Intervention de Jean-Luc Denis

Réunion du mercredi 13 juin 2018 à 14h10
Commission d'enquête sur les maladies et pathologies professionnelles dans l'industrie risques chimiques, psychosociaux ou physiques et les moyens à déployer pour leur élimination

Jean-Luc Denis, porte-parole du collectif Vérité et justice pour Jacques et Damien :

Nous demandons que les autorités publiques travaillent sur le statut de victime, en priorisant l'aspect humain de ces drames. Une réflexion, bien entendu, valable pour toutes les victimes – pas seulement au travail. En effet, dans notre société, les victimes sont toujours obligées de se battre pour que soit reconnu leur statut de victime. Que ce soit les femmes, lors de leur combat contre les hommes pour agressions sexuelles – nous l'avons vu cette année –, ou les personnes victimes d'abus sexuels au sein des églises.

Nous souhaitons aussi que, dès le premier jour, une aide matérielle et psychologique soit mise en place pour que les familles puissent avoir les capacités mentales, physiques et financières d'aller au bout de la démarche, à savoir la condamnation, condition obligatoire pour entamer un travail de deuil.

Après un drame, la famille est dans l'émotion. Si l'émotion est le moteur de la solidarité, une action immédiate doit se mettre en place par l'intermédiaire de soutiens ou d'un collectif, car la famille est « K.O. » et n'est donc pas en état de mener un combat. D'après les chiffres, plus de 80 % des procédures ne vont pas au bout. Seule, une famille ne peut se battre contre des entreprises.

Alors il est vrai que faire appel à la solidarité, le jour des enterrements, n'est pas facile, et certaines personnes n'ont pas apprécié. Mais si nous ne l'avions pas fait ce jour-là, il n'y aurait jamais eu de collectif. La réaction doit être immédiate pour que les familles aient une chance d'aller au bout de la procédure.

L'accompagnement des familles est également nécessaire pendant toute la durée de la procédure ; le collectif a assuré cette fonction pendant sept ans, auprès des deux familles qui ne se connaissaient pas avant le drame. Certaines familles pensent qu'elles ne peuvent rien faire, que l'accident est une fatalité. D'autres acceptent l'arrangement financier proposé par la société – nous ne les jugeons pas. Et quelques familles portent plainte et vont en justice. Dans ce cas, des fonds doivent être trouvés, les familles ne disposant en général pas des sommes nécessaires ; pour Jacques et Damien, près de 30 000 euros ont été réunis par le collectif.

Autre point important : comment améliorer la communication entre la justice et les familles ? Nous avons appris à nos dépens qu'il existait un véritable gouffre entre la justice et le citoyen lambda, en termes non seulement de langage – bien souvent, on ne comprend rien aux documents que l'on reçoit –, mais également de délai et de procédure. Un accompagnement devrait être prévu pour les familles : des fiches, des conseils, pour que les victimes soient orientées vers des personnes compétentes, disposées à les soutenir ; je pense aux maisons du droit, aux associations, etc. Il ne s'agit pas là d'une affaire d'argent, mais d'humanité.

Enfin, comment pourrait-on raccourcir les délais, voire limiter le nombre de recours des entreprises qui disposent de moyens illimités et pour qui le temps travaille ? Sept ans de procédure, c'est très long. Et si les deux sociétés ont accepté le verdict de la cour de cassation, c'est seulement parce qu'elles avaient plus à perdre qu'à gagner. Ce n'est certainement pas par humanité.

La situation de victime est très compliquée. Les gens ne veulent pas se plaindre, ils portent leur croix tout seuls. Nous avons presque honte, à côté, de nous battre. Le regard des autres est très difficile à supporter, notamment pour les enfants.

L'aide aux victimes devrait être un service public.

Enfin, juste pour l'anecdote, nous avons été agréablement surpris : les deux services de l'État qui nous ont le plus aidés sont les renseignements généraux et les services de police qui ont facilité notamment une manifestation interdite par la préfecture.

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