Intervention de Clémentine Autain

Séance en hémicycle du mardi 19 juin 2018 à 15h00
Autonomie fiscale des collectivités territoriales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClémentine Autain :

Certaines villes, comme Tremblay-en-France, en pâtissent considérablement. Depuis le début des années 2000, la ville a été amputée de près de la moitié de ses bases fiscales. Pire encore, l'État n'a cessé de réduire à la portion congrue ses dotations, ce qui représente pour la ville une perte sèche de près de 17 millions d'euros depuis 2014.

L'État demande des efforts sans cesse plus importants aux collectivités territoriales. La Cour des comptes, pourtant habituée à montrer celles-ci du doigt, insiste désormais sur les efforts qu'elles ont d'ores et déjà consentis, et constate même qu'elles supportent depuis deux ans l'essentiel de la réduction du déficit public de la France. La politique « austéritaire » vantée par le Gouvernement met en danger certaines collectivités, dont les budgets touchent désormais à l'os.

Quant à la suppression totale de la taxe d'habitation, prévue pour 2020, elle risque d'aggraver un peu plus la situation. Quelles en seront les conséquences pour une commune comme Sevran, où la taxe d'habitation rapporte 18 millions d'euros au budget de la commune ? Actuellement, 19 % de la population en est exonérée ; cette proportion sera de 87 % après la réforme.

Certes, les données ne sont pas les mêmes dans des communes comme Rambouillet, Saint-Cloud ou d'autres villes plus riches. En tout état de cause, les communes perdront un levier fiscal important, d'autant que les questions majeures soulevées par la compensation de la suppression de la taxe d'habitation par l'État n'ont toujours pas obtenu de réponses satisfaisantes.

Tel est le contexte dans lequel l'État envisage de mettre en oeuvre un nouveau dispositif : la contractualisation avec les collectivités territoriales. Le Gouvernement a publié une circulaire relative à cette contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales, prise dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Ces contrats, d'une durée de trois ans, prévoient que les 322 collectivités territoriales les plus importantes, celles dont les dépenses de fonctionnement sont supérieures à 60 millions d'euros, seront soumises à une limitation de leurs dépenses de fonctionnement de 1,2 % par an, inflation comprise. Comme de nombreux maires et anciens maires, je suis – nous sommes – farouchement opposée au principe même de ces contrats, qui portent atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales.

De nombreuses collectivités, je le sais, comme les régions Hauts-de-France et Île-de-France, le département de la Seine-Saint-Denis ou des villes comme Aubervilliers, Montreuil ou Tremblay sont vent debout contre cette ingérence grossière de l'État dans la construction souveraine de leur budget.

Car, mes chers collègues, ces contrats n'ont de contrats que le nom ! Loin d'être négociés volontairement entre les différentes parties, ils sont en réalité imposés aux collectivités. Si elles ne les respectent pas, les collectivités devront payer de lourdes amendes, qu'elles aient signé ou non. C'est un véritable diktat, qui ne prend pas en compte les spécificités de chaque collectivité. En Seine-Saint-Denis, certaines villes se développent et connaissent une croissance démographique importante. Cela implique de nouveaux investissements dans des services publics supplémentaires. Les besoins vont croissant, mais vous voulez imposer des cures d'austérité, et donc une logique comptable particulière à des villes qui ne l'acceptent pas forcément. Comment financer des dépenses nouvelles dans un cadre si contraint ? Nous marchons sur la tête !

En réalité, l'État oblige les communes à investir moins d'argent par habitant. Les élus sont unanimes : ce nouveau coup porté à leur autonomie financière signera une réduction majeure de l'offre de services publics. Les collectivités ainsi mises au pas n'auront désormais plus aucune marge de manoeuvre pour mettre en place des politiques publiques progressistes. Le message lancé par le Gouvernement est clair : l'austérité ou le bâton !

Ces contrats sont antidémocratiques en ce qu'ils remettent en cause le choix des citoyens. Ces derniers ont élu leurs représentants démocratiquement pour qu'ils mettent en place un programme précis et des politiques publiques qu'ils ont choisies. L'État remet en cause cette décision ; vous remettez en cause cette décision.

L'enjeu est simple : imposer l'austérité et réduire toujours plus la dépense publique, mettre en concurrence les territoires et laisser les services publics de proximité aux mains du secteur privé, au mépris de l'égalité entre les territoires. Le Gouvernement applique à la lettre la feuille de route de la Commission européenne, hostile à l'existence des communes au profit des métropoles et autres super-agglomérations. Vous voudriez la mort des communes que vous ne vous y prendriez pas autrement.

Mais les communes sont la fondation même de la démocratie française ; elles constituent, pour nos concitoyens, la collectivité de la proximité, de l'humain, du social, le lieu où ils peuvent encore avoir prise sur l'institution politique. En l'affaiblissant, en la remplaçant par des institutions lointaines et technocratiques, le Gouvernement affaiblit considérablement la démocratie. Nos concitoyens perdront là le dernier lien de confiance qu'ils entretiennent encore avec l'autorité publique.

C'est pourquoi, à la lumière de ces éléments, le groupe La France insoumise soutiendra la proposition de résolution déposée par M. de Courson. Il est urgent de sortir de la logique comptable imposée par Bercy et Bruxelles !

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