à l'échange des CEE, ou encore sur la nature financière des CEE. À cet égard, M. Lecornu nous a expliqué, lors des commissions d'évaluation des politiques publiques, qu'il considérait plutôt être en présence d'un marché obligataire.

Les risques de voir se développer des comportements de spéculation existent : plus il y a d'argent en jeu, plus il est tentant de thésauriser afin de réaliser un profit à la faveur des variations des cours.

La question de la fraude est également centrale. Les effectifs dédiés au contrôle sont relativement restreints – une douzaine de personnes – , ce qui pose d'ailleurs un problème d'engorgement des dossiers et entraîne une sous-évaluation de cette politique publique. Cela explique aussi les réticences des acteurs, qui déplorent de ne pas obtenir de réponses de la DGEC. Le ministère indique toutefois qu'il est prévu de renforcer les effectifs.

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