Intervention de Hugues Renson

Réunion du mardi 15 mai 2018 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHugues Renson, rapporteur :

L'accord que nous examinons appartient à une catégorie classique d'accords internationaux, les accords de réadmission, par lesquels les pays signataires s'engagent à accepter le retour forcé sur leur sol de leurs ressortissants en situation irrégulière et le cas échéant de ressortissants de pays tiers ayant séjourné sur leur sol. La France a signé des accords de ce type avec une cinquantaine de partenaires dans le monde, dont vingt dans l'Union européenne. Elle peut également s'appuyer sur dix-sept accords de ce type passés par l'Union européenne.

Cet accord avec l'Autriche n'a donc rien de très original. Il vise à remplacer un accord précédent de même nature avec ce pays, conclu en 1962, dont les dispositions devaient être modernisées et adaptées au droit européen. Il a été conclu en 2007, puis l'on s'est aperçu que l'une de ses clauses n'était toujours pas conforme au droit européen et l'on a dû signer, en 2014, un protocole de révision pour réparer ce problème rédactionnel, qui portait sur la définition des ressortissants de « pays tiers », notion qui, selon le droit européen, ne peut concerner que les ressortissants de pays extérieurs à l'Union européenne et à l'espace Schengen. C'est l'accord de 2007 ainsi révisé qui nous est soumis. On peut bien sûr s'étonner de ce raté et du temps qu'il a fallu pour le réparer, mais il faut aussi relativiser les enjeux, qui sont dans le cas présent assez modestes.

En moyenne, ces dernières années, la France a éloigné vers l'Autriche une quarantaine de personnes par an. Un petit nombre de ces personnes, en moyenne deux à trois par an, étaient de nationalité autrichienne, les autres appartenant à des nationalités extra-communautaires. Il y aussi des cas de transit, que l'accord prévoit : par exemple, des personnes renvoyées vers un pays tiers font une escale aéroportuaire à Vienne. L'entrée en vigueur du nouvel accord ne devrait pas modifier fondamentalement la situation. Selon l'étude d'impact préparée par le Gouvernement, « l'accord n'aura (…) aucune incidence financière majeure, compte tenu des volumes de retours envisagés ».

Les éloignements forcés sont en effet peu nombreux entre États-membres de l'Union, compte tenu de la liberté de circulation et d'établissement dont bénéficient les citoyens européens. Ils peuvent concerner des personnes qui sont l'objet d'une condamnation pénale comprenant une interdiction de séjour, peuvent aussi être justifiés par des raisons d'ordre et de sécurités publics et peuvent enfin viser des personnes qui ne justifient pas d'une activité professionnelle, de la poursuite d'études ou d'un minimum de ressources.

Quant aux éloignements de ressortissants de pays tiers, ils ne devront être acceptés par l'autre partie, selon l'accord, que sous réserve que les personnes en cause aient séjourné sur son territoire et dans ce cas de figure sous plusieurs conditions : cela vaudra seulement pour les ressortissants de pays non membres de l'Union et de l'espace Schengen, qui couvre aussi des pays tels que la Suisse et la Norvège ; seulement durant les six premiers mois de séjour irrégulier de ces personnes ; enfin sous réserve qu'elles ne bénéficient pas d'une protection internationale de type asile et ne soient pas non plus des demandeurs d'asile. Pour les demandeurs d'asile, c'est en effet le dispositif « Dublin » de détermination du pays dit responsable de la demande d'asile qui doit s'appliquer.

Pour le reste, l'accord comporte des dispositions procédurales précises destinées à assurer une application efficace tout en respectant les droits des personnes. Des délais brefs de réponse aux demandes formulées entre les deux pays et d'exécution des mesures sont ainsi prévus. Les conditions de détermination de l'état-civil, de la nationalité et du parcours des personnes concernées, à partir de divers documents, sont détaillées. La transmission et l'utilisation de ces informations personnelles sont encadrées conformément au droit européen, de même que les prérogatives des escortes policières.

Je voudrais enfin dire quelques mots du partenaire avec lequel l'accord a été signé, l'Autriche. C'est un fait que le résultat des dernières élections générales en Autriche et l'installation au pouvoir, en décembre dernier, d'une nouvelle majorité ont suscité des interrogations. L'accord est bien antérieur, essentiellement technique et similaire en tous points à ceux signés avec d'autres pays, je le rappelle. Il me paraît utile de rappeler cependant plusieurs points.

Tout d'abord, j'ai regardé le programme du nouveau gouvernement investi en décembre 2017, qui est très précis puisqu'il y a, comme en Allemagne, un accord de coalition qui s'imposera durant la législature. Ce programme comprend effectivement des mesures restrictives en matière d'asile et d'immigration, notamment en matière de prise en charge sociale ou sur des règles procédurales en matière d'asile. Mais ce programme s'inscrit aussi, de manière délibérée, dans le cadre du droit européen et des valeurs européennes. Il y est dit en particulier que l'Autriche souhaite coopérer avec ses partenaires dans le cadre du régime d'asile européen commun pour élaborer une politique d'asile résiliente, durable et efficace. Il est également prévu que l'Autriche accepte un contingent de réfugiés qui seraient réinstallés directement depuis des pays tiers.

Par ailleurs, bien que cela ne soit pas le sujet de l'accord de réadmission, ayons conscience que l'Autriche, située sur la route migratoire d'Europe centrale, a largement pris sa part de l'accueil des migrants suite à la crise migratoire de 2015. D'après les données collectées par Eurostat, avec une population de moins de 9 millions d'habitants, soit presque huit fois moins que la France, l'Autriche a enregistré 148 000 primo-demandes d'asile sur les trois années 2015-2017, contre 238 000 pour notre pays, soit moins de deux fois plus. Rapportés à la population, les nombres de demandes d'asile ainsi que d'octroi d'asile ont été plus élevés en Autriche que dans la plupart des pays européens, y compris parfois l'Allemagne.

Bref, que ce soit pour le programme de son nouveau gouvernement ou pour la manière dont elle a pratiqué l'accueil des migrants ces dernières années, l'Autriche continue d'affirmer son attachement aux valeurs européennes et au projet européen.

Plus généralement, en sortant des seules questions migratoires, l'Autriche est un partenaire de confiance de notre pays, en particulier dans les débats européens. Nos deux pays ont des convergences fortes sur plusieurs dossiers et ont partagé des combats européens ces derniers mois. Je pense par exemple à la révision de la directive sur les travailleurs détachés ou à l'interdiction dans le délai le plus bref possible du glyphosate. L'Autriche défend aussi une politique agricole commune active proche de nos conceptions. Le nouveau chancelier investi en décembre dernier, Sebastian Kurz, a fait son premier déplacement international à Bruxelles, manifestant ainsi son attachement à la construction européenne, et sa deuxième destination a été Paris.

Nous avons donc un accord de nature classique qui procède à des aménagements juridiques nécessaires pour que notre coopération avec l'Autriche puisse continuer dans les meilleures conditions. En tenant compte également du contexte que je vous ai décrit, je vous invite à adopter le présent projet de loi, qui permettra l'approbation de cet accord.

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