Intervention de Nicole Dubré-Chirat

Séance en hémicycle du jeudi 28 juin 2018 à 9h30
Adaptation à la polynésie française de dispositions en matière de commerce — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicole Dubré-Chirat :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, mes chers collègues, je regrette l'absence de nos collègues des collectivités d'outre-mer mais il est évident qu'il est difficile d'être dans deux endroits à la fois ! Ils sont excusés mais nous aurions apprécié leur présence ce matin.

Nous devons examiner un texte soumis en première lecture au Sénat après engagement de la procédure accélérée, un projet de loi relatif aux contrôles et sanctions en matière de concurrence en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

Ce texte étend et adapte à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie certaines dispositions du livre IV du code de commerce relatives aux contrôles et aux sanctions en matière de concurrence. Des précisions sont apportées au régime des voies de recours à l'encontre des décisions de l'Autorité polynésienne de la concurrence en matière de pratiques anticoncurrentielles ; la compétence de la Cour d'appel de Paris est précisée ; les délais de recours sont fixés.

La ratification prévoit aussi la possibilité d'une coopération en matière d'enquête de concurrence entre l'Autorité polynésienne de la concurrence et l'Autorité de la concurrence sur le plan national.

Enfin, le rétablissement de l'obligation de transmettre une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d'intérêts à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique est prévu pour les membres des autorités administratives indépendantes de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française.

Ce texte répond à une demande de la Polynésie française : conformément aux règles régissant son statut, elle a sollicité à travers une résolution l'adoption par l'État des dispositions relevant de sa compétence aux fins de compléter une loi du pays relative à la concurrence et une autre portant réglementation des pratiques commerciales.

Territoire insulaire, la Polynésie française est une collectivité d'outre-mer de la République. Située dans le sud de l'Océan pacifique, elle est régie par l'article 74 de la Constitution de 1958 et bénéficie d'une large autonomie administrative. Son pouvoir réside essentiellement entre les mains d'une assemblée territoriale élue au suffrage universel, renouvelée en avril 2018 et possédant le pouvoir délibérant, ainsi que d'un organe exécutif constitué par le Gouvernement et placé sous le contrôle de l'Assemblée.

Grâce à l'autonomie administrative dont elle bénéficie, la Polynésie dispose de nombreux aménagements par rapport aux lois de la République française. Le président de la collectivité d'outre-mer, élu en mai 2018, instaure les lois et règlements ; il possède des compétences quasi similaires au Parlement en France métropolitaine. La législation en Polynésie française est donc particulière : un droit spécifique y est déjà appliqué permettant au législateur de définir les conditions d'application des lois et règlements, ne rendant possible l'application du droit métropolitain que sur mention expresse en ce sens.

De plus, la Polynésie dispose de « certaines catégories d'actes de l'assemblée délibérante intervenant au titre des compétences qu'elle exerce dans le domaine de la loi » communément appelées lois du pays. Ces actes interviennent dans des domaines très larges de la compétence de principe de la Polynésie et ne peuvent être contestés que devant le Conseil d'État et non devant le tribunal administratif.

Autre territoire à statut particulier, la Nouvelle-Calédonie est également concernée par cette ratification. Elle possède un statut de large autonomie sui generis instauré par l'accord de Nouméa, qui diffère de celui de la Polynésie parce que lui est conférée non seulement une autonomie administrative mais, également, dans un certain sens, une autonomie politique. À l'exception des domaines de la défense, de la sécurité et de la justice, qui restent métropolitains, la Nouvelle-Calédonie possède une autonomie pour ce qui est des autres compétences régaliennes.

La réforme constitutionnelle que nous examinons en ce moment à la commission des lois traite de la question de l'autonomie. Comme annoncé de longue date par l'exécutif, cette réforme instituera un « droit à la différenciation » entre collectivités, « après ou non une expérimentation », afin de « permettre aux élus locaux de répondre plus efficacement aux besoins de la population présente sur leur territoire ».

Surtout, le pouvoir réglementaire des collectivités d'outre-mer – décrit à l'article 73 – est élargi. Ces dernières pourront demander, si ce projet de loi constitutionnelle reste en l'état, à être habilitées par décret en Conseil des ministres à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement.

La République française doit respecter les particularités de chacun de ses territoires. Si elle est une et indivisible, l'autonomie et la différenciation doivent cependant être garanties. Le contexte particulier de la Polynésie et de la Nouvelle-Calédonie aussi bien sur le plan géographique, insulaire que politique, nous pousse à l'humilité en acceptant la particularité de ces territoires français, lesquels doivent être pris en considération avec leurs spécificités.

Le texte que nous devons valider concerne principalement la concurrence, sujet crucial pour la Polynésie française. Après une période politique et économique complexe, elle est depuis les dernières élections qui y ont eu lieu – en avril et mai 2018 – sur la voie du redressement économique. Après que le pays a souffert d'une instabilité politique jusqu'à la modification de son mode de scrutin en 2013, il a pu connaître une pacification interne après les dernières élections. L'arrêt des essais nucléaires, en 1996, a conduit la Polynésie française à prendre des mesures visant à réorienter son économie, notamment grâce au développement des infrastructures et à l'augmentation des exportations.

Les ambitions poursuivies ont eu du mal à être réalisées et la crise économique et financière de 2008 a amplifié les difficultés. Si l'économie du territoire demeure fragile, les signes positifs perceptibles depuis 2014 laissent espérer une reprise prochaine. L'insularité de la Polynésie, qui est une réalité, constitue une difficulté en matière de concurrence. En précisant le contrôle et les sanctions sur ce plan-là, ce texte vise à résoudre cette difficulté et à accompagner la Polynésie dans son redressement économique.

Ce texte, originellement simple, qui répond à une demande de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie, a été enrichi grâce au travail conjoint du Sénat et de l'Assemblée. À ce titre, nous ne pouvons que le voter.

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