Intervention de Jean-François Naton

Réunion du jeudi 7 juin 2018 à 14h00
Commission d'enquête sur les maladies et pathologies professionnelles dans l'industrie risques chimiques, psychosociaux ou physiques et les moyens à déployer pour leur élimination

Jean-François Naton, conseiller confédéral de la CGT, en charge du travail, de la santé et de la protection sociale :

Je veux tout d'abord saluer l'initiative de la création de cette commission d'enquête, qui était attendue et vient opportunément compléter les travaux de la mission – inattendue celle-là – sur la santé au travail et la prévention des risques professionnels, pour laquelle le Premier ministre a notamment désigné Mme la députée Charlotte Lecocq, présente parmi vous, et dont le rapport sera remis aux ministres chargées de la santé et du travail. Elles marquent toutes deux une prise de conscience de ce qui se joue au travail.

Dans un contexte où le travail redevient l'un des déterminants fondateurs de notre société et de notre démocratie, au moment où est posée une interrogation sur la place du travail et sur celle de l'entreprise en tant qu'un des éléments structurants de notre société, comment l'entreprise peut-elle et doit-elle être un lieu d'épanouissement, de confrontation positive, mais aussi de démocratie, de parole et de « pouvoir d'agir »  ?

Ceci forme un contexte dans lequel ces travaux parlementaires concourent à l'idée pour laquelle nous n'avons eu de cesse de plaider au cours de ces dernières années : l'organisation d'un grand débat national portant sur le travail, les enjeux de santé et l'organisation de ce système. L'histoire du syndicalisme est inscrite dans celle du monde du travail, et c'est à l'essence même du syndicalisme qu'il est fait appel lorsqu'est posée la question de la santé au travail.

Nous ne laissons pas de nous interroger sur des phénomènes qui traversent notre société : les différences d'espérance de vie, l'explosion du nombre des maladies professionnelles – reconnues ou non –, notamment les troubles musculo-squelettiques (TMS), et je sais que vous avez rencontré tous ceux qui font autorité dans ce domaine. Je ne reviendrai donc pas sur les constats, car j'imagine que vous disposez de toutes les statistiques. Il est ensuite toujours possible de débattre à l'infini de ce qui relève vraiment du travail. Même en conduisant une réflexion fondée sur la part d'exposome, une part revient toujours au travail et cette question demeure posée.

Je vous appellerai donc plutôt, vous parlementaires, à oser vraiment les changements qu'il nous faut opérer dans l'organisation même du système. Maintenant que les diagnostics sont là, il faut passer à l'acte, ce qui signifie imprimer le renversement nécessaire vers la prévention.

Notre société est gravement malade d'avoir tout centré sur la réparation, et l'idée qu'il est possible de casser puis de réparer avec un chèque, une indemnité, une pension, cause les difficultés financières que nous connaissons. C'est cette logique que nous devons renverser. J'appelle régulièrement à relire l'exposé des motifs de la loi créant la branche « Accidents du travail et maladies professionnelles » (AT-MP). La réparation est un échec : c'est parce que l'on n'a pas bien travaillé que l'on est obligé de réparer. Il faut tendre vers tout ce qui permet d'éviter l'accident ou la maladie.

J'aime à rappeler que c'est Xavier Bertrand qui, en 2007, lorsqu'il a pris ses fonctions de ministre du travail, a organisé une conférence pour l'amélioration des conditions de travail. Il a été le premier à publier le chiffre de 4 points du produit intérieur brut (PIB), à quoi la CGT ajoute le coût du « mal-travail »,  qui peut constituer un élément du débat. Le défi consiste à prévenir ce qui pourrait être évité plutôt que de le réparer, et vous, parlementaires, disposez du temps nécessaire pour réaliser ce renversement.

La commission des comptes de la sécurité sociale a délibéré hier soir, et le Gouvernement est satisfait parce que les comptes sont presque à l'équilibre, mais nous demandons : à quel prix ? Cet équilibre intègre l'excédent de la branche AT-MP. Le moment n'a jamais été aussi favorable pour utiliser une partie au moins des excédents accumulés au cours des trois dernières années afin de donner à l'ensemble de la communauté des préventeurs les moyens d'agir.

Nous aurions donc les moyens d'opérer les transformations nécessaires du système. À cet égard, je vous renvoie au document dans lequel la CGT formule des propositions pour réorganiser le millefeuille qui concourt à organiser l'inefficacité, et même l'épuisement, de l'ensemble des acteurs, qui n'est pas au rendez-vous des actions nécessaires.

Il y a deux ans, l'organisation syndicale s'est mobilisée dans le cadre des orientations du plan « Santé au travail » (PST). Ce document est très riche, mais encore faudrait-il que nous disposions des moyens de mettre en oeuvre l'ensemble des orientations que les cinq confédérations syndicales et les trois organisations patronales ont validées. Ce document est exceptionnel dans ses intentions et sa volonté, mais s'il reste sur les bureaux des directions de services, il n'aura servi à rien d'autre que faire de la littérature et user du papier.

Aujourd'hui, c'est l'action qui est urgente, et ces deux missions doivent concourir au véritable changement que le monde du travail attend.

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