Intervention de Isabelle Florennes

Réunion du mardi 26 juin 2018 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Florennes :

L'annonce d'un projet de loi constitutionnelle a suscité parmi les parlementaires des attentes et des espoirs. Le texte qui nous a été présenté, il faut bien le reconnaître, a un peu surpris. Il a d'abord provoqué une frustration, celle de ne pas pouvoir examiner les trois textes de nature différente en même temps. Ensuite, son contenu nous a étonnés, puisqu'il semble en deçà des attentes dont nous nous nourrissions.

Plusieurs d'entre nous ont souligné, dans cette discussion générale ou lors des débats en commissions saisies pour avis, que ce projet de révision constitutionnelle contient une diminution des droits du Parlement face à l'exécutif. Si le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés peut partager une partie de ce constat, nous pensons que l'analyse de départ est pourtant la bonne : le fonctionnement du Parlement n'est pas satisfaisant, la fabrique de la loi n'est pas optimale. Par ailleurs, nous n'en sommes qu'au début du processus parlementaire, et nous sommes persuadés que nous serons capables, collectivement, de faire évoluer ce projet de loi afin qu'il convienne au plus grand nombre.

Vous le savez, il sera nécessaire de réunir une majorité des trois cinquièmes. Dans cette optique, je souhaite que nos travaux nous permettent d'établir un consensus le plus large possible, pour que cette révision constitutionnelle aboutisse. Sur la partie concernant les relations entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, il est de notre responsabilité de rétablir un équilibre et de corriger les dysfonctionnements que nous constatons.

C'est donc de manière positive et optimiste que le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés aborde ce projet de loi constitutionnelle. Nous ferons un certain nombre de propositions qui nous semblent cohérentes et de nature à corriger les déséquilibres initiaux de ce texte. Nous pensons que la Constitution doit être modifiée avec parcimonie ; c'est un texte qui ne saurait être bavard et qui doit aller à l'essentiel.

Par ailleurs, nous sommes attachés à l'équilibre des pouvoirs tels que dessinés par le texte de 1958 et ses révisions successives. Il s'agit donc pour nous de conserver ces équilibres globaux, en procédant à des ajustements et à des correctifs afin d'améliorer le fonctionnement de notre démocratie. Ces éléments étant posés, j'en viens au contenu du texte.

Certaines dispositions font globalement consensus : nous sommes bien sûr favorables aux dispositions relatives aux modalités de nomination et de sanction des magistrats du Parquet, en ce qu'elles renforcent l'indépendance de la justice et confortent le rôle du Conseil supérieur de la magistrature. Nous soutenons les propositions relatives aux incompatibilités des membres du Gouvernement, une mesure qui s'inscrit dans le processus de refondation de notre vie publique pour redonner aux citoyens confiance en la politique. De même, nous partageons le souci de revenir sur la participation de droit des anciens Présidents de la République au Conseil constitutionnel. Enfin, je citerai la suppression de la Cour de justice de la République parmi les propositions qui devraient emporter un large consensus. Notre collègue Laurence Vichnievsky défendra au nom du groupe un amendement visant à préciser les conditions d'engagement de la responsabilité pénale des ministres.

Au-delà de ces points les plus consensuels, le texte comporte d'autres propositions de réformes qui devraient nourrir un plus large débat. Avant d'aborder la question du travail parlementaire, je reviendrai sur deux points importants du projet de loi : la réforme du Conseil économique, social et environnemental et l'introduction du principe de différenciation.

Ce dernier est un thème cher à notre groupe politique : sans contrevenir à l'unicité et à l'indivisibilité de la République, ce droit nouveau doit permettre la mise en place par les collectivités territoriales de politiques différenciées selon les besoins de chaque territoire. Ce droit à la différenciation soulève un grand nombre de questions, qui seront traitées dans le cadre d'une loi organique, à laquelle nous serons particulièrement attentifs.

Nous pensons qu'il est nécessaire de réformer le Conseil économique, social et environnemental. Toutefois, les dispositions figurant dans le projet de loi constitutionnelle suscitent chez nous de fortes réserves. Nous pensons pouvoir trouver un équilibre qui conviendra au plus grand nombre, et je laisserai le soin à notre collègue Erwan Balanant, qui a travaillé sur ce sujet avec la rapporteure, de présenter au moment opportun le fruit de leurs travaux.

J'en viens au travail parlementaire. Vous le savez, la modernisation de nos institutions est une ambition qui guide notre sensibilité politique depuis plusieurs années. Aussi, le bilan de cette première année de mandat a conforté certaines des idées déjà à l'oeuvre dans nos travaux : le fonctionnement du Parlement n'est pas optimal, ce qui l'empêche de remplir convenablement ses missions premières. Cet état de fait découle notamment du manque de visibilité concernant notre calendrier. Travailler selon un ordre du jour qui nous échappe, avec une visibilité à quelques semaines – voire à quelques jours ! – n'est pas satisfaisant. Or le projet de loi occulte cette problématique et impute les dysfonctionnements à un mauvais usage des outils qui font notre fonction de législateur.

Cela s'incarne notamment dans les dispositions prévues par l'article 3, qui viennent circonscrire le droit d'amendement de manière drastique, en s'appuyant sur une irrecevabilité systématique. En l'état, nous ne pouvons nous en satisfaire et nous y reviendrons lors des débats.

De la même manière, les dispositions de l'article 8 permettent au Gouvernement de reprendre la main sur la quasi-intégralité du calendrier parlementaire. Nous ne saurions consentir à un tel retour en arrière par rapport aux acquis de la révision constitutionnelle de 2008, sans un rééquilibrage général du calendrier. Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés souhaite privilégier une approche globale du problème en réfléchissant à un schéma qui intègre les remarques qui ont été faites de part et d'autre.

Nous détaillerons nos propositions lors de l'examen des amendements. L'essentiel pour nous est de parvenir à combiner lisibilité et prévisibilité. Le Gouvernement, comme les parlementaires, doivent avoir le temps nécessaire pour mener à bien leurs missions.

Je finirai par les questions soulevées par les travaux menés par M. Jean-Noël Barrot sur les missions de contrôle et d'évaluation du Parlement. Il est important que cette révision marque des avancées sur ce sujet, attendu de nos concitoyens. Notre objectif est de faire en sorte que la répartition entre les pouvoirs exécutif et législatif soit équilibrée, que le Parlement ait les moyens de remplir pleinement les missions qui sont les siennes et que nos institutions fonctionnent correctement. C'est donc avec un esprit ouvert et volontariste, et des propositions mûrement réfléchies que nous abordons ce projet de loi constitutionnelle.

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