Intervention de Nicolas Revel

Réunion du jeudi 14 juin 2018 à 8h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) :

L'outil de régulation que serait la fermeture des zones surdotées apparaît, quand je lis les rapports et les expressions qui y sont employées, comme l'outil qui semble le plus raisonnable. C'est lui qui contraint finalement le moins, tout en s'inspirant de ce que nous observons et de ce que nous avons fait pour d'autres professions.

Mais je pense qu'il n'aura pas les effets escomptés s'agissant des médecins. Prenons les généralistes : où sont les zones surdotées en médecine générale aujourd'hui ? Il y a, dans toutes les zones, plus de départs que d'arrivées… Vous ne trouverez donc aucune zone surdotée en médecine générale, hormis peut-être quelques micro-quartiers à Paris. L'observation vaut quand bien même vous raisonneriez en termes relatifs, en disant : « Je ne veux pas savoir si le nombre de médecins couvre ou non les besoins de santé d'un territoire, mais je vais, par principe, dire que les 10 % du territoire où on trouve l'intensité la plus forte sont, par définition, surdotés. » Quand, dans ces départements, les départs ne seront pas comblés, il ne sera pas très simple d'expliquer qu'il n'y a pas de possibilité de remplacer ces médecins.

Paradoxalement, d'ailleurs, dans les dispositifs qui concernent aujourd'hui les infirmiers et les sages-femmes, et demain les kinésithérapeutes, il y a une arrivée pour un départ, c'est-à-dire que nous n'organisons pas la déflation des effectifs. Appliquer demain la même règle du un pour un dans toutes les zones dites surdotées passerait donc à côté du problème, s'agissant des médecins.

Prenons maintenant les autres spécialités médicales.

On peut, en ce domaine, de manière tout à fait objective, identifier des situations de surdensité. À Paris, dans certaines spécialités, il y a un nombre considérable de professionnels ; les délais de rendez-vous, dans certaines spécialités, sont incroyablement rapides par rapport à bien d'autres territoires en France.

Mais, si nous fermons des possibilités de conventionnement, en ophtalmologie par exemple, sur le territoire parisien, est-ce que cela fera une installation dans un territoire sous-doté ?

Je ne crois pas, car je pense que les médecins concernés s'installeront à la périphérie de la zone sous-dotée, d'autant que les patients sont prêts, sur certaines consultations très spécialisées, à se déplacer.

Je pense donc que ce levier, qui apparaît comme nouveau et susceptible de produire des résultats, ne produira pas, en fait, ceux qu'on en attend. Par ailleurs, nous aurons une crispation assez forte vis-à-vis des médecins, qui considèreront qu'on est en train d'entraver la liberté d'installation. La priorité me semble être plutôt, dans les trois prochaines années, de ne pas forcément ouvrir des conflits avec eux, mais de mener au contraire avec eux un travail qui les engage et les amène à évoluer dans leur mode d'exercice et dans leurs conditions d'exercice.

La vraie bataille des prochaines années sera de faire que des médecins qui exercent aujourd'hui de manière isolée travaillent demain de manière coordonnée. Voilà la bataille à mener pour optimiser le temps médical.

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