Intervention de Jean-François Delfraissy

Réunion du jeudi 7 juin 2018 à 10h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) :

– Nous tous, nous nous interrogeons, et c'est bien ainsi. J'y insiste, la mission confiée au CCNE d'organiser des États généraux avec la plus grande neutralité possible est un exercice inédit. Le rapport de synthèse s'est efforcé de faire remonter cette série de visions citoyennes. Le CCNE s'est placé dans un rôle différent de son activité habituelle. Nous sommes globalement une assemblée de sachants, d'horizons divers, très multidisciplinaires, avec un tiers de médecins et de scientifiques et deux tiers de non-médecins et de non-scientifiques, de philosophes, de juristes, de représentants des différentes disciplines des sciences humaines et sociales.

Le CCNE s'est mis, pour le dire ainsi, « au service » des États généraux et s'est interdit de communiquer sa propre position au cours des quatre ou cinq derniers mois. Il a reporté la publication de son avis sur le vieillissement en France, attendu pourtant depuis plusieurs mois, ce qui montre tout le retentissement que l'organisation de ces États généraux a eu sur le fonctionnement du CCNE. Il y a sans doute des leçons à tirer en la matière. Cet avis est sorti au cours du mois de mai, une fois la consultation citoyenne achevée. Je ferai d'ailleurs remarquer qu'un certain nombre de points mis en avant par le CCNE sont repris dans le plan Vieillissement.

Je l'ai dit, le CCNE reprend maintenant sa liberté. C'est un travail à quarante que nous allons mener pour élaborer notre avis, ce qui sera loin d'être facile, surtout dans des délais si courts. Cet avis comprendra probablement quatre parties. Une partie sera consacrée à décrire le contexte actuel au regard des évolutions passées et de la révision de la loi, à identifier les nouveaux enjeux : la médecine business, l'intelligence artificielle. Une deuxième partie s'attachera à récapituler une série de grandes valeurs, exprimées au travers de la consultation citoyenne ou issues de la réflexion du CCNE depuis de nombreuses années. Nous avons déjà publié plusieurs avis portant sur l'AMP, sur la fin de vie, etc. C'est évidemment un long continuum qui nous amène à avoir une réflexion sur tous ces sujets. Une troisième partie sera probablement réservée à certaines thématiques, non encore définies, sur lesquelles nous pourrions émettre un avis plus précis et présenter, notamment à l'adresse de l'ensemble des parlementaires, la vision du CCNE. Une quatrième partie sera centrée sur nos propositions pour éclairer le chemin qui nous attend dans les prochaines années, pour nourrir la réflexion bioéthique en France, pour insister sur le besoin de formation, pour souligner la place à accorder à une structure de réflexion éthique autour du numérique. Le CCNE sera peut-être amené à se positionner sur la future loi, sur ce qu'elle doit contenir ou non.

Reprenant son indépendance, le CCNE va s'appuyer sur le passé, sur sa propre vision d'expert et, bien sûr, sur ce qu'il a lu et entendu au cours des États généraux. Mais il n'est pas là pour répéter les commentaires qui figurent dans le présent rapport de synthèse.

Jean-François Eliaou a insisté, avec juste mesure, sur l'importance, dans une loi, de privilégier une stratégie d'ouvertures plutôt que d'interdits. C'est un message que nous essaierons nous aussi de faire passer. Certains sujets sont d'ores et déjà sur la table et sont cités dans le rapport de synthèse. Le législateur aura ainsi à se prononcer sur la recherche sur l'embryon et à y apporter des définitions très précises, tant est vaste la méconnaissance du grand public mais aussi des médecins en ce domaine. Sachons bien distinguer l'embryon, les cellules souches, les lignées de cellules souches embryonnaires produites voilà quinze ans et qui sont maintenant éparpillées dans le monde entier sans avoir plus rien à voir avec l'embryon, les IPS – ou PSI, en français, pour cellules souches pluripotentes induites –, etc. À cet égard, les scientifiques ont su se mobiliser à l'occasion des auditions pour mieux clarifier leur pensée : ils sont dans le temps de la clarification, de la justification, dirais-je même, de ce qu'ils font.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.