Intervention de Amélie de Montchalin

Séance en hémicycle du lundi 18 juin 2018 à 16h00
Débat sur le rapport de la cour des comptes sur le budget de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAmélie de Montchalin :

Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, mon intervention ne sera pas un commentaire de plus du tableau qu'ont dressé la Cour des comptes et mes collègues de l'exécution du budget de l'année 2017, mais plutôt une projection sur le présent et notre avenir. Je souhaiterais en effet concentrer mon intervention sur les dix recommandations faites à la fin de votre rapport, monsieur le Premier président.

Certaines d'entre elles me semblent essentielles pour rendre encore plus utile et efficace le travail complémentaire que mènent nos deux institutions, et surtout pour ne pas répéter les erreurs des exercices précédents, qui tiennent finalement pour l'essentiel à un défaut de suivi et d'évaluation des budgets que nous votons. C'est tout l'objet et le sens de ce Printemps de l'évaluation, mené par les députés de la commission des finances. Pour la première fois, cher président de la commission, cher rapporteur général, chers collègues, nous avons réussi à avoir un échange rationnel et significatif avec les ministres sur l'exécution de leurs budgets. Ce véritable échange sur l'efficacité et le sens des politiques publiques, plutôt qu'une bataille de chiffres qui finissait par devenir une abstraction d'experts, est essentiel, alors que chaque euro dépensé est bien réel et finance des politiques publiques qui le sont tout autant.

La troisième recommandation du rapport semble tout à fait cohérente avec l'esprit du travail parlementaire que nous voudrions créer ici. Vous demandez de détailler les méthodes et le processus de prévision pour chacun des principaux impôts, ainsi que le modèle de prévision utilisé. Nous le ferons partiellement dès le mois de septembre prochain, pour certains d'entre eux, puis progressivement en totalité, grâce à la création d'une agence d'évaluation parlementaire et de son unité de chiffrage, soutenue notamment par mes collègues Jean-Noël Barrot et Jean-François Eliaou, avec l'aide d'économistes de laboratoires de référence en évaluation de politiques publiques. Vous demandez également de décomposer la prévision de chaque impôt, en fonction de l'évolution de la base taxable, de l'impact du barème, du taux de recouvrement anticipé et, si possible, des effets de comportement. C'est de nouveau l'une des tâches d'évaluation économique que nous donnerons progressivement à notre agence d'évaluation parlementaire, qui sera bien entendu transpartisane.

Les cinquième et sixième recommandations, souvent reformulées – je souhaite insister sur ce point – , nous semblent incontournables. Elles concernent les dépenses fiscales, qui ont fait l'objet, devant notre commission, lors du Printemps de l'évaluation, d'engagements clairs de la part du ministre de l'action et des comptes publics. Il est extrêmement urgent de préciser les objectifs auxquels participent les dépenses fiscales rattachées au programme et de justifier le coût des plus significatives. La réalisation, pendant la période de la loi de programmation des finances publiques, d'une évaluation exhaustive des dépenses fiscales s'impose.

Le Parlement devra, bien sûr, avoir toute sa part dans cet exercice ; mais c'est un objectif clé dont doit se saisir rapidement le pouvoir exécutif. C'est en effet le principal noeud d'héritage et de responsabilité de tous les exercices budgétaires, celui qui révèle le plus les erreurs récurrentes que je citais au début de mon propos. Avec un coût estimé à près de 93 milliards pour 2017, en accélération exponentielle lors du précédent quinquennat, et des dépassements continus au cours des exercices 2015, 2016 et 2017, qui ne se sont que très peu traduits par des mesures d'ajustement, c'est même un sujet urgent du budget qui vient.

L'héritage est très lourd, et nous avons vu, lors des commissions d'évaluation des politiques publiques des ministères, à quel point il était parfois difficile de retracer le sens et les objectifs précis de politiques publiques qui ont appelé en leur temps à la création d'une dépense fiscale. Ce devoir d'inventaire, monsieur le premier président, il nous semble nécessaire de le réaliser de manière urgente.

L'article 20 de la loi de programmation des finances publiques 2018-2022 nous a donné pour l'avenir un mécanisme de responsabilité – une limitation de quatre ans pour toute nouvelle dépense fiscale – , et nous pouvons désormais fixer à toute nouvelle dépense fiscale une échéance d'évaluation, afin d'en juger la pertinence avant d'en proposer la reconduction ou la suppression éventuelle. Saisissons cette occasion pour maîtriser et redonner du sens à des dépenses qui n'en avaient plus.

Par ailleurs, et plus globalement, il faut que nous nous penchions ensemble, exécutif et Parlement, sur le nécessaire suivi infra-annuel de toute notre évaluation, sur toutes les normes votées en loi de finances – vous y appelez d'ailleurs dans votre rapport. L'information du Parlement sur ce suivi doit être la plus claire et la plus transparente possible. Il y aura ainsi beaucoup de travail à chacun des printemps de l'évaluation des années qui viennent, car voter, évaluer et avoir le courage de réformer, telle est ici notre mission à tous.

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