Intervention de Jean-Luc Denis

Réunion du mercredi 13 juin 2018 à 14h10
Commission d'enquête sur les maladies et pathologies professionnelles dans l'industrie risques chimiques, psychosociaux ou physiques et les moyens à déployer pour leur élimination

Jean-Luc Denis, porte-parole du collectif Vérité et justice pour Jacques et Damien :

Aucun d'entre nous n'était préparé à vivre cette situation. Un accident du travail, c'est comme un accident de la route : on sait que cela peut arriver, mais tant que l'on n'est pas concerné, on le regarde de loin.

Notre première proposition est la suivante : comment peut-on faire de la sécurité au travail une priorité nationale, comme l'est la sécurité routière ? Nous ferons souvent cette comparaison avec la sécurité routière, non pas que nous les opposions – j'ai perdu mon frère à 20 ans, dans un accident de la route –, mais les conséquences, dramatiques, sont proches.

Chaque année, dans le monde, plus de 3 millions de personnes meurent dans un accident de travail. En 2015, la France a compté 624 525 accidents et 545 morts. On compte entre 500 et 800 morts par an.

L'accident du travail est un sujet tabou qui fait rarement la une de l'actualité et qui, sur un plan judiciaire, n'est pas traité à la hauteur du problème. La réparation et l'indemnisation doivent absolument évoluer. Mme Nadine Herrero, présidente de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH), que nous avons récemment rencontrée, nous a indiqué qu'elle se battait depuis longtemps pour que les indemnités versées pour un accident du travail soient identiques aux indemnités versées pour un accident de la route ; aujourd'hui, l'écart est de 1 à 10.

En ce qui concerne le drame de la fonderie, même si les familles n'ont pas fait de l'argent leur priorité, toucher 30 000 euros pour la perte d'un mari et d'un père pose question. Les amendes ne sont clairement pas dissuasives, surtout pour les grands groupes. La semaine dernière, nous avons lu dans la presse que Disney avait été condamné à 200 000 euros d'amende pour la mort accidentelle d'un salarié…

Certes, le risque zéro n'existe pas et un accident peut arriver sur n'importe quel lieu de travail. Notre indignation concerne les entreprises multirécidivistes. Il faut s'attaquer aux causes.

Notre deuxième proposition est la suivante : la création d'une condamnation à une « obligation de soins » pour les entreprises multirécidivistes – une condamnation similaire à celle qui existe pour les citoyens qui ont des problèmes de drogue, d'alcoolisme ou de moeurs. L'idée est de transformer les amendes – qui sont perçues par l'État – en obligation d'investir dans la sécurité, avec un devis précis et un calendrier rigoureux, entraînant des condamnations supplémentaires s'il n'est pas respecté. Une idée qui a été jugée positive et pleine de bon sens par toutes les personnes à qui nous l'avons proposée – presse et politiques.

Pour reprendre le parallèle avec la sécurité routière, quand plusieurs accidents ont lieu dans le même virage, la sagesse veut que les autorités publiques modifient le virage ou imposent une réduction de vitesse à cet endroit. Le débat actuel sur les limitations de vitesse montre bien que la sécurité routière est une priorité nationale. Pourquoi ne pas s'attaquer aux causes des accidents dans les entreprises multirécidivistes ? Nous éviterions le chantage à l'emploi et à la fermeture des usines – un chantage souvent évoqué. Cela permettrait également à tous les salariés de travailler sans la peur au ventre. Parce que si nous avons parlé des familles, il faut également prendre en compte les collègues des victimes, qui sont eux aussi traumatisés. Un certain nombre d'entre eux nous disent avoir la boule au ventre à chaque fois qu'ils passent devant le bureau de Damien ou l'établi de Jacques.

Par ailleurs, il convient de se souvenir que la fonderie de Feurs a déjà été condamnée, à quatre reprises, à des amendes pour défaut de sécurité, mais pour quel résultat…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.