Intervention de Pierre Meneton

Réunion du mardi 26 juin 2018 à 11h00
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Pierre Meneton, chercheur épidémiologiste :

L'ajout de sel dans les aliments se pratiquait déjà chez les Égyptiens il y a trois mille ans ; il a continué à se pratiquer jusqu'à nos jours. C'est un véritable héritage culturel et historique. Les vertus antiseptiques du sel expliquent en particulier son usage jusqu'à la mise en place de la chaîne du froid, dans les années 1960, car le sel permettait d'améliorer les conditions bactériologiques de stockage des aliments.

Depuis cette époque, le secteur agroalimentaire continue d'ajouter du sel dans les dans les aliments, malgré les problèmes que cela peut occasionner sur le plan de la santé, pour des raisons multiples.

Il y a d'abord tout simplement une question d'habitude. Lorsque de petites ou moyennes entreprises, et encore plus des artisans, ont une recette qui plaît aux consommateurs, ils ne veulent pas prendre le risque d'en changer. Ils ne le feront pas sans qu'on les pousse à le faire.

Il y a ensuite une utilisation du sel comme exhausteur de goût des autres aliments. De multiples études ont par exemple montré que le sel rehausse les saveurs sucrées et inhibe les saveurs amères. C'est la raison pour laquelle on trouve du sel dans les produits sucrés.

L'adjonction de sel ne constitue pas le seul moyen d'augmenter le poids des aliments contenant de l'eau – on peut également utiliser les nitrates ou les nitrites par exemple –, mais cet usage existe bel et bien. Lorsque je travaillais sur ces questions, des représentants du secteur de l'industrie de la charcuterie m'ont expliqué, en off, que cette pratique leur permettait de dégager 15 % de leur chiffre d'affaires.

Enfin l'accoutumance aux produits salés constitue tout simplement un moteur de consommation : mangez salé amène à consommer plus de produits salés, voire plus de boissons.

Pourquoi le boulanger du coin, ajoute-t-il en moyenne cinq ou six grammes de sel dans sa baguette ? Uniquement parce qu'il a toujours fait comme cela, et que personne ne lui a dit de faire autrement. Pourtant, toutes les expériences de réduction de la teneur en sel menées par les artisans boulangers prouvent que cette option est parfaitement jouable. Il n'y a aucun problème en termes de goût. L'INBP a fait des tests auprès de panels de consommateurs, qui ont montré qu'avec 20 % ou 30 % de sel en moins, certains arômes de la farine ressortent et que le pain est même davantage apprécié. Le problème, c'est que personne n'est allé expliquer cela aux 30 000 artisans boulangers qui continuent à faire exactement ce qu'ils font depuis qu'ils ont appris leur métier.

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