Intervention de Sylvain Ly

Réunion du jeudi 21 juin 2018 à 9h30
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Sylvain Ly, du Bureau d'analyse sociétale pour une information citoyenne (Le Basic) :

Nous n'avons pas vraiment inventé la grande distribution. Cinq à six personnes l'ont importée des États-Unis dans les années 1950 où elle s'était développée grâce à la construction de parkings, dans ces lieux où l'on pouvait acheter de tout.

Dans le cadre de nos travaux, nous avons étudié les filières internationales – cacao, banane, jus d'orange – dont la production, et parfois la consommation, ne sont pas localisées en France. Nous avons été frappés par la « commoditisation » de ces filières dont la production est massifiée et standardisée par des acteurs économiques présents en milieu ou en aval de la chaîne. Ils augmentent les performances économiques des filières grâce aux économies d'échelle et peuvent ainsi produire plus, plus vite.

Ce phénomène s'observe dans de nombreuses filières, au-delà même de l'alimentaire. Il est fondamental pour comprendre le système mondialisé dans lequel nous vivons. Que se passe-t-il quand une filière est commoditisée ? Certes, les acteurs économiques à l'origine de ces commoditisations peuvent gagner plus d'argent, mais surtout les consommateurs sont coupés de la production : les matières premières ne sont plus directement « perceptibles » par les consommateurs. Ce phénomène explique d'ailleurs les scandales sanitaires des dernières années en France – on ne sait plus d'où vient la viande et si c'est du boeuf ou du cheval.

À l'autre bout de la chaîne, les producteurs ont beaucoup moins de moyens pour valoriser leur production agricole : ils alimentent une économie de flux et répondent à des critères, à des standards souvent internationaux, sans pouvoir valoriser ce qui fait la spécificité de leur production.

Le système implique l'interchangeabilité des matières premières. Nous avons pu le constater avec la commoditisation du vin produit en Afrique du Sud à destination de l'Europe : des bateaux transportent d'énormes cuves en plastique remplies de vin et il n'existe aucun moyen d'y retrouver le vin d'un petit producteur…

Au cours des vingt à trente dernières années, ce phénomène a profondément bouleversé le secteur alimentaire. Il n'est pas vraiment propre à la France, au contraire. Il y a quelques années, nous avons réalisé et présenté au Sénat une étude sur le lait visant à chiffrer les coûts sociétaux liés à la production de produits laitiers en France. Nous avions pu constater que notre pays n'était pas si mal loti par rapport à d'autres. L'avis de l'ADEME le souligne, l'alimentation garde une place importante en France ; les Français aiment manger et prennent généralement soin de bien manger. Si évolution il y a, elle est relative au regard de ce que sont les produits transformés aux États-Unis ou dans d'autres pays du nord de l'Europe, par exemple…

En conclusion, la spécificité en la matière n'est pas française. Le phénomène est transnational et répond à des enjeux économiques, dont les impacts socio-environnementaux touchent à la fois l'aval et l'amont de la chaîne.

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