Intervention de Pierre-Franck Chevet

Réunion du jeudi 7 juin 2018 à 9h00
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Pierre-Franck Chevet :

Si votre question est de savoir s'il vaut mieux retraiter ou ne pas retraiter, la réponse à y apporter en termes de sûreté n'est pas évidente, dans la mesure où, quelle que soit l'option choisie, la même masse globale de matières de différentes natures serait transportée et entreposée.

Si l'on ne procède à aucun retraitement, il faudra envoyer en stockage final davantage de combustibles usés en l'état, ce qui augmentera le volume stocké à Cigéo, ce qui, en termes de sûreté, n'est pas forcément mieux. C'est sur la base de cette hypothèse que nous avions demandé à l'Andra, au moment du dépôt de la future demande d'autorisation de création, de justifier la faisabilité de stocker du combustible en l'état directement à Cigéo, au nom de la réversibilité et de l'adaptabilité à des décisions politiques éventuelles futures.

Le choix entre les deux options est difficile. Je rappelle qu'en principe environnemental classique, l'idée de recycler un maximum de déchets avant de les envoyer en décharge est généralement privilégiée. Dans le même temps, il convient de tenir compte du fait qu'il s'agit de MOx. Il y a donc là un arbitrage à faire. En termes de pure sûreté, les deux solutions présentent des avantages et des inconvénients. Dans un cas, contrairement à l'autre, cela conduit à une minimisation des matières placées en stockage final, ce qui n'est pas négligeable en termes d'environnement et de sûreté. Objectivement, les choix de retraitement n'ont toutefois pas été effectués sur la base de considération de sûreté, ni dans un sens, ni dans un autre, mais plutôt sur des aspects de sécurité d'approvisionnement.

Vous avez évoqué la quatrième génération de réacteurs, sujet sur lequel l'ASN s'est déjà exprimée. Pour l'instant, l'option retenue en France en termes de design est celle de réacteurs à neutrons rapides (RNR). Cela a un sens dans la mesure où nous disposons d'une expérience dans ce domaine, en matière par exemple de tenue des matériaux ou de problèmes de corrosion, ce qui est important en termes de sûreté. À l'inverse, nous savons que ces réacteurs posent un certain nombre de questions de sûreté liées notamment à l'usage du sodium et aux difficultés à effectuer l'inspection et la réparation en service. L'autre sujet concerne les problèmes d'interaction entre le sodium et l'eau. Au regard de ces éléments, l'ASN insiste pour que les réacteurs de quatrième génération, au premier rang desquels ASTRID, traitent et règlent ces sujets, en ayant en tête les objectifs de sûreté améliorée des centrales de troisième génération et en allant au-delà, l'idée étant qu'ASTRID puisse servir de démonstrateur à ce nouveau niveau de sûreté.

Au passage, je souligne que, jusqu'à présent, des étapes avaient toujours été franchies en termes de sûreté entre les trois premières générations ; or la génération 4 n'a pas été conçue dans cette optique, mais vise plutôt une amélioration dans la gestion des déchets, des matières. Or il faut selon nous veiller à ce que cette nouvelle génération franchisse encore un cap en termes de sûreté et poursuive les améliorations apportées successivement dans ce domaine par les trois générations précédentes. Je ne me prononcerai pas sur l'aspect hypothétique ou pas.

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