Intervention de Jean-Paul Dufrègne

Séance en hémicycle du mercredi 20 juin 2018 à 21h30
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2017 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Dufrègne :

… tantôt laxiste lorsqu'il a été décidé, dans le dernier budget, de liquider l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF, qui a pourtant rapporté 5,1 milliards d'euros en 2017, comme l'indique le rapport du rapporteur général.

Une conception également laxiste lorsqu'il a été question d'alléger substantiellement la fiscalité du capital par l'entremise d'un prélèvement forfaitaire unique à 30 %. Le coût de cette mesure, évalué à 1,9 milliard d'euros, est probablement sous-estimé, comme l'indique l'économiste Gabriel Zucman qui l'estime à près de 10 milliards d'euros annuels.

Un laxisme budgétaire également visible avec la dislocation de la taxe sur les transactions financières et la diminution progressive de l'impôt sur les sociétés, sans contrepartie.

Ce laisser-aller pourrait aller jusqu'à vous conduire à mettre un terme, dès 2019, à l'exit tax, dispositif à la visée pourtant vertueuse puisqu'il dissuade l'exil fiscal de riches contribuables. L'ardoise pour l'État pourrait s'élever à plus de 6 milliards d'euros, excusez du peu. Et je ne parle pas du cumul, en 2019, du CICE et de la baisse des cotisations sociales patronales, qui pourrait représenter 40 milliards d'euros, soit 1,8 point de PIB.

Tous ces éléments démontrent, mes chers collègues, que la France a la capacité de disposer des ressources financières pour mener des politiques publiques ambitieuses, bien loin de la mythologie entretenue par les tenants de l'orthodoxie budgétaire qui répètent à l'envi que notre pays serait à l'os.

Tous ces éléments, en particulier la multiplication de cadeaux fiscaux faramineux bien souvent octroyés sans aucune contrepartie, démontent en réalité votre gestion prétendument vertueuse des finances de l'État. Nous sommes en effet très loin du compte, considérant votre choix assumé de mettre nos finances publiques au service du secteur marchand et non au service du plus grand nombre, symbole de votre ADN politique.

Les conséquences sont lourdes : cette politique conduit l'État à s'endetter toujours plus, et la dette publique vient alimenter un secteur financier déjà en situation d'hypertrophie. La charge de la dette, qui s'élève à 41,7 milliards d'euros, représente ni plus ni moins que le deuxième budget de l'État, peu ou prou à égalité avec le budget de la défense. Il nous apparaît donc profondément irresponsable d'appuyer sur la pédale d'accélérateur de cette politique de cadeaux fiscaux qui favorise une infime minorité, au détriment de l'immense majorité de nos concitoyens.

En réalité, il y aurait lieu de s'interroger sur la nature même de ce système de la dette qui plombe notre vie politique, neutralise les choix publics et surplombe nos débats. Qui détient notre dette publique aujourd'hui ? Personne n'est en mesure de le dire en détail. C'est un fait. D'ailleurs, il n'en est fait aucune mention dans le rapport publié par le rapporteur général. Ce point est aujourd'hui absent de nos débats, alors que la financiarisation de nos sociétés, symbolisée par l'emprise de la dette publique sur nos décisions, fragilise notre souveraineté.

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