Intervention de Guillaume Vuilletet

Séance en hémicycle du jeudi 21 juin 2018 à 21h30
Défense du droit de propriété — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Vuilletet :

L'important est d'en rappeler les raisons. À l'époque, comme maintenant, votre premier amendement visait à inverser la charge de culpabilité. La rapporteure a expliqué la difficulté constitutionnelle inhérente à cette proposition. Sur le deuxième, relatif à l'exclusion du droit au logement opposable, une certaine disproportion à l'égard de l'urgence sociale à laquelle peuvent être confrontées ces personnes vous a été opposée. Enfin, les troisième et quatrième amendements n'apportent aucun avantage par rapport au contrat de droit commun prévu dans le code civil.

Je voudrais tout de même compléter un peu le propos. Votre texte souhaite donc mettre sur le même pied tous les biens immobiliers : logements, bâtiments à l'abandon, ateliers, entrepôts. L'idée s'entend. Une occupation illicite est une occupation illicite ; un propriétaire qui subit un tel préjudice mérite de recevoir le concours de la puissance publique.

Mais, en réalité, se voir priver de son logement parce qu'il est squatté, ce n'est pas la même chose que de récupérer un bien inutilisé ou un atelier vide. L'urgence n'est pas la même ; la justification de l'usage de la force publique non plus. Le Conseil constitutionnel fait bien la différence : il requiert un équilibre entre le droit constitutionnel de propriété et celui d'aller et venir ; dans les faits, il reconnaît la nécessité d'un abri. La réponse qui vous a été apportée par le ministre et la rapporteure allait dans ce sens. Il s'agit non pas de donner droit à une occupation illicite, mais de reconnaître que les moyens à mobiliser pour y faire face ne sont pas tous de même niveau.

Vous proposez par ailleurs une inversion de la charge de la preuve. En pratique, vous supposez qu'il est aussi facile pour un occupant de justifier de son occupation que pour un propriétaire de justifier de sa propriété. Je crains que vous ne loupiez totalement la cible, pour deux raisons. D'abord, vous prévoyez que l'occupant devra simplement produire un bail. Moi aussi, j'ai été élu de terrain, et des baux ou des quittances folkloriques, j'en ai vu passer des wagons. On peut jouer avec les documents et, à la fin, c'est le propriétaire qui devra justifier de sa propriété. M. le ministre faisait remarquer que la commission des lois de l'Assemblée nationale compliquait parfois les choses ; je parle d'or en disant que votre mesure est peut-être un peu compliquée. Mais surtout, elle va complètement à rebours de l'action que nous voulons mener avec opiniâtreté pour lutter contre les marchands de sommeil. Les propriétaires d'habitations dégradées, logeant des personnes dans des conditions inqualifiables, cela existe aussi. Souvent le statut des occupants du logement est aléatoire, et cette fragilité est organisée par le propriétaire indélicat. Là où nous voulons que celui-ci justifie de ses revenus illicites pour le confondre, vous voulez lui donner la possibilité d'évincer un occupant sans avoir à se justifier ; ce n'est pas une bonne chose.

Vous voulez aussi instaurer une peine automatique interdisant de bénéficier du mécanisme du DALO. Vous savez bien que cela est, par nature, inconstitutionnel. Mais, au-delà, le principe même me choque. D'une part, vous supposez que tout occupant d'un squat est conscient de son statut. Or ce n'est pas toujours le cas. Certaines familles sont convaincues d'être en règle – elles sont parfois suivies par la CAF, la caisse d'allocations familiales. Elles sont en fait logées dans des bâtiments dégradés, sous le contrôle de ceux qui sont les vrais squatteurs, je l'ai déjà dit. D'autre part, vous assimilez les squatteurs aux demandeurs de logements au titre du DALO, ce qui est lourdement stigmatisant.

Enfin, il faut tout de même rappeler ce qu'est le dispositif DALO, voté en 2007 – vous savez par qui. Celui-ci tend à accorder une priorité dans l'attribution d'un logement social lorsqu'une demande légitime, c'est-à-dire répondant aux critères prévus, n'a pas été satisfaite dans un délai raisonnable. Il s'agit donc de tenir compte d'une carence de la collectivité pendant un délai anormalement long.

Vous croyez réellement juste d'interdire à une personne ayant cherché à s'abriter dans un atelier désaffecté de bénéficier de ce qui relève du devoir de la collectivité. Votre proposition de loi répond à un problème certes réel, mais en lui apportant de mauvaises solutions.

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