Intervention de Jacques Witkowski

Réunion du jeudi 7 juin 2018 à 11h15
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Jacques Witkowski :

Je suis perturbé par le fait que les CLI aient le sentiment de ne pas être informées. En effet, il s'avère qu'au moment où la décision d'extension du périmètre des PPI de 10 à 20 kilomètres a été prise, j'étais préfet de la Manche, zone sans doute la plus nucléarisée du monde occidental. Je puis vous assurer que l'intensité des questions, de la part de la presse comme des élus, était telle qu'il fallait vraiment le faire exprès pour ne pas être au courant. La CLI avait alors été parfaitement informée, lors de réunions organisées à cet effet.

Au niveau national, nous avons transmis cinquante exemplaires du guide à l'Association nationale des CLI le 31 mai 2017 et un exemplaire de ce même document a par ailleurs été adressé, accompagné d'une information spécifique, à chacune des CLI, le 10 juillet 2017, à la demande de l'ANCCLI.

Votre observation appelle néanmoins une réaction de ma part : sans doute la manière dont nous avons procédé n'a-t-elle pas été suffisamment efficace. Peut-être faudra-t-il, si les CLI ont le sentiment de ne pas avoir été informées, refaire une nouvelle information.

Concernant les habitants, nous avons réalisé un sondage en 2016 dans les périmètres de 10 kilomètres. 93 % des personnes qui y ont répondu disaient avoir eu connaissance des actes réflexes à accomplir en cas de problème. Ceci ne signifie pas qu'elles les maîtrisaient, mais qu'elles en avaient au moins entendu parler.

Ceci renvoie finalement à l'éducation de la population à la notion de risque. Il faut savoir que la totalité de nos installations à risque, qu'elles soient naturelles ou industrielles, sont prises en compte dans une planification préventive et active. La France est ainsi l'un des rares pays à disposer de longue date de ce type de dispositif, qui se décline de manière extrêmement importante et efficace. Si l'on considère par exemple les feux de forêts survenus l'été dernier, qui constitue la pire année en la matière depuis 2003 dans le monde, on constate que 19 700 hectares ont brûlé en France, ce qui est beaucoup en valeur absolue, mais infinitésimal si l'on compare aux situations constatées ailleurs dans le monde, notamment en Europe. Ceci est dû d'une part au fait que nous avons de bons pompiers, des avions, des moyens, d'autre part au fait que depuis quarante ans, les plans locaux d'urbanisme (PLU) déclinent les risques, que l'on effectue de la prévention, que les collectivités entretiennent et gèrent la forêt.

En matière de risque, cet aspect de prévention est extrêmement important. L'une des difficultés tient au fait qu'il y a, dans les périmètres des CNPE, des mouvements de population : si certaines personnes habitant là depuis longtemps ont pu, au fil des décennies, acquérir des réflexes et savent que quand la sirène retentit, il faut se confiner, d'autres en revanche résident sur le territoire depuis peu ou y font du tourisme. Il ne faut ainsi pas se contenter de campagnes d'éducation ponctuelles, mais parvenir à délivrer une information de façon quasi permanente.

Le gouvernement a aussi la préoccupation d'aller vers une population pour laquelle la notion de résilience pourrait être plus importante, bien que ce mot soit difficile à expliquer au grand public. En effet, il arrive, dans certaines situations de crise, que les réflexes individuels ne soient pas ceux qu'il faudrait appliquer. Le pire à gérer pour nous, dans la perspective d'un accident gravissime pour lequel une évacuation serait décidée, serait que des gens se mettent sur les routes et entravent de ce fait la mise en oeuvre des axes de secours et le déroulement des opérations. Ceci nécessite un travail à très long terme, associant l'Education nationale, afin de former les adultes de demain, et les habitants actuels.

Les campagnes d'information telles que menées actuellement présentent certaines limites. J'en veux pour exemple le fait que le taux de retrait des pastilles d'iode par les habitants concernés n'est que de 50 %, ce qui est certes supérieur à la moyenne rencontrée dans d'autres pays, mais n'est toutefois pas suffisant. J'ai le sentiment qu'il existe là un axe de progrès collectif majeur.

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