Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du lundi 18 juin 2018 à 16h00
Débat sur le rapport de la cour des comptes sur le budget de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Monsieur le président, monsieur le premier président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, chers collègues, ce débat sur le rapport de la Cour des comptes est l'occasion d'une réflexion sur un sujet primordial : la situation budgétaire réelle de la France. Je passerai sur les recommandations de type technique concernant le mode de présentation des documents budgétaires, pour aller à l'essentiel.

Le solde 2017 présente 67,7 milliards de déficit : légère réduction par rapport à l'année précédente, mais déficit lourd tout de même. Une hémorragie qui se réduit, mais qui se poursuit n'arrange en aucune manière l'état de santé du patient. Cette réduction est d'ailleurs insuffisante, et de loin, pour que le poids relatif de la dette dans le PIB soit simplement stabilisé. Nous sommes encore dans de hautes eaux, le déficit représentant plus du cinquième des dépenses nettes du budget général.

Encore faut-il intégrer deux éléments conjoncturels favorables : d'abord un sursaut de croissance inattendu à 2,2 %, le niveau frontière de l'évolution macroéconomique permettant d'améliorer structurellement une situation budgétaire et sociale ; ensuite, un niveau moyen de taux encore modéré qui atténue le poids des remboursements en taux mobiles. Rien n'indique, hélas, que ces éléments conjoncturels se poursuivront durablement, et l'on sait les effets potentiellement dévastateurs que représenterait à terme une hausse des taux.

Ainsi, résultat de tant d'années de dérapages, la dette financière nette atteint 1 686 milliards et la charge, près de 42 milliards. La dette publique brute, prise au sens de Maastricht, se rapproche des fatidiques 100 % du PIB, à près de 2 300 milliards. Elle représentait 12 % en 1974, avant que les chocs pétroliers n'aient diffusé leurs ravages, et 66 % de ce même PIB il y a dix ans. Nous sommes loin de l'engagement de ramener ce ratio à 96 % du PIB cette année.

Nous soulignerons d'abord la difficulté de cette situation : la nécessité de répondre aux engagements inscrits et programmés, l'ampleur des besoins sociaux, la poursuite indispensable des investissements publics et les autres impératifs contribuent à ce que les marges de manoeuvre soient plus que réduites.

Il y a cependant besoin d'agir. Nous ne pouvons laisser les choses dériver encore : il est déplaisant, pour ne pas dire malsain, que le déficit public constitue un fonds de commerce pour les financiers de tout bord et de toute origine. La fonction financière joue certes un rôle majeur dans le déroulé de la vie économique. Il n'en demeure pas moins que la spéculation, toujours présente, consiste à majorer artificiellement les profits particuliers au détriment de la création publique de richesses et d'emploi. Rappelons au passage que l'Agence France Trésor doit émettre chaque jour pour 500 millions d'obligations, le besoin de financement de l'État s'étant établi à 185,4 milliards d'euros en 2017. Sans commentaire.

La solution ne peut résider dans une aggravation globale de la pression fiscale, le taux de prélèvements obligatoires représentant déjà 45 % du produit intérieur brut, même si nous devons faire la part de l'évasion, et rappeler le rôle nocif des paradis fiscaux. L'effort est indispensable, il doit être équitablement partagé. Certains revenus, certains parachutes, nous semblent outranciers. Nous apprécions grandement la liberté d'entreprendre et de prospérer honnêtement, mais nous voudrions signaler au passage qu'il n'est nul besoin de dizaines de milliers d'euros quotidiens pour vivre.

La solution aux déséquilibres peut en revanche se placer dans une meilleure rationalisation des choix budgétaires. Nous demeurons dubitatifs quand nous lisons que les dépenses de fonctionnement augmentent de 4,7 %, alors même que celles en investissement sont en baisse de 7,1 % par rapport à la prévision de la loi de finances.

De même, quand nous lisons que la mission « Développement durable » a connu une baisse – la plus importante – de 2,9 % par rapport à la loi de finances, nous pensons que le choix est erroné. Le déficit annuel des échanges énergétiques est énorme – plus de 40 milliards d'euros pour les énergies fossiles. L'investissement en matière d'énergies renouvelables est un domaine prioritaire dans la mesure où il prépare un avenir inéluctable, et où, à moyen terme, il assure un retour sur investissement, et donc des effets positifs sur l'emploi et les budgets publics, qui en ont grand besoin.

Je rappellerai la réflexion du Premier président de la Cour des comptes devant notre commission des finances, en juin dernier : « Améliorer l'action publique ne passe pas nécessairement par des crédits supplémentaires. C'est souvent une question d'organisation et de répartition des moyens ».

En toute hypothèse, nous ne pouvons continuer à construire le monde de demain sur la dette. Il convient d'engager, ou de poursuivre, de réelles réformes structurelles. Elles sont objectivement difficiles, mais indispensables.

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