Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du mercredi 27 juin 2018 à 15h00
Programmation militaire pour les années 2019 à 2025 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission et rapporteur, mes chers collègues, alors que nous sommes au terme du parcours de la loi de programmation militaire, à quelques minutes d'engager 295 milliards d'euros, je ne peux m'empêcher de faire un constat alarmant.

Nous débattons de cette programmation dans un contexte international, dans lequel les conflits n'ont jamais été aussi nombreux, s'attisent et se prolongent, avec un président et une administration américains qui ont fait le choix d'entretenir une instabilité permanente en matière diplomatique et de sécurité. La rupture brutale de l'accord de paix sur le nucléaire iranien fait désormais partie de la longue liste de ces décisions irresponsables, qui défont progressivement les acquis et les efforts internationaux et multilatéraux au service de la paix dans le monde.

Cette dérive états-unienne vers un unilatéralisme autoritaire devrait clairement nous amener à une réflexion de fond, tant sur notre action diplomatique que sur nos choix stratégiques en matière de défense. Quel niveau de crédibilité peut avoir la France quand elle reste suiviste d'une politique américaine qui n'est au service que de ses intérêts de puissance au détriment de la paix mondiale ? Avec notre intégration pleine et entière dans l'OTAN, ce n'est pas seulement une vision atlantiste de nos relations internationales qui en jeu ; c'est d'un renoncement à nos valeurs universelles et à une culture de paix qu'il est question.

Comment tenir un discours cohérent en accompagnant les choix américains de non-respect des résolutions de l'ONU, les déstabilisations régionales à des fins stratégiques et économiques, les ingérences militaires, voire le développement de guerres par procuration ? Peut-on sereinement parler de programmation militaire nationale, et notamment de son implication en matière de souveraineté de la France, en ne débattant pas de ces enjeux fondamentaux ? Je ne le crois pas. Et c'est d'abord pour cela que nous ne soutenons pas ce projet de loi.

Si ce débat de fond avait eu lieu, madame la ministre, sur une politique de défense souveraine, je suis persuadé que nous aurions trouvé des chemins communs pour répondre avec la même voix aux fortes attentes de nos militaires. Mais cette perspective a été douchée par la vision du Président de la République, qui a affirmé, dans son discours de la Sorbonne, que « notre objectif doit être la capacité d'action autonome de l'Europe, en complément de l'OTAN. » C'est désormais fait, avec l'initiative européenne d'intervention – IEI – , dont l'objectif revendiqué par les ministres de la défense des neuf États participants est « le partage du fardeau réclamé par l'administration américaine ».

Ce projet de loi de programmation militaire en est l'expression la plus frappante. Il s'agit, en effet, de moderniser nos armées sans procéder à un audit de leurs véritables besoins, avec pour seule boussole budgétaire d'atteindre 2 % du PIB, pour répondre à l'injonction de l'OTAN, soufflée par les industriels de l'armement pour nous vendre du matériel militaire ! Qu'elle est loin, la France indépendante et fière de ses choix !

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