Intervention de Marc Andéol

Réunion du mercredi 6 juin 2018 à 14h00
Commission d'enquête sur les maladies et pathologies professionnelles dans l'industrie risques chimiques, psychosociaux ou physiques et les moyens à déployer pour leur élimination

Marc Andéol, coordinateur de l'Association médicale pour la prise en charge des maladies éliminables (APCME) :

La construction du système, l'activité de recherche proprement dite, s'est déroulée dans des conditions optimales. Elle s'est déroulée dans une réalité désormais disparue, à savoir les centres médicaux mutualistes des Bouches-du-Rhône, qui étaient dirigés par des médecins, dans un rapport d'égalité avec des mutualistes qui travaillaient dans les entreprises du bassin. Nous avons eu la possibilité de perdre une infinité de temps à procéder à des tests, à des essais et à fabriquer les premières versions informatisées. Nous n'aurions jamais pu construire un tel système dans le milieu libéral.

Les médecins libéraux de notre environnement ont vite pris l'habitude d'utiliser le service qui se mettait en place, au point que, lorsque les fax sont apparus, l'APCME s'est constituée et les médecins libéraux sont devenus majoritaires.

Nous n'avons pas organisé de formations, au sens où vous l'entendez. Nous avons organisé des journées de présentation du système, bien entendu, mais la formation s'est faite dans la pratique, c'est-à-dire dans la prise en charge des cas. La fiche individuelle de synthèse est un peu comme une correspondance entre le médecin et le pôle de gestion du réseau. Dans les réponses, on s'efforçait toujours d'être très explicites pour que la prise en charge des cas soit formatrice. Les médecins les plus expérimentés sont indéniablement ceux qui ont affronté et résolu un grand nombre de cas.

S'agissant de l'information du médecin, nous prônons une approche progressive : l'assurance maladie pourrait faire un premier pas en mettant en ligne les situations qui sont à l'origine des maladies professionnelles ; parler du « risque X avéré » serait une avancée. Par ailleurs, nous avons été marqués par une approche développée, par exemple, dans l'ouvrage Plans and the structure of behavior, de George Miller, Eugene Galanter et Karl Pribram, sur la façon d'aborder les problèmes complexes. Cet ouvrage mettait en évidence la différence entre la mise en oeuvre d'algorithmes systématiques, mais coûteux en temps – et, souvent, en argent –, et la mise en oeuvre de méthodes plus astucieuses, fondées sur le comportement vraisemblable de l'être humain, qui délimitent plus étroitement l'espace à explorer. Dans cette veine, nous avons préféré les approches pratiques aux approches systématiques. Connaître le « risque X avéré » est fondamental, d'autant il est écrit quelque part dans les archives de la sécurité sociale. Je suis persuadé que si l'information est accessible à tous, en ligne, les ajustements se feront. D'ailleurs, lorsque j'ai démarré, je n'y connaissais absolument rien, je me suis formé jour après jour, dans l'action.

Quant à la recherche, nous n'en avons quasiment pas fait. Néanmoins, nous avons eu un échange avec un chercheur de renommée mondiale, le professeur Paolo Boffetta, à propos d'une hypothèse que nous avions posée et qui concernait le golfe de Fos-sur-Mer. En recensant les cas – hommes et postes de travail ,– nous avons accumulé une documentation qui montre que des cas de leucémie adviennent dans des environnements où les teneurs en benzène peuvent être très faibles, mais où il y a de grandes quantités d'hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP).

Or, nous avions trouvé une publication du professeur Boffetta dans laquelle il indiquait que les HAP étaient susceptibles de causer des leucémies. Nous lui avons envoyé notre documentation et il nous a confirmé qu'il fallait chercher dans cette direction. Depuis, nous n'avons trouvé personne à la faculté de médecine de Marseille pour conduire une recherche de ce type, mais l'anecdote illustre le fait que les médecins généralistes, par leurs observations, peuvent faire surgir des hypothèses qui intéressent l'activité de recherche plus fondamentale.

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