Intervention de Sébastien Chenu

Séance en hémicycle du jeudi 21 juin 2018 à 15h00
Renforcement des droits des consommateurs en matière de démarchage téléphonique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Chenu :

De telles pratiques commerciales agressives ouvrent la voie à des personnes mal intentionnées, qui sous couvert de prospection commerciale profitent de la vulnérabilité de nos concitoyens les plus fragiles. Nombreux sont les cas de personnes âgées trompées par des charlatans qui profitent de leur grand âge et leur présentent des mirages pour les dépouiller de leur maigre retraite en leur vendant des choses dont ils n'ont pas besoin.

Et ce n'est pas un hasard si le Conseil constitutionnel a insisté sur le fait que la consultation généralisée des données peut être particulièrement attentatoire au respect de notre droit constitutionnel à la vie privée.

Ces atteintes injustifiées ne peuvent être tolérées, surtout lorsqu'il s'agit de démarches ayant un but lucratif, une visée commerciale. Sommes-nous réellement réduits à accepter comme une fatalité des empiétements de plus en plus fréquents sur nos vies privées, parce que c'est la logique du marché ?

Le démarchage téléphonique est inadmissible ; l'on ne peut tolérer l'état actuel du droit qui admet le consentement par défaut du consommateur. Il est aberrant de se rendre compte que nous sommes réduits à accepter des pratiques agressives, intrusives, et potentiellement dangereuses pour les plus vulnérables. En ce sens, il est primordial d'encadrer cette pratique et de recueillir explicitement le consentement du consommateur. Comment peut-on supposer qu'une personne soit d'accord pour qu'on l'importune sans même lui demander si elle accepte d'être dérangée ? Comment peut-on présupposer qu'elle accepte que ses données soient utilisées par des personnes parfaitement inconnues, qui ne devraient en aucun cas posséder ces informations, et que ces mêmes données servent aux entreprises pour faire fructifier leur activité ?

Il nous semble parfaitement normal que le droit du consommateur soit renforcé et que la prospection téléphonique ne soit plus considérée comme dérogatoire au régime de droit commun.

Il y a pire : même lorsque le consommateur exprime explicitement son désaccord, il reste bien trop souvent impuissant face aux relances multiples et aux appels intempestifs qui viennent perturber le cours normal d'une journée. Le dispositif Bloctel a prouvé ses limites et son insuffisance. Parmi les 3,5 millions de personnes ayant eu recours à cette procédure, pour environ 7,5 millions de numéros, près de la moitié ont témoigné recevoir toujours autant d'appels intempestifs de prospection commerciale.

Il est inadmissible que malgré des procédures mises en place par l'État, celui-ci soit toujours incapable de protéger les Français contre ces pratiques qui ont court sur l'ensemble du territoire national. Cette incapacité, nous la soulignons souvent, nous la déplorons toujours ; c'est un peu la marque de fabrique de ce gouvernement.

Il suffit d'ailleurs d'écrire « prospection commerciale » dans un moteur de recherche pour tomber sur des sites internet vantant la pratique de la prospection commerciale, qualifiée par certains de « redoutable levier de business », en tout cas « une fois ses codes maîtrisés ». Et si l'on parcourt un peu plus profondément l'un de ces sites internet, on pourra même apprendre que le prospecteur commercial, a, selon ses propres mots, l'avantage sur son prospect en ayant recours à un « fichier de prospects » qualifié.

La prospection commerciale est une activité agressive qui, en l'état, ne respecte absolument pas la vie privée de ceux qui n'ont rien demandé. Encore pire, on suppose que tout le monde est d'accord. En droit des obligations, le libre consentement des deux parties est le fondement d'un contrat. Les entreprises devraient donc être liées par un contrat implicite de respect mutuel des activités de chacun, à savoir la vie privée des uns et le profit économique des autres.

Les élus du Rassemblement national soutiendront cette proposition.

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