Intervention de Sébastien Jumel

Réunion du mardi 12 juin 2018 à 21h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Jumel :

Vous permettrez, madame la présidente, que j'exprime une appréciation globale qui vaudra pour la défense de mes deux sous-amendements CS158 et CS157.

Sur ce sujet important, je donne acte au rapporteur et au Gouvernement de s'y être mieux pris qu'au Sénat, où un amendement, tombé en parachute, a créé une émotion colossale chez les industriels et les élus : ils ont brutalement découvert – pour moi, ce n'était pas vraiment une découverte – que les six appels d'offres retenus donneraient lieu à des coûts de production de l'énergie exorbitants par rapport aux prix du marché, comme on dit en langage technocratique… Le projet éolien du Tréport avait d'ailleurs été déclaré infructueux en raison d'un coût de l'énergie prohibitif, ou « non compétitif », pour parler comme les libéraux !

Le Gouvernement a compris que ça gueulait de partout : les élus, ceux qui s'étaient engagés dans les territoires, ceux qui avaient fait campagne dans leur territoire respectif, tous ceux qui avaient entendu les promesses de Gascon faites ici et là. Force est donc de constater que les ministères concernés ont réuni les parlementaires autour du rapporteur afin de préparer un amendement qui tente de sécuriser le dispositif, en tout cas dans le discours. Je donne acte de cette méthode de travail qui est plutôt meilleure que l'attitude de mépris dont il a fait preuve vis-à-vis des sénateurs.

Soyons clairs : le groupe de la Gauche démocrate et républicaine est favorable à un mix énergétique équilibré, intelligent, dans lequel les éoliennes en mer ont leur place. Personne ne conteste cela. Personne ne conteste non plus que l'État ait le souci des deniers du contribuable. Il me semble juste que l'on cherche à renégocier, dans l'intérêt du contribuable, le prix de l'électricité auprès d'opérateurs qui dégagent apparemment des marges colossales – d'autant plus que ces prix valent pour la durée du projet : autrement dit, nous risquons de payer jusqu'à la fin des temps, ou au moins pour une très longue durée.

Notre souci est double. Premièrement, le prix étant une clause substantielle de l'appel d'offres – tout comme le salaire dans le contrat de travail –, sa modification n'est envisageable que lorsqu'elle se fait dans l'intérêt du contribuable. La renégociation du prix ne saurait se faire au détriment des engagements prévus pour le projet, en particulier des engagements en termes d'emplois industriels chers au coeur du Premier ministre, ancien maire du Havre, et de nous tous au bout du compte : 750 emplois industriels promis sur le site du Havre – chiffre consolidé : certains tracts que j'ai conservés dans mes archives, en promettaient plus encore. Le Premier ministre y tient beaucoup, et nous aussi. Nous ne voudrions pas qu'à la faveur d'une renégociation du prix, les emplois industriels promis deviennent une variable d'ajustement.

D'autres engagements ont été pris, par exemple en matière d'emplois locaux « non délocalisables » – c'est comme cela qu'on les présente dans les plaquettes : sur les plateformes de maintenance du parc éolien offshore, 120 emplois « non délocalisables » ont été ainsi promis aux pêcheurs. Entre autres promesses, une base de maintenance, des centres de contrôle et d'expertise, et par exemple, pour la Seine-Maritime, des formations au lycée maritime Anita-Conti aux métiers de l'énergie… Je ne parle pas des promesses concernant les taxes redistribuées aux collectivités locales. Enfin, il y a ce qui m'importe en tant qu'ancien maire d'une ville de pêche, et député d'une circonscription qui compte deux ports de pêche, Dieppe et Le Tréport : on a promis aux pêcheurs, que le projet offshore allait pénaliser, de les accompagner pour moderniser la flottille et adapter leur mode de pêche. Et malgré ces promesses, le niveau d'acceptation n'était pas terrible, de leur côté comme du nôtre.

En adoptant le sous-amendement CS158, la représentation nationale aurait la garantie que la renégociation du prix ne remettra pas en cause les engagements contractuels. Il faut faire en sorte qu'on ne se retrouve pas des éoliennes low cost, des éoliennes de chez Lidl, des éoliennes à bas prix, à bas coût, à basse valeur ajoutée industrielle, économique, sociale, environnementale, sans effet en termes d'accompagnement du territoire. Des éoliennes qui ne seraient que du vent… Moi, je veux des éoliennes qui aient du souffle !

Second souci : la localisation du parc. Un débat a été organisé sur ce sujet dans mon territoire. La Commission nationale du débat public elle-même a considéré qu'elle aurait placé le parc un peu plus loin si elle avait été consultée en amont. Nicolas Hulot, qui a rencontré tous les élus concernés – M. Emmanuel Maquet, M. Xavier Bertrand, moi-même… – nous a dit qu'il s'y serait mieux pris s'il avait été ministre à l'époque. Et pour ma part, je le crois. En cas de nouvelle procédure de mise en concurrence, après échec des négociations, ce que personne ne souhaite – encore que certains doivent le souhaiter, certains dont je fais peut-être partie parfois –, mon sous-amendement CS157 permettrait de déplacer le parc de quelques milles marins pour prendre en compte les remarques de la CNDP et du ministre de la transition écologique et solidaire. Ce qui, au bout du compte, permettrait d'obtenir une acceptation pleine et entière du projet.

L'amendement CS158 contre les éoliennes low cost est cosigné par M. Jean-Paul Lecoq, député du Havre, M. Alain Bruneel, député des Hauts-de-France, et M. Sébastien Jumel, député de Dieppe.

L'amendement CS157, relatif au déplacement du parc, vient davantage du nord de la Seine-Maritime.

Je me félicite en tout cas que nous puissions, cette fois, débattre vraiment du fond du sujet.

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