Intervention de Pierre Meneton

Réunion du mardi 26 juin 2018 à 11h00
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Pierre Meneton, chercheur épidémiologiste :

Personnellement j'ai été confronté à diverses pressions depuis 1998. Cette année-là, le magazine La Recherche avait publié le premier article sur l'excès de sel, que j'avais écrit avec mon collègue Joël Ménard, qui était alors directeur général de la santé. Joël Ménard avait voulu sensibiliser le ministère français de la santé dès 1982, suite aux premières recommandations de l'OMS sur l'excès de sel, auxquelles il avait participé.

Après 1998, j'ai connu quelques péripéties. Des courriers ont été envoyés à l'INSERM, qui sont restés lettre morte. On en trouve certains sur internet. Je n'ai jamais eu de problème avec la direction de l'institut. Je n'ai pas non plus reçu d'aide très marquée de sa part mais je me mets tout à fait à sa place. À l'époque, nous avions voulu monter au créneau car l'excès de sel était ignoré en France, contrairement à l'excès de sucre ou de graisse. En l'état des connaissances et des recommandations internationales, cela nous semblait d'autant plus être une anomalie qu'il y avait un lobbying très actif en faveur du sel, auquel participait un chercheur de l'INSERM. Avec deux de ses chercheurs s'affrontant sur le sujet, on peut imaginer que l'institut ait eu du mal à adopter une ligne de conduite. L'INSERM a opté pour une position neutre, laissant chacun s'exprimer et les gens juger sur pièces, ce qui était probablement une bonne façon de faire. À plusieurs reprises, l'INSERM m'a d'ailleurs rappelé que, comme tout chercheur de l'institut, je bénéficiais d'une totale liberté d'expression concernant mes recherches ou mes connaissances.

En 2008, le lobby du sel m'a fait un procès en diffamation, suite à des propos tenus dans la presse. Je disais que ce lobby désinformait les professionnels de la santé. Il m'a été facile de démontrer, sur pièces, que c'était le cas depuis une trentaine d'années. Je ne suis plus leur activité mais, à mon avis, la situation n'a pas dû beaucoup changer.

En 2002, des journalistes d'investigation de l'hebdomadaire Le Point avaient publié un article semblant indiquer que nous avions fait l'objet, Joël Ménard et moi-même, d'écoutes administratives. C'est assez surprenant.

Pour ce qui me concerne, tout cela a eu peu de répercussions : je n'ai pas du tout été gêné dans ma recherche, et mon statut de fonctionnaire d'État d'un institut public m'a mis à l'abri de divers problèmes qu'ont pu rencontrer des gens qui travaillent dans un cadre privé ou semi-privé en France ou ailleurs. André Cicolella, un chercheur en toxicologie qui a dénoncé les effets des éthers de glycol, a été licencié de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), un organisme semi-public, à la suite de pressions diverses. Des chercheurs, travaillant en Grande-Bretagne ou aux États-Unis sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) ont connu le même type de mésaventure.

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