Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du mercredi 20 juin 2018 à 21h30
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2017 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes quelques collègues présents – ce qui dit tout le succès de ce Printemps de l'évaluation – , à travers cette motion de rejet préalable du projet de loi de règlement du budget 2017, je souhaite dresser le bilan d'un an de mesures budgétaires et fiscales prises par ce gouvernement, certes à partir d'un budget dont il n'a pas la responsabilité, mais auquel j'observe tout de même que le Président de la République avait quelque peu contribué étant donné son importance dans le gouvernement d'alors. Les rectifications qui ont été apportées en juillet 2017 sont, elles, totalement de votre fait, monsieur le ministre. J'aborderai également les conséquences de la loi de finances de 2018.

Sur le projet en lui-même, l'analyse de la Cour des comptes démontre l'ampleur de l'écart entre le budget exécuté en 2017 et ce qui était prévu en loi de finances initiale. Je sais que vous n'aimez pas l'expression, monsieur le ministre, mais je n'en vois pas d'autre pour les véritables « coups de rabot » qu'ont subis certaines missions dans leur exécution, sans trop qu'on sache quels critères ont été retenus pour les justifier.

Ainsi, la mission « Écologie, développement et mobilité durables », dont j'ai la charge d'assurer une partie du suivi en tant que rapporteur spécial, a subi l'annulation de 434 millions d'euros en crédits de paiement, hors titre 2, soit 4,57 % des crédits ouverts en loi de finances initiale. Peu importent les raisons qui vous ont conduit à ces coupes ; elles sont, de toute façon, étonnantes au moment où l'on nous dit, à juste raison, que la terre brûle de plus en plus, et que cette cause ne devrait supporter aucune contrainte budgétaire.

Mais cette mission n'a pas été la seule touchée par l'exécution budgétaire en 2017. Les coups de rabot ont également porté sur la mission « Sécurités » – moins 4,7 % – , la mission « Aide publique au développement » – moins 4,5 % – , la mission « Justice » aussi – à raison de moins 4,1 %, vos coupes du mois de juillet ont réduit son budget de 238 millions d'euros. Et quand on voit l'état de la justice en France, notamment dans le département de Seine-Saint-Denis, mis encore en lumière récemment dans un rapport, on ne peut que s'en étonner.

En outre, la Cour note que les dépenses d'investissement de l'État sont en baisse de 7,1 % par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale du fait des annulations de juillet décidées par le Gouvernement. Ces annulations ont, en réalité, servi à financer d'autres missions qui avaient été sous-évaluées en loi de finances initiale : c'est notamment le cas des opérations extérieures – les OPEX – et des missions intérieures du ministère des armées, qui ont coûté trois fois plus cher que prévu – 1,5 milliard au lieu des 534 millions votés en loi de finances initiale. C'était certes un rattrapage nécessaire – et l'on se souvient qu'il a fallu que des militaires tapent sur la table pour montrer qu'ils ne pouvaient plus accomplir de manière correcte les missions qui leur étaient attribuées – , mais ce n'est pas une raison pour prendre sur les autres ministères. En d'autres termes, la majorité précédente a bricolé, avec M. Macron, puis vous avez raboté d'un programme à l'autre, toujours avec M. Macron. Au mieux, c'est un jeu de bonneteau.

Mais cette exécution ne pose pas seulement un problème économique ou comptable, mais bien un problème démocratique, et c'est pour cette raison aussi que nous en demandons le rejet. De fait, ce projet de loi de règlement montre que le budget finalement exécuté est fort différent de celui voté en loi de finances initiale. La partie exécutée sous le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, est encore plus austère que ce qui avait été voté par la précédente majorité. Ainsi, la Cour des comptes relève que les ouvertures et annulations d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement sont les plus importantes depuis la création de la LOLF. Le décret d'annulation du 20 juillet 2017 a ainsi annulé plus de 2,8 milliards en autorisations d'engagement et 3 milliards en crédits de paiement sur le budget général. Vu l'importance de ces sommes, j'estime que vous devez en rendre compte à la fois aux parlementaires et aux citoyens. C'est la moindre des choses.

J'espère que le monarque Macron – Jupiter – ne peut pas encore tout se permettre dans ce pays. D'ailleurs, la Cour des comptes dénonce une telle méthode. Auparavant, les rois avaient une couronne sur la tête ; maintenant, ils ont malheureusement un papier intitulé « Constitution de la Ve République », qui permet à l'exécutif de prendre ses aises avec le Parlement et la chose votée.

Vous avez choisi d'agir par décrets d'annulation. Pourquoi ne pas avoir fait de loi de finances rectificative ? Par peur du débat ? Ce point est aussi souligné par la Cour des comptes. La future réforme constitutionnelle – je me permets d'en parler puisqu'elle a été abordée ce matin en commission des finances – en dit long sur les intentions de l'exécutif et sur un certain mépris de la fonction de contrôle du Parlement. Si cette réforme passait, le temps d'examen des projets de loi finances en serait réduit de 30 %, passant de soixante-dix jours à cinquante jours d'examen. Sachant que les seules annexes de ce texte représentaient plus de 22 000 pages cette année, on voit bien que cette mesure est caractéristique d'un antiparlementarisme primaire que vous essayez, depuis un an, d'installer dans ce pays et dans la société en laissant penser que les seuls responsables de la défiance en politique sont les parlementaires. Je crois, chers collègues, que vous soyez de l'opposition ou de la majorité, que vous devriez craindre cette évolution : parce que la majorité devient, un jour, minorité, il n'est jamais bon que les parlementaires soient ainsi maltraités par le Gouvernement.

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