Intervention de Benoit Potterie

Séance en hémicycle du mardi 26 juin 2018 à 15h00
État au service d'une société de confiance — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBenoit Potterie :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, chers collègues, ce projet de loi repose sur un constat simple, basique : celui d'une défiance des Français vis-à-vis de l'administration.

C'est un paradoxe : les Français aiment les services publics, mais ils n'aiment pas l'administration.

Au coeur de ce phénomène, il y a un défaut de confiance.

Le problème n'est pas nouveau. De nombreuses majorités ont essayé de réparer le lien entre l'administration et ses usagers. L'honnêteté m'oblige à reconnaître que les gouvernements passés ont porté de belles idées. Mais, à l'évidence, il y a encore beaucoup à faire.

Ce texte de loi est construit sur une approche nouvelle.

Nous partons du principe que le rétablissement de la confiance passe par un changement de culture administrative. Il repose sur quatre piliers : une administration qui accompagne ses usagers, une administration qui s'engage, une administration qui dialogue, une administration dont les règles sont à la fois plus simples et plus lisibles.

Ces principes se traduisent par des mesures concrètes, à destination des particuliers comme des entreprises.

Je ne reviendrai que brièvement sur les mesures à destination des particuliers, qui ont été très clairement explicitées par M. le rapporteur.

Je me permets néanmoins de souligner l'importance symbolique que constitue, pour nos concitoyens, la gratuité des appels vers les services publics nationaux, qui sera effective pour tous en 2021.

J'ai proposé cette mesure lors de l'examen en première lecture, parce qu'à mon sens, une administration qui dialogue est une administration qui est facilement joignable. Il s'agit là d'un préalable. La gratuité des appels est une question de principe, parce que le service public doit être accessible sans condition.

Cette mesure a également pour but d'apaiser les interactions téléphoniques. Attendre au téléphone, c'est une chose. Payer pour attendre en est une autre. Cela crée de la tension et nuit au dialogue.

D'autres outils viendront changer radicalement le rapport qu'entretiennent nos concitoyens avec l'administration : la mise en place d'un référent unique pour le suivi des dossiers, l'expérimentation de l'échange d'informations entre administrations par API, qui permettra aux usagers de ne plus avoir à envoyer plusieurs fois le même document.

Si ce projet de loi est une avancée pour nos concitoyens, il constitue également une petite révolution pour nos entreprises. En effet, avec le droit à l'erreur, nous inversons la charge de la preuve et nous prenons en compte la bonne foi des personnes. En tant que juge au tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer, je ne compte plus le nombre d'entreprises que j'ai vu mettre la clé sous la porte à la suite de sanctions pour des erreurs souvent commises de bonne foi. Ces situations conduisent parfois au pire. La notion de droit à l'erreur, de ce point de vue, aura un impact considérable.

Je tiens à rappeler à ceux qui s'inquiètent que ce droit est encadré. Nous ne créons pas une licence à l'erreur : nous décidons plutôt de présumer de la bonne foi, et d'analyser certaines situations au cas par cas. Bien entendu, la confiance n'exclut pas les contrôles. Ceux-ci seront rendus plus efficaces et nous proposerons aux entreprises qui le souhaitent d'être contrôlées lorsqu'elles ont des doutes sur la conformité juridique de leurs actions. Les avis rendus par l'administration seront ensuite opposables. Ainsi, nous choisissons de prévenir plutôt que de guérir.

Enfin, nous faisons le choix de la clarté, qui est en effet une condition de la confiance. Je pense notamment aux normes : celles-ci sont pensées pour assurer la sécurité des personnes, pour faciliter l'inclusion des personnes en situation de handicap, ou encore pour s'assurer de la qualité des produits que l'on consomme. Elles ont donc toutes une raison d'être.

Il existe toutefois en France près de 400 000 normes, et autant d'exceptions et de dérogations. Face à cette complexité, certaines entreprises ne s'y retrouvent pas, notamment les plus petites, qui ne disposent pas de service juridique. C'est pourquoi nous avons fait le choix d'être audacieux sur ce point.

Le projet de loi prévoit, dans certains domaines, des mesures de simplification. Il étend la pratique du rescrit administratif à d'autres domaines que la fiscalité. En d'autres termes, lorsqu'on a un doute, on pourra consulter l'administration avant de prendre une décision. Enfin, il propose la délivrance, par l'administration, d'un certificat d'information à toute personne qui se lance dans une activité nouvelle, de manière à ce qu'elle soit pleinement informée de toutes les règles en vigueur.

Ces mesures sont concrètes et elles sont attendues. Avec ce projet de loi, nous ne faisons pas que proclamer la confiance. Nous créons les conditions dans lesquelles celle-ci peut se développer. Beaucoup d'entre elles sont consensuelles et devraient susciter l'approbation de l'ensemble des groupes parlementaires en présence. Puissions-nous, sur ce texte, travailler ensemble et envoyer un signal, un beau signal.

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