Intervention de Jacques Witkowski

Réunion du jeudi 7 juin 2018 à 11h15
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Jacques Witkowski :

Fukushima est en effet, pour la plupart des grands pays disposant d'une industrie nucléaire, dont la France, un facteur d'intérêt majeur. Nous avons ainsi déployé une attention particulière et élaboré un rapport qui a servi de base à deux documents importants concernant le suivi et la modification des plans particuliers d'intervention (PPI), ainsi qu'un guide – que nous vous transmettrons – visant à permettre aux préfets de procéder à la rédaction de ces plans.

Je souhaiterais formuler quelques observations liminaires avant de répondre à votre question. L'accident nucléaire présente, en matière de préparation, mais aussi de gestion de crise, des particularités. Ces accidents ont tout d'abord des conséquences géographiques inédites par rapport à leur superficie. Ils se caractérisent en outre par un risque diffus. Lorsque l'on a affaire à un cyclone, les citoyens qui y sont confrontés voient les nuages arriver, l'eau monter : le risque est visible. Dans le cas d'un accident nucléaire, le risque est diffus : des gens peuvent être en danger sans pour autant avoir ressenti une menace ou un quelconque effet.

Il s'agit également d'un domaine dans lequel nous sommes confrontés, plus que dans tout autre, à la nécessité d'une expertise multiple : l'arbre de décision doit intégrer ce paramètre. Or ceci peut engendrer des difficultés en termes de prise de décision, dans la mesure où ceci doit être compatible avec les délais impartis. L'addition de l'aspect géographique et de la durabilité de la crise nucléaire fait qu'il existe dans ce domaine une multiplicité des acteurs de décision.

Partant de ces constats et de l'ensemble des éléments figurant au préalable dans le corpus décisionnel de conception des plans, l'accident de Fukushima nous a conduits en 2016 à passer à un stade différent, en intégrant des nouveautés inspirées des données élaborées en coopération avec nos homologues japonais, qui ont travaillé avec nous dans une attitude de transparence utile.

La première nouveauté réside dans une capacité des opérateurs à réagir avec des moyens qui leur sont propres au regard de la technicité de leurs installations. Le préfet est l'organe institutionnel décisionnel majeur du système, puisqu'il regroupe la totalité des acteurs de crise sur son territoire. Il s'agit d'une spécificité française, qui nous est souvent enviée, dans la mesure où ceci facilite grandement la gestion de crise, en permettant de réunir tous les acteurs opérants – forces armées, police, gendarmerie, acteurs de la sécurité civile, collectivités locales, opérateurs industriels – sous une même « casquette » décisionnelle. Cette organisation se décline au plan national et zonal, ce qui est extrêmement important.

Nous avons également intégré dans le dispositif la continuité des activités économiques et sociales, élément qui n'avait jusqu'alors pas été réellement envisagé, sinon de façon intuitive. Fukushima, et dans une moindre mesure Tchernobyl, nous ont montré la nécessité de considérer la durabilité de l'accident nucléaire sur un territoire, notamment par l'intermédiaire d'une politique transparente de gestion post-accidentelle.

Ceci a conduit concrètement à l'élaboration d'une feuille de route et d'un plan décliné sous forme de nouveaux PPI en cours de rédaction sur les 19 centres nucléaires de production d'électricité (CNPE).

Nous avons également défini une échelle de huit niveaux d'analyse, allant d'une situation d'incertitude jusqu'aux différentes situations d'accident telles que Fukushima, avec la partie maritime, la partie interstitielle, c'est-à-dire toutes les zones jusqu'à présent traitées de manière opérante mais non déclinées concrètement dans une planification, avec les entraînements induits.

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