Intervention de Adrien Quatennens

Séance en hémicycle du mardi 19 juin 2018 à 15h00
Liberté de choisir son avenir professionnel — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAdrien Quatennens :

Madame la ministre, souvenons-nous de l'été dernier. Vous posiez le premier acte du scénario : les ordonnances travail. Elles furent le point culminant de l'opération de déconstruction d'un document patiemment établi : le code du travail. Leur intitulé ? « Pour le renforcement du dialogue social ». Il est vrai qu'à part quelques fausses notes, qui agressent les tympans, comme « ceux qui ne sont rien », les « fainéants » ou encore « trop de pognon pour les aides sociales » – j'en passe et des meilleures – , il faut bien le reconnaître, ça sonne toujours bien, du Macron !

Aujourd'hui, nous sommes sur le point de voter un projet de loi qui porte un titre tout aussi agréable : « pour la liberté de choisir son avenir professionnel ». Là où les ordonnances travail se voulaient le volet flexibilité, ce projet de loi se veut le volet sécurité. Or, en dépit de vos explications, nous devons reconnaître quelques difficultés à prendre la mesure des avancées du texte en termes de sécurité pour les travailleurs.

Une nouvelle fois, entre vous et nous, ce sont bien deux conceptions de l'organisation du travail dans notre pays qui s'opposent. Vous pensez que la formation professionnelle est la clef de la lutte contre le chômage ; nous pensons qu'elle n'est pas la solution miracle et que la relance de l'emploi pérenne dans notre pays repose sur l'absolue nécessité de relancer l'activité. Vous pensez que la formation professionnelle doit permettre aux travailleurs de s'adapter à l'économie et au marché du travail ; nous pensons qu'elle doit permettre à l'économie de s'adapter aux besoins humains. Vous pensez que la collectivité doit permettre aux salariés de se former eux-mêmes pour faire face aux aléas de l'économie et que la formation doit d'abord favoriser l'adaptabilité et la productivité des travailleurs ; nous pensons que le droit à la formation est dû par les entreprises, qu'elles en sont responsables et que ce droit est aussi celui de changer de vie.

Pour vous, la formation des apprentis doit se rapprocher des entreprises et correspondre à leurs besoins : la réglementation du travail des apprentis doit être assouplie et l'orientation professionnelle doit être, comme vous dites, au plus près du terrain, Pour nous, au contraire, la formation des jeunes est une compétence nationale et doit le rester, afin que les qualifications aient de la valeur et que les travailleurs puissent les faire valoir. Un apprenti est un jeune en formation et non un salarié comme les autres. Son travail doit donc être davantage réglementé. L'orientation professionnelle doit, de notre point de vue, rester nationale, pour que personne ne soit assigné à résidence.

Le plus édifiant reste votre renoncement à une promesse de campagne du candidat Macron : l'indemnisation des démissionnaires et des indépendants est devenue, dans le texte, très conditionnelle.

Vous voulez renforcer le contrôle des chômeurs, déjà contrôlés par Pôle emploi. Or, selon les derniers chiffres de cette institution elle-même, 86 % des contrôlés sont en recherche active, la moitié des 14 % restants n'étant même pas indemnisée. De plus, madame la ministre, toujours sur la base des chiffres de Pôle emploi, en moyenne, en France un emploi n'est pas pourvu pour quarante-quatre chômeurs. Je vous le demande : n'est-il pas hypocrite d'exiger une recherche d'emploi frénétique dans une contexte dont chacun sait, vous comme nous, qu'il se caractérise, dans notre pays, par une pénurie d'emploi pérenne ?

L'économie financiarisée conjuguée à la flexibilité à outrance que vous mettez en place produit cet effet que 70 % des contrats signés sont des contrats courts. Quel projet de vie peut-on bâtir sur de telles perspectives ? Ce n'est tout simplement pas sérieux.

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