Intervention de Jean-Noël Barrot

Séance en hémicycle du lundi 18 juin 2018 à 16h00
Décote applicable aux cessions de biens et actifs immobiliers du domaine privé de l'État — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Noël Barrot :

À mon tour, je me réjouis de l'exercice d'évaluation auquel nous nous sommes livrés et dont nous tirons aujourd'hui les conclusions en discutant des propositions de résolution.

En l'espèce, la proposition de résolution qui nous est présentée par le groupe MODEM, à l'initiative de Jean-Paul Mattei, propose de tirer les conclusions de l'évaluation du dispositif créé en 2013 par la loi Duflot, qui autorise le gouvernement à céder des terrains de son domaine privé à un prix inférieur à sa valeur vénale afin de permettre « la réalisation de programmes comportant essentiellement des logements dont une partie au moins est réalisée en logement social ».

S'il devait offrir aux pouvoirs publics un nouvel instrument pour répondre à la crise du logement que traverse notre pays depuis de nombreuses années, ce dispositif ne peut perdurer que si les effets escomptés sont visibles et vérifiables, en particulier au vu des ressources publiques investies. De ce point de vue, il est permis de s'interroger sur l'efficacité de cette mesure. D'une part, celle-ci n'a pas eu l'effet incitatif escompté sur la production de logements. D'autre part, elle fait apparaître des disparités importantes dans les politiques publiques sur le territoire. Enfin, elle entre parfois en contradiction avec d'autres objectifs de politique publique en matière de valorisation du patrimoine de l'État.

La décote devait permettre la construction de 110 000 logements entre 2012 et 2016, ainsi que la cession de 224 sites propriétés de l'État ou de ses opérateurs. Or, comme l'a relevé la Cour des comptes, cet objectif ambitieux supposait dès le départ le doublement du rythme des mises en chantier observé sur la période 2008-2011. Les derniers chiffres disponibles quant aux logements construits et aux cessions réalisées se révèlent bien en deçà des objectifs initiaux. En février 2018, on dénombrait seulement 8 000 logements construits ou programmés, dont 6 000 logements sociaux, et la réalisation de 85 sites.

La Cour des comptes montre que la majeure partie de l'effort financier consenti dans le cadre de la décote a porté sur les zones les plus tendues, en particulier en Île-de-France. Ce mécanisme peut aboutir à accorder une subvention exorbitante à la construction de logements sociaux dans certaines collectivités. L'État a ainsi dépensé près de 37,3 millions d'euros pour 386 logements à Paris, soit 100 000 euros par logement social. Pour mémoire, le coût de l'application du dispositif sur le reste du territoire se limite à 16 000 euros.

Par ailleurs, la perte de recettes entre en contradiction avec l'objectif de valorisation du patrimoine public, notamment dans certains ministères, comme celui des armées, pour lequel le produit des cessions est destiné au financement des équipements.

Parce que le mécanisme de la décote n'a pas atteint son objectif en termes de production de logements, notamment sociaux, parce qu'il fait apparaître des disparités très significatives de dépense publique selon les territoires et parce qu'il entre en contradiction avec d'autres politiques publiques, ce dispositif au coût élevé doit être évalué et revu. C'est l'objectif poursuivi par cette proposition de résolution que je vous invite à voter avec les membres du groupe MODEM.

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